LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 juin 2024
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 522 F-D
Pourvoi n° H 22-13.917
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUIN 2024
Mme [I] [G], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 22-13.917 contre l'arrêt rendu le 25 janvier 2022 par la cour d'appel de Nîmes (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la caisse commune de sécurité sociale de la Lozère, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lapasset, conseiller, les observations de la SCP Richard, avocat de Mme [G], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse commune de sécurité sociale de la Lozère, et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 29 avril 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Lapasset, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 25 janvier 2022), la caisse commune de sécurité sociale de la Lozère (la caisse) a notifié, le 31 mai 2016, à Mme [G], chirurgien-dentiste (la professionnelle de santé), un indu pour « actes non conformes aux données de la science » à la suite d'un contrôle de son activité.
2. La professionnelle de santé a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
4. La professionnelle de santé fait grief à l'arrêt de la débouter de son recours, alors :
« 1°/ que le service du contrôle médical peut, lorsqu'il procède à l'analyse de l'activité d'un professionnel de santé, consulter les dossiers médicaux des patients ayant fait l'objet des soins dispensés par le professionnel concerné au cours de la période couverte par l'analyse et, en tant que de besoin, entendre et examiner ces patients ; qu'il est tenu d'en informer préalablement le professionnel, sauf lorsque l'analyse a pour but de démontrer l'existence d'une fraude ; qu'il appartient à l'organisme social, qui agit en répétition de l'indu, de rapporter la preuve de la régularité de la procédure de contrôle, et à ce titre, de démontrer qu'il n'a pas auditionné ou examiné un patient dont le dossier l'a conduit à retenir l'existence d'un indu et pour lequel il n'avait pas informé le praticien qu'il pourrait être conduit à l'entendre ou l'examiner ; qu'en décidant néanmoins qu'il appartenait à la professionnelle de santé de démontrer que, parmi les patients entendus ou examinés par le médecin conseil, figuraient trois patients dont les dossiers l'avaient conduit à retenir l'existence d'un indu, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1353 du code civil, et l'article R. 315-1-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-982 du 20 août 2009 ;
2°/ que le service du contrôle médical peut, lorsqu'il procède à l'analyse de l'activité d'un professionnel de santé, consulter les dossiers médicaux des patients ayant fait l'objet des soins dispensés par le professionnel concerné au cours de la période couverte par l'analyse et, en tant que de besoin, entendre et examiner ces patients ; qu'il est tenu d'en informer préalablement le professionnel, sauf lorsque l'analyse a pour but de démontrer l'existence d'une fraude ; qu'en décidant néanmoins que la procédure de contrôle était régulière dès lors que, quand bien même il n'était pas contesté que trois patients ne figuraient pas dans la liste des patients susceptibles d'être entendus et examinés, la professionnelle de santé avait tout de même pu faire valoir ses observations concernant ces trois patients, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, tiré de ce que la professionnelle de santé n'établissait pas l'existence d'un grief, en violation de l'article R. 315-1-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-982 du 20 août 2009. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1353 du code civil et R. 315-1-1 du code de la sécurité sociale, le second dans sa rédaction issue du décret n° 2009-982 du 20 août 2009, applicable au litige :
5. Selon le second de ces textes, dans le respect des règles de déontologie médicale, le service du contrôle médical peut, lorsqu'il procède à l'analyse de l'activité d'un professionnel de santé en application du IV de l'article L. 315-1, consulter les dossiers médicaux des patients ayant fait l'objet de soins dispensés par le professionnel concerné au cours de la période couverte par l'analyse et, en tant que de besoin, entendre et examiner ces patients après en avoir informé le professionnel, sauf lorsque l'analyse a pour but de démontrer l'existence d'une fraude telle que définie à l'article R. 147-11, d'une fraude en bande organisée telle que définie à l'article R. 147-12 ou de faits relatifs à un trafic de médicaments.
6. Pour débouter la professionnelle de santé, l'arrêt relève que, dans la liste de 903 patients « susceptibles d'être entendus et examinés », jointe à la lettre du 28 septembre 2015 adressée à la professionnelle de santé pour l'informer du contrôle, ne figuraient pas les noms de trois patients. Il retient qu'il n'est pas établi que ces trois patients aient été entendus ou examinés par le médecin conseil. Il relève cependant que la seconde lettre, du 2 février 2016, les mentionne sous les numéros 29 à 31, qu'y sont jointes les fiches individuelles de tous les patients contrôlés et que la professionnelle de santé a pu faire valoir ses observations avant l'entretien du 5 avril 2016. Il ajoute que ses réserves sur le compte-rendu d'entretien ne concernaient aucun des trois patients. L'arrêt en déduit que c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que le défaut de communication de l'identité de ces trois patients dans le courrier du 28 septembre 2015 n'entachait la procédure de contrôle d'aucune nullité.
7. En statuant ainsi, alors que la régularité de la procédure de contrôle du professionnel de santé, qui requiert notamment qu'en l'absence de fraude ou de trafic de médicaments, le service du contrôle médical ne puisse procéder à ces auditions et examens qu'après avoir, au préalable, informé le professionnel de santé de l'identité des patients qu'il entend auditionner et examiner, n'est pas soumise à l'existence d'un grief, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en qu'il déclare irrecevables les demandes présentées par Mme [G] quant aux manquements aux règles déontologiques imputés au médecin conseil de la caisse commune de sécurité sociale de la Lozère, l'arrêt rendu le 25 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la caisse commune de sécurité sociale de la Lozère aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse commune de sécurité sociale de la Lozère et la condamne à payer à Mme [G] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille vingt-quatre.