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12/06/2024 | FRANCE | N°52400580

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 juin 2024, 52400580


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


ZB1






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 12 juin 2024








Cassation partielle partiellement sans renvoi




Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 580 F-D


Pourvoi n° T 22-19.815








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________

r> AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUIN 2024


1°/ La société LCCA, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],


2°/ la société...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 juin 2024

Cassation partielle partiellement sans renvoi

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 580 F-D

Pourvoi n° T 22-19.815

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUIN 2024

1°/ La société LCCA, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ la société FG laboratoires, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° T 22-19.815 contre l'arrêt rendu le 9 juin 2022 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section B), dans le litige les opposant à M. [D] [S], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

M. [D] [S] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt,

Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, cinq moyens de cassation.

Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat des sociétés LCCA et FG laboratoires, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [S], après débats en l'audience publique du 7 mai 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, Mme Deltort, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 9 juin 2022), M. [S] a été engagé en qualité de poseur ouvrier de production et manutentionnaire, compagnon professionnel, par la société LCCA par contrat de travail à durée déterminée à temps partiel du 2 février 2015 au 31 juillet 2015, suivi d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel du 31 juillet 2015, pour une durée mensuelle de travail de 76 heures.

2. Par contrat de travail à durée déterminée à temps partiel du 2 février 2015 au 31 juillet 2015, suivi d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel à effet du 3 août 2015, il a été engagé, à des conditions identiques, par la société FG laboratoires, en qualité de poseur ouvrier de production et manutentionnaire pour une durée mensuelle de travail de 76 heures.

3. Les sociétés LCCA et FG laboratoires, dont le gérant est M. [M], ont pour activité commune la fabrication ainsi que la pose de mobilier de laboratoires et hôpitaux. Leurs sièges sociaux se situent respectivement à [Localité 4] et à [Localité 5].

4. Le 1er mars 2018, la société LCCA a notifié au salarié son licenciement et le 21 mars 2018, ce dernier a notifié sa démission à la société FG laboratoires.

5. Le 20 août 2018, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes dirigées contre les sociétés LCCA et FG laboratoires aux fins notamment d'obtenir la requalification des contrats de travail à temps partiel en contrats de travail à temps plein et d'obtenir diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture des contrats de travail.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième, troisième moyens, et les quatrième et cinquième moyens, pris en leurs deux premières branches, du pourvoi principal des employeurs

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur les quatrième et cinquième moyens, pris en leur troisième branche, réunis, du pourvoi principal

Enoncé des moyens

7. Par leur quatrième moyen les employeurs font grief à l'arrêt de requalifier le licenciement pour faute grave prononcé par la société LCCA à l'encontre du salarié en licenciement sans cause réelle et sérieuse, de les condamner in solidum à lui verser diverses sommes au titre de l'indemnité légale de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis outre congés payés afférents et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de les débouter de leurs demandes, alors « qu'en se bornant, pour condamner les sociétés LCCA et FG laboratoires à paiement in solidum, à relever qu'elles avaient une direction unique, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé une situation de coemploi, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail. »

8. Par leur cinquième moyen, les employeurs font grief à l'arrêt de dire que la démission du salarié du 21 mars 2018 s'analyse en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de les condamner in solidum à verser au salarié diverses sommes au titre de l'indemnité légale de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents et des dommages-intérêts en raison de la perte injustifiée de son emploi et de les débouter de leurs demandes, alors « qu'en se bornant, pour condamner les sociétés LCCA et FG laboratoires à paiement in solidum, à relever qu'elles avaient une direction unique, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé une situation de coemploi, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1221-1 du code du travail :

9. Selon ce texte, le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun.
10. Pour condamner les sociétés in solidum les sociétés LCCA et FG laboratoires aux conséquences financières, d'une part, du licenciement prononcé par la première et, d'autre part, de la démission équivoque notifiée à la seconde, la cour d'appel retient que ces sociétés sont soumises à une même direction.

11. En se déterminant ainsi, sans s'expliquer sur les circonstances justifiant une telle solidarité et, alors qu'elle avait relevé que le salarié avait été engagé par deux contrats de travail distincts et qu'elle n'avait pas caractérisé une situation de coemploi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Et sur le moyen du pourvoi incident du salarié

Enoncé du moyen

12. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes au titre des heures supplémentaires et du repos compensateur, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que pour débouter le salarié de ses demandes, après avoir relevé que celui-ci "produit des relevés faisant apparaître au quotidien un volume d'heures de travail effectuées correspondant à des chantiers désignés sans toutefois détailler ses heures d'arrivée et de départ sur le chantier", la cour d'appel a estimé, par motifs propres, que "ces éléments se révèlent insuffisamment précis quant aux heures non rémunérées que le salarié prétend avoir accomplies pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments" et, par motifs à les supposer adoptés, que "les sociétés LCCA et FG laboratoires en réponse relèvent de très nombreuses incohérences dans les plannings de M. [S] en produisant des tableaux faisant la démonstration que la fréquence des décalages entre les durées de travail portées par M. [S] et les relevés de gasoil ou de péages ne correspondent pas. Ces incohérences remettent en cause la demande de M. [S]" ; qu'en statuant ainsi quand il résultait de ses constatations que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

13. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition des membres compétents de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

14. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

15. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

16. Pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, l'arrêt retient que le salarié produit des relevés faisant apparaître au quotidien un volume d'heures de travail effectuées correspondant à des chantiers désignés sans toutefois détailler ses heures d'arrivée et de départ sur le chantier.

17. L'arrêt ajoute que ces éléments se révèlent insuffisamment précis quant aux heures non rémunérées que le salarié prétend avoir accomplies pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

18. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié, présentait des éléments suffisamment précis pour permettre aux employeurs d'y répondre, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation prononcée

19. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

20. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

21. Il sera dit, d'une part, que suite au licenciement sans cause réelle et sérieuse du salarié, prononcé par la société LCCA, cette dernière sera condamnée à payer au salarié une indemnité légale de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

22. Il sera dit, d'autre part, que suite à la démission du salarié de son emploi auprès de la société FG laboratoires qui s'analyse en une prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, cette dernière sera condamnée à payer au salarié une indemnité légale de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, des dommages-intérêts pour perte injustifiée de l'emploi.

23. Par ailleurs, la cassation prononcée n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant ces sociétés aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celles-ci, non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés LCCA et FG laboratoires à payer à M. [S] les sommes de 1 648,84 euros net au titre de l'indemnité légale de licenciement, 4 058,68 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 405,87 euros brut au titre des congés payés afférents, 7 000 euros net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce qu'il condamne in solidum les sociétés LCCA et FG laboratoires à payer à M. [S] les sommes de 1 648,84 euros net au titre de l'indemnité légale de licenciement, 4 058,68 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 405,87 euros brut au titre des congés payés afférents, 7 000 euros net à titre de dommages-intérêts en raison de la perte injustifiée de son emploi, et, en ce qu'il rejette la demande en paiement de M. [S], à l'encontre de l'une et l'autre des sociétés, au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 5 octobre 2023 par la cour d'appel de Grenoble ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi des seuls chefs de condamnation in solidum des sociétés LCCA et FG laboratoires ;

Condamne la société LCCA à payer à M. [S] les sommes de 1 648,84 euros net au titre de l'indemnité légale de licenciement, 4 058,68 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 405,87 euros brut au titre des congés payés afférents, 7 000 euros net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société LG laboratoires à payer à M. [S] les sommes de 1 648,84 euros net au titre de l'indemnité légale de licenciement, 4 058,68 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 405,87 euros brut au titre des congés payés afférents et 7 000 euros net à titre de dommages-intérêts en raison de la perte injustifiée de son emploi ;

Remet, sur le seul point du rejet des demandes en paiement formées par le salarié au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents à l'encontre de l'une et l'autre des sociétés, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;

Condamne les sociétés LCCA et FG laboratoires aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés LCCA et FG laboratoires et les condamne à payer à M. [S] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400580
Date de la décision : 12/06/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle partiellement sans renvoi

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 09 juin 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jui. 2024, pourvoi n°52400580


Composition du Tribunal
Président : Mme Monge (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Gadiou et Chevallier

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400580
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