LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CC
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 juin 2024
Cassation
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 344 F-D
Pourvoi n° N 23-12.753
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 JUIN 2024
M. [W] [X], domicilié [Adresse 2], exerçant sous l'enseigne Etablissements [X] Eirl, a formé le pourvoi n° N 23-12.753 contre l'arrêt rendu le 10 janvier 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 8), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [L] [I], domicilié [Adresse 2], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Bessière,
2°/ à la société Bessière, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Bedouet, conseiller, les observations écrites de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [X], de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [I], ès qualités, et l'avis de M. de Monteynard , avocat général, après débats en l'audience publique du 30 avril 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Bedouet, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 janvier 2023) et les productions, les 5 octobre 2016 et 24 mai 2017, la société Bessière a été successivement mise en redressement et liquidation judiciaires, Monsieur [I] étant désigné mandataire puis liquidateur.
2. Le 31 octobre 2016, M. [Y], avocat, a adressé une déclaration de créance, « en sa qualité de conseil de l'entreprise Etablissements [X] EIRL », au mandataire judiciaire. A cette lettre était notamment joint un bordereau de déclaration de créance établi au nom de « l'Entreprise Etablissements [X] EIRL représentée par Monsieur [W] [X] agissant en qualité d'entrepreneur à responsabilité limitée (...) » ainsi qu'une reconnaissance de dette notariée du 4 mai 2016 définissant le créancier sous cette même dénomination.
3. Le 10 novembre 2016, M. [R], avocat, a adressé au liquidateur une nouvelle déclaration de créance, qui, annexée à la lettre adressée au liquidateur, était établie au nom de « Entreprise Etablissement [X] EIRL ».
Examen du moyen
Sur le moyen pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. M. [X], exerçant sous la dénomination Etablissements [X] EIRL, fait grief à l'arrêt de rejeter la créance déclarée alors « que l'entrepreneur individuel qui affecte à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, sans création d'une personne morale, utilise, pour l'exercice de l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté, la dénomination, précisée dans la déclaration d'affectation, incorporant son nom, précédée ou suivie de la mention "EIRL" ; qu'en jugeant que la déclaration de créance effectuée pour l' "Entreprise Etablissements [X] EIRL" n'avait pas été faite pour le compte de M. [X], mais pour le compte d'une entité dépourvue de toute capacité à agir, quand elle constatait que les termes "Entreprise Etablissements [X] EIRL" correspondaient à la dénomination sous laquelle M. [X] exerçait à titre individuel son activité professionnelle que le code de commerce lui impose d'employer dans l'exercice de son activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté, de sorte qu'était ainsi désigné l'entrepreneur individuel à responsabilité limité M. [D], qui dispose de la personnalité juridique et de la capacité d'agir en justice, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles L. 526-6, L. 526-20 et R. 526-3 2° du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L 526-6 du code de commerce :
5. Selon le premier alinéa de ce texte, pour l'exercice de son activité en tant qu'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, l'entrepreneur individuel affecte à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, sans création d'une personne morale, dans les conditions prévues à l'article L. 526-7.
6. Selon son dernier alinéa, pour l'exercice de l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté, l'entrepreneur individuel utilise une dénomination incorporant son nom, précédé ou suivi immédiatement des mots : "Entrepreneur individuel à responsabilité limitée" ou des initiales : "EIRL".
7. Après avoir relevé que les lettres de déclarations de créance des 31 octobre 2016 et 10 novembre 2016 étaient effectuées pour le compte de « l'Entreprise Etablissements [X] EIRL », que le bordereau de déclaration de créance joint à la première déclaration était établi pour le compte de « l'Entreprise Etablissements [X] représentée par M. [W] [X] agissant en qualité d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée », et que les termes « Entreprise Etablissements [X] EIRL » correspondaient à l'enseigne sous laquelle M. [X] exerçait à titre individuel son activité professionnelle, l'arrêt retient que la déclaration de créance a été effectuée, non pas pour le compte de M. [X] mais de l'entreprise Etablissements [X] EIRL, dépourvue de la personnalité juridique et que dès lors la déclaration de créance a été faite pour le compte d'une entité dépourvue de toute capacité à agir, de sorte qu'elle est entachée d'une irrégularité de fond affectant sa validité et entraînant sa nullité.
8. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que les termes « Entreprise Etablissements [X] EIRL » correspondaient à l'enseigne sous laquelle M. [X] exerçait à titre individuel, comme entrepreneur individuel à responsabilité limitée, son activité professionnelle, ce dont il résultait qu'il disposait de la personnalité juridique et de la capacité à agir pour effectuer à ce titre la déclaration de sa créance au passif de la société Bessière, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte précité.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 janvier 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne M. [I], ès qualités, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille vingt-quatre.