LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
SH
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 juin 2024
Cassation
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 350 F-B
Pourvoi n° H 19-14.480
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 JUIN 2024
1°/ M. [B] [T],
2°/ Mme [N] [V], épouse [T],
tous deux domiciliés [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° H 19-14.480 contre l'arrêt rendu le 24 janvier 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 9), dans le litige les opposant :
1°/ à la société BNP Paribas personal finance, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société banque Solfea,
2°/ à M. [K] [D], domicilié [Adresse 2], pris en qualité de liquidateur de la société Compagnie d'énergie solaire,
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Schmidt, conseiller, les observations de Me Occhipinti, avocat de M. et Mme [T], de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société BNP Paribas personal finance, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 avril 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Schmidt, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 janvier 2019), à la suite d'un démarchage, le 28 février 2013, M. et Mme [T] ont acquis des panneaux photovoltaïques auprès de la société Compagnie d'énergie solaire (le vendeur).
2. Le même jour, ils ont contracté auprès de la société Banque Solfea, aux droits de laquelle vient la soiété BNP Paribas personal finance (la banque), un crédit affecté au financement de cette opération.
3. Le 9 avril 2014, le vendeur a été mis en liquidation judiciaire.
4. Les 12 et 13 février 2015, M. et Mme [T] ont assigné la banque et le vendeur en annulation des contrats de vente et de crédit affecté et, à titre subsidiaire, en résolution de ces contrats.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. M. et Mme [T] font grief à l'arrêt de les déclarer irrecevables à agir alors « que le jugement d'ouverture d'une procédure collective interdit toute action en justice de la part des créanciers tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent, ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent ; que les actions en nullité du contrat ou en résolution pour inexécution d'une obligation de faire sont autorisées ; que M. et Mme [T] demandaient à titre principal la résolution du contrat de prestation conclu avec la société CES pour violation d'une obligation de faire et à titre subsidiaire son annulation pour violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation ; qu'en estimant cette action soumise à l'arrêt des poursuites, la cour d'appel a violé l'article L. 622-21 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 622-21, I du code de commerce :
6. Selon ce texte, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :
1° à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
7. Pour déclarer M. et Mme [T] irrecevables à agir, l'arrêt retient que leurs demandes en nullité et en résolution contre le vendeur affecteront nécessairement le passif de la liquidation judiciaire de ce dernier et constituent donc des actions prohibées par l'article précité.
8. En statuant ainsi, alors que M. et Mme [T] fondaient leur demande d'annulation du contrat de vente sur la violation des articles L. 111-1 et L. 121-23 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, outre des manoeuvres dolosives qu'ils reprochaient au vendeur et leur demande subsidiaire de résolution sur le manquement du vendeur à ses obligations de délivrance conforme, sans demander la condamnation du vendeur au paiement d'une somme d'argent ni invoquer le défaut de paiement d'une telle somme ni même réclamer la restitution du prix de vente, de sorte que leurs demandes ne se heurtaient pas à l'interdiction des poursuites, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société BNP Paribas personal finance aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société BNP Paribas personal finance et la condamne à payer à M. et Mme [T] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille vingt-quatre.