LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
FC
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 30 mai 2024
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 276 FS-B
Pourvoi n° G 21-21.366
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 MAI 2024
M. [C] [H], domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi n° G 21-21.366 contre l'arrêt rendu le 10 juin 2021 par la cour d'appel de Bourges (chambre civile baux ruraux), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [I] [D], domicilié [Adresse 5],
2°/ à M. [O] [K], domicilié [Adresse 3],
3°/ à M. [V] [K], domicilié [Adresse 2],
4°/ à M. [R] [K], domicilié [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Davoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [H], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [D], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 avril 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Davoine, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. David, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mmes Proust, Pic, conseillers, Mme Aldigé, M. Baraké, Mme Gallet, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 10 juin 2021), [W] [K], aux droits duquel sont venus MM. [O], [V] et [R] [K] (les consorts [K]), a consenti à M. [H] un bail rural portant sur diverses parcelles, dont certaines ont été vendues à M. [D] par acte du 22 mars 2014.
2. Soutenant que la vente avait été conclue en méconnaissance de son droit de préemption, M. [H] a assigné les consorts [K] et M. [D] en annulation de celle-ci.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. M. [H] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme forclose sa demande, alors « qu'au cas où le droit de préemption n'aurait pu être exercé, par suite de la non-exécution des obligations dont le bailleur est tenu, le preneur est recevable à intenter une action en nullité de la vente devant les tribunaux paritaires des baux ruraux dans un délai de six mois à compter du jour où la date de la vente lui est connue, à peine de forclusion ; qu'en retenant, pour en déduire que M. [H], preneur, était forclos en son action en nullité de la vente conclue en méconnaissance de son droit de préemption, que quand bien même M. [H] n'aurait pas connu la date de la vente, il n'ignorait pas qu'elle était antérieure aux courriels échangés avec le notaire le 7 juillet 2018 et qu'il lui appartenait donc d'introduire son action en nullité de la vente avant le 7 janvier 2019, quand le point de départ de la forclusion devait être fixée au jour où le preneur avait eu effectivement connaissance de la date de la vente, la cour d'appel a violé l'article L. 412-12, alinéa 3, du code rural et de la pêche maritime. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 412-12, alinéa 3, du code rural et de la pêche maritime :
4. Selon ce texte, au cas où le droit de préemption n'aurait pu être exercé par suite de la non-exécution des obligations dont le bailleur est tenu, le preneur est recevable à intenter une action en nullité de la vente et en dommages-intérêts devant les tribunaux paritaires dans un délai de six mois à compter du jour où la date de la vente lui est connue, à peine de forclusion.
5. Pour déclarer irrecevable la demande en annulation de la vente du 22 mars 2014, l'arrêt retient que M. [H] a pris contact, dans le courant du mois de juillet 2018, avec le notaire rédacteur de l'acte, qui a ensuite proposé à M. [D] de le rectifier par une substitution de parcelle, et que quand bien même, ce qui parait douteux, M. [H] n'aurait pas connu, à l'occasion de son entretien avec le notaire, la date exacte de la vente, il n'ignorait pas que celle-ci était nécessairement antérieure à cet entretien et aux courriels échangés entre eux le 7 juillet 2018, de sorte qu'il avait jusqu'au 7 janvier 2019 pour introduire son action.
6. Ayant constaté que M. [H] n'avait fait délivrer son assignation que le 15 avril 2019, il en déduit que son action est forclose.
7. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fixé le point de départ de la forclusion de l'action en nullité au jour de la connaissance, par le preneur, de l'existence d'une vente et non au jour de la connaissance de sa date exacte, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne, solidairement entre eux, MM. [O], [V] et [R] [K] à payer à M. [D] la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 10 juin 2021 entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Condamne M. [D] et MM. [O], [V] et [R] [K] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [D] et condamne in solidum M. [D] et MM. [O], [V] et [R] [K] à payer à M. [H] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mai deux mille vingt-quatre.