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12/06/2024 | FRANCE | N°52400592

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 juin 2024, 52400592


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CZ






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 12 juin 2024








Cassation partielle




Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 592 F-D


Pourvoi n° M 23-12.913








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAI

S
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUIN 2024


M. [E] [U], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 23-12.913 contre l'arrêt rendu le 26 janvier 2023 par la cour d'appel d'...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CZ

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 juin 2024

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 592 F-D

Pourvoi n° M 23-12.913

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUIN 2024

M. [E] [U], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 23-12.913 contre l'arrêt rendu le 26 janvier 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-4), dans le litige l'opposant à la société Le Kir Limited, société de droit seychellois, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de M. [U], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Le Kir Limited, après débats en l'audience publique du 7 mai 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 26 janvier 2023) et les pièces de la procédure, M. [U] a été engagé en qualité de capitaine de navire à bord du « Motor Yacht Le Kir royal » le 19 mars 2016 par la société Le Kir Limited, immatriculée aux Seychelles. Le contrat d'engagement maritime, signé à [K] prévoyait pour son exécution l'application de la loi des Seychelles.

2. Le salarié a pris acte de la rupture du contrat le 12 mai 2017 et a saisi le tribunal judiciaire de Draguignan d'une demande de saisie conservatoire du navire pour la garantie de ses créances de salaire, à laquelle il a été fait droit par ordonnance du juge de l'exécution du 30 mai 2017.

3. Le salarié a, par ailleurs, saisi le conseil de prud'hommes de Cannes, le 5 juillet 2017, afin d'obtenir la condamnation de l'employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Examen du moyen

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que le conseil de prud'hommes de Cannes n'était pas compétent pour statuer sur le litige et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir, alors « qu'un employeur qui n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre de l'Union européenne peut être attrait, dans un État membre, devant la juridiction du lieu où, ou à partir duquel, le travailleur accomplit habituellement son travail, ou devant la juridiction du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le contrat de travail, par lequel M. [U] a été employé en qualité de capitaine du navire Le Kir Royal, ¿'a été exécuté du 1 er avril 2016 au 12 mai 2017'¿, que le salarié ¿'a pris en charge le navire [?] arrivé à Gènes le 15 avril 2016'¿, que le navire ¿'a été hébergé et a fait l'objet de réparations au chantier naval de l'Esterel du 2 mai 2016 au 29 mai 2017'¿, et que ¿'durant l'exécution du contrat de travail ici en litige, le navire "Motor Yacht Le Kir Royal" a été affecté dans un chantier de réparation situé dans les eaux françaises'¿ ; qu'en jugeant néanmoins le conseil de prud'hommes de Cannes incompétent, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que le dernier lieu où le travailleur avait accompli habituellement son travail était le chantier naval de l'Esterel à Cannes, violant ainsi l'article 21 du règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 du Parlement européen et du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 21 du règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 du Parlement européen et du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale :

5. Selon ce texte, un employeur qui n'est pas domicilié sur le territoire français, peut être attrait, en France, i) devant la juridiction du lieu où ou à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant la juridiction du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail ou ii) lorsque le travailleur n'accomplit pas ou n'a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, devant la juridiction du lieu où se trouve ou se trouvait l'établissement qui a embauché le travailleur.

6. La notion de « lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail », consacrée à l'article 19, point 2, sous a), du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, qui correspond à l'article 21, paragraphe 1, sous b), i), du règlement n° 1215/2012, doit être interprétée comme visant le lieu où, ou à partir duquel, le travailleur s'acquitte de fait de l'essentiel de ses obligations à l'égard de son employeur (CJUE, arrêt du 25 février 2021, Markt 24, C-804/19, point 40).

7. Pour dire que le conseil de prud'hommes de Cannes n'est pas compétent pour statuer sur le litige et renvoyer les parties à mieux se pourvoir, l'arrêt relève que le salarié a pris en charge le navire « Motor Yacht Le Kir royal » arrivé à Gênes le 15 avril 2016, que le navire a été hébergé et a fait l'objet de réparations au chantier naval de l'Esterel du 2 mai 2016 au 29 mai 2017.Il constate qu'il ressort de deux attestations produites par l'employeur que le navire a fait l'objet de réparations prévues pour une durée de quatre mois à partir de la fin du mois de mars 2016, lesquelles se sont toutefois prolongées jusqu'au mois d'avril 2017. Il énonce qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que durant l'exécution du contrat de travail, le navire a été affecté dans un chantier de réparation situé dans les eaux françaises.

8. L'arrêt retient que, pour autant, cette circonstance ne permet pas d'établir que la société, qui n'est pas domiciliée en France, posséderait une succursale, une agence ou tout autre établissement en France et qu'elle serait donc considérée, pour la résolution du présent litige, comme ayant son domicile en France. Il en conclut que le litige ne relève pas de la compétence du conseil de prud'hommes de Cannes mais de celle du tribunal de [K].

9. En se déterminant ainsi, sans rechercher le dernier lieu où le salarié s'était s'acquitté de fait de l'essentiel de ses obligations à l'égard de son employeur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le conseil de prud'hommes de Cannes n'est pas compétent pour statuer sur le litige et renvoie les parties à mieux se pourvoir, en ce qu'il statue sur les frais irrépétibles et les dépens, l'arrêt rendu le 26 janvier 2023, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société Le Kir Limited aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Le Kir Limited et la condamne à payer à M. [U] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400592
Date de la décision : 12/06/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix en Provence, 26 janvier 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jui. 2024, pourvoi n°52400592


Composition du Tribunal
Président : Mme Monge (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Munier-Apaire, SARL Le Prado - Gilbert

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400592
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