La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/06/2024 | FRANCE | N°52400600

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 juin 2024, 52400600


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


JL10






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 12 juin 2024








Rejet




Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 600 F-D


Pourvoi n° E 23-10.630








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
__

_______________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUIN 2024


Le syndicat Sud commerces et services Ile-de-France, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 23-10.630 contre l'arrêt rendu ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

JL10

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 juin 2024

Rejet

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 600 F-D

Pourvoi n° E 23-10.630

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUIN 2024

Le syndicat Sud commerces et services Ile-de-France, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 23-10.630 contre l'arrêt rendu le 13 octobre 2022 par la cour d'appel de Versailles (14e chambre), dans le litige l'opposant à la société Fujifilm France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Chiron, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du syndicat Sud commerces et services Ile-de-France, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Fujifilm France, après débats en l'audience publique du 7 mai 2024 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Chiron, conseiller référendaire rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Thuillier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 13 octobre 2022), après information du comité social et économique central (CSEC), la société Fujifilm France a sollicité par une note de service du 26 août 2021 que les salariés amenés à se déplacer au sein d'un établissement dont l'accès était conditionné à la présentation d'un passe sanitaire valide à compter du 1er septembre 2021 en application de A du II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021, dans sa rédaction issue de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021, lui remettent une attestation sur l'honneur confirmant qu'ils étaient en mesure de respecter cette obligation.

2. Le CSEC, le syndicat Sud commerces et services Ile-de-France (le syndicat) et la Fédération des employés et cadres CGT FO ont saisi le président du tribunal judiciaire, statuant en référé, de demandes visant à ordonner la suspension de cette mesure sous astreinte, la destruction des attestations sur l'honneur déjà remises, et à interdire à cette société de prendre aucune mesure contraignante à l'égard des salariés s'agissant du respect par ces derniers de l'exigence de présentation d'un passe sanitaire au sein des établissements extérieurs dans lesquels ils seront amenés à exercer leurs fonctions.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Le syndicat fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à référé en l'absence de trouble manifestement illicite à faire cesser et de rejeter ses demandes, alors :

« 1°/ que selon l'article 2-3 du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, modifié par le décret n° 2021-1059 du 7 août 2021, "sont autorisés à contrôler [les justificatifs dont la présentation peut être exigée], dans les seuls cas prévus au A du II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 susvisée, et dans la limite de ce qui est nécessaire au contrôle des déplacements et de l'accès aux lieux, établissements, services ou événements mentionnés par ce A : 1° Les exploitants de services de transport de voyageurs ; 2° Les personnes chargées du contrôle sanitaire aux frontières ; 3° Les responsables des lieux, établissements et services ou les organisateurs des événements dont l'accès est subordonné à leur présentation en application du présent décret ; 4° Les agents de contrôle habilités à constater les infractions prévues à l'article L. 3136-1 du code de la santé publique" ; que, pour dire n'y avoir lieu à référé en l'absence de trouble manifestement illicite à faire cesser, la cour d'appel a, par motifs propres, retenu, d'une part, que "la décision de l'employeur critiquée vise primordialement, non pas à contrôler le respect par les salariés de l'obligation vaccinale, mais à contrôler qu'ils sont en mesure d'exercer leurs missions contractuelles au regard des nouvelles exigences légales", d'autre part, "qu'il ressort des indications fournies par le ministère du travail aux termes de son "questions/réponses" à jour du 9 août 2021 que l'employeur", sans restriction, "dès lors que le salarié est amené à devoir présenter un passe sanitaire ou à être vacciné au titre de l'une des dispositions prévues par la loi", "doit procéder à la vérification du respect de son obligation par le salarié", qu'il est mentionné par exemple qu'une entreprise de travail temporaire "peut demander aux salariés intérimaires concernés par l'obligation vaccinale ou le passe sanitaire la présentation d'un des justificatifs requis pour l'exécution de la mission", et qu'il n'apparaît pas que la décision critiquée, exigeant du collaborateur la production d'une attestation, ait été prise en violation des dispositions légales et réglementaires ; que, par motifs adoptés, la cour a ajouté que "si la possibilité de réclamer cette attestation sur l'honneur n'est pas prévue par la loi, ou dans les questions/réponses envisagées par le ministère du travail, il n'est pas non plus explicitement fait interdiction à l'employeur de la réclamer à ses salariés" ; qu'en statuant ainsi, cependant que le contrôle de la détention d'un des documents nécessaires pour accéder à un lieu, établissement, service ou événement ne pouvant être réalisé que par les forces de l'ordre ou par les exploitants de ces lieux, établissements, services ou événements, le contrôle exercé d'autorité par l'employeur sur le passe sanitaire de ses salariés intervenant ponctuellement dans un de ces lieux, établissements ou services était illicite et constitutif d'un trouble manifestement illicite qu'il appartenait au juge des référés de faire cesser, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l'article 12, III, de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire et l'article 835 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en relevant que "le syndicat Sud appelant invoque lui-même l'application au cas d'espèce des dispositions de l'article 15 de la loi du 5 août 2021 comme ci-dessus examiné, ce dont il se déduit qu'il considère à cet égard que l'employeur décidant de mesures de contrôle en application de ladite loi, quand bien même il ne serait pas directement soumis à l'obligation de contrôler le respect du passe sanitaire, entre dans son champ d'application", la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant tiré du champ d'application des dispositions relatives à l'information et à la consultation du comité social et économique, lesquelles sont sans influence sur la licéité de la mesure décidée par l'employeur, privant sa décision de base légale au regard de l'article 2-3 du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, modifié par le décret n° 2021-1059 du 7 août 2021, ensemble l'article 12, III, de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire et l'article 835 du code de procédure civile ;

3°/ que, par motifs éventuellement adoptés, la cour d'appel a retenu que "cette attestation sur l'honneur ne constitue pas une mesure de contrôle, elle permet de vérifier que les salariés concernés ont pris conscience de leur obligation de présenter un passe sanitaire dans certaines circonstances" et qu'"en ce sens, elle permet d'établir que l'employeur a informé ses salariés de leurs obligations" ; qu'en statuant ainsi, cependant que la note de service du 26 août 2021 à laquelle était annexée le modèle d'attestation sur l'honneur indiquait notamment : "deux possibilités : 1. Je complète, signe l'attestation et la renvoie sur l'adresse RH (Rhcontact_fffr@fujifilm.com). (?) 2. Je ne renvoie pas l'attestation et/ou la renvoie incomplète ou non signée. Vous n'êtes, donc, pas en mesure d'exercer votre activité si un passe sanitaire est demandé. Un entretien aura lieu avec les Ressources Humaines afin d'échanger sur la situation et trouver une solution satisfaisante. A défaut de solution alternative, nous rappelons que la suspension du contrat de travail reste la solution ultime" (pièce n° 12 en cause d'appel), ce dont il résultait que l'obligation faite aux salariés de remettre à l'employeur l'attestation sur l'honneur litigieuse ne constituait pas un simple moyen d'information des salariés sur leurs obligations, mais s'analysait en une mesure de contrôle de la validité du passe sanitaire des salariés concernés, illicite pour être assumée par une personne autre qu'un agent des forces de l'ordre ou un exploitant de lieux, établissement, service ou événement légalement habilité à cet effet et, ainsi, constitutive d'un trouble manifestement illicite qu'il convenait de faire cesser, la cour d'appel a violé l'article 2-3 du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, modifié par le décret n° 2021-1059 du 7 août 2021, ensemble l'article 12, III, de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire et l'article 835 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article 2-3, II du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021, dans sa rédaction issue du décret n° 2021-1059 du 7 août 2021, sont autorisés à contrôler les justificatifs dont la présentation peut être exigée, dans les seuls cas prévus au A du II de l'article 1er de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021, et dans la limite de ce qui est nécessaire au contrôle des déplacements et de l'accès aux lieux, établissements, services ou évènements mentionnés par ce A :
1° Les exploitants de services de transport de voyageurs ;
2° Les personnes chargées du contrôle sanitaire aux frontières ;
3° Les responsables des lieux, établissements et services ou les organisateurs des évènements dont l'accès est subordonné à leur présentation en application du présent décret ;
4° Les agents de contrôle habilités à constater les infractions prévues à l'article L. 3136-1 du code de la santé publique.

5. La cour d'appel, qui a constaté que la décision de l'employeur, exigeant du collaborateur la production d'une attestation, visait non pas à contrôler le respect par les salariés de l'obligation vaccinale, mais à contrôler qu'ils étaient en mesure d'exercer leurs missions contractuelles au regard des nouvelles exigences légales, a pu déduire de ces seuls motifs qu'elle n'avait pas été prise en violation des dispositions légales et réglementaires et que le trouble manifestement illicite n'apparaissait pas caractérisé.

6. Le moyen, inopérant en ses deuxième et troisième branches, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le syndicat Sud commerces et services Ile-de-France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400600
Date de la décision : 12/06/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 13 octobre 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jui. 2024, pourvoi n°52400600


Composition du Tribunal
Président : Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400600
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award