LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 30 mai 2024
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 273 F-D
Pourvoi n° U 22-18.735
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 MAI 2024
1°/ M. [L] [S],
2°/ Mme [E] [F], épouse [S],
tous deux domiciliés [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° U 22-18.735 contre l'arrêt rendu le 10 mai 2022 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [B] [U],
2°/ à Mme [J] [U],
tous deux domiciliés [Adresse 3],
3°/ à M. [N] [U], domicilié [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Choquet, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. et Mme [S], après débats en l'audience publique du 3 avril 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Choquet, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 10 mai 2022), M. [B] [U] et Mme [U] ont assigné M. et Mme [S] en bornage de leurs propriétés contiguës. M. [N] [U], fils des demandeurs, est intervenu à l'instance aux côtés de ses parents (les consorts [U]).
2. Une mesure d'expertise a été ordonnée et confiée à M. [T].
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. M. et Mme [S] font grief à l'arrêt d'homologuer le rapport de l'expert judiciaire commis, de fixer la limite divisoire entre les fonds telle que proposée au rapport et d'autoriser les consorts [U] à faire effectuer un bornage conforme, alors :
« 1°/ que les géomètres-experts ont compétence exclusive pour réaliser les actes participant directement à la détermination des limites de propriété ; qu'en l'espèce, pour réfuter toute « cause d'annulation » de l'expertise pour « fraude », l'arrêt attaqué s'est borné à mentionner le comportement des exposants à l'égard du technicien en ce qu'ils ne l'avaient pas récusé « dès sa désignation », s'étaient « abstenus, malgré convocation, de participer aux opérations d'expertise », n'avaient communiqué « aucun élément contraignant l'expert » à faire une « recherche auprès de la publicité foncière », n'avaient « adressé (...) aucun dire » au technicien « régulièrement inscrit sur la liste de la cour d'appel » ; qu'en statuant de la sorte sans examiner, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si les auteurs de l'expertise judiciaire avaient trompé tribunal et parties par fraude sur leurs qualifications et compétences, dans la mesure où, à la date de leur désignation, ils n'avaient plus la qualité requise de géomètre-expert pour réaliser un bornage, dissimulation dont les exposants rappelaient d'ailleurs qu'ils ne l'avaient découverte qu'en cause d'appel, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1er de la loi n° 46-942 du 7 mai 1946 et de l'article 232 du code de procédure civile ;
2°/ que la fraude corrompt tout ; qu'indépendamment de l'application du statut des géomètres-experts, les exposants faisaient valoir que M. [T] et la société Juriconcil n'étaient plus géomètres-experts à la date où ils avaient été désignés, ayant cessé cette activité dès le 18 novembre 2015, pour s'intéresser exclusivement à la généalogie et ayant ainsi trompé le tribunal et les parties sur leur véritable qualification en prenant une fausse qualité, de sorte qu'il y avait fraude de leur part sur leurs qualifications et compétences, donc substitution frauduleuse d'expert, ce qui justifiait par cela seule l'annulation du rapport déposé le 12 décembre 2018 ; qu'en se bornant à reprocher aux exposants de s'être gardés de récuser l'expert dès sa désignation, délaissant ainsi les conclusions par lesquelles les victimes de la fraude indiquaient qu'elles venaient de découvrir en cause d'appel que M. [T] et la société Juriconcil n'étaient pas géomètres-experts à la date où ils avaient été désignés et avaient établi le rapport d'expertise, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ qu'en toutes circonstances, le juge doit faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, pour homologuer l'expertise judiciaire dans son intégralité, l'arrêt attaqué a énoncé que les exposants ne pouvaient faire « grief à l'expert (?) d'avoir borné la parcelle A [Cadastre 5], non visée à l'arrêt du 20 juin 2017 » ayant ordonné l'expertise, pour la raison que cette décision « vis(ait) par erreur matérielle la parcelle A [Cadastre 4] au lieu de la parcelle A [Cadastre 5] » ; qu'en relevant d'office ce moyen sans avoir au préalable invité les parties à en débattre, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction en violation de l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
4. La cour d'appel a, d'abord, constaté que M. [T], régulièrement inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Grenoble, avait été désigné en cette qualité, ce dont il résulte que les dispositions de la loi du 7 mai 1946, qui ont pour objet de protéger l'exercice de la profession de géomètres-experts, ne sont pas applicables, M. [T] n'ayant pas exercé une profession mais exécuté un mandat de justice.
5. Elle a ensuite retenu que M. et Mme [S] ne démontraient aucun grief de nature à justifier l'annulation du rapport d'expertise.
6. Répondant à leurs conclusions, qui reprochaient à l'expert un dépassement de sa mission, elle a enfin précisé qu'en dépit d'une erreur matérielle de numérotation de la parcelle désignée comme cadastrée A n° [Cadastre 4] dans l'arrêt du 20 juin 2017, l'expert avait examiné la parcelle cadastrée A n° [Cadastre 5], qui était celle concernée par les opérations de bornage.
7. Non tenue d'effectuer une recherche que ses constatations rendaient inopérante, la cour d'appel a ainsi, sans violation du principe de la contradiction, légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme [S] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mai deux mille vingt-quatre.