LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC. / ELECT
CL6
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 29 mai 2024
Cassation
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 563 F-D
Pourvoi n° T 23-13.448
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 MAI 2024
La société Nature et découvertes, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 23-13.448 contre le jugement rendu le 7 mars 2023 par le tribunal judiciaire de Versailles (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant :
1°/ à la fédération CGT commerce distribution & services, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à M. [N] [Y], domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Les parties ou leurs mandataires ont produit des mémoires.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Nature et découvertes, après débats en l'audience publique du 2 mai 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Bérard, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Versailles, 7 mars 2023),
la société Nature et découvertes (la société) a signé, le 18 avril 2018, avec les organisations syndicales CFTC et FO, un accord sur la mise en place et le fonctionnement du comité social et économique comportant un article 5 ainsi rédigé : « Afin de favoriser le dialogue social et de veiller à représenter toutes les catégories de métiers lors des négociations et autres échanges avec les délégués syndicaux, les parties signataires conviennent que chaque organisation syndicale représentative pourra désigner jusqu'à trois délégués syndicaux, dont un issu des magasins, un issu du siège et un issu des entrepôts. Chaque organisation syndicale désignera l'un des délégués syndicaux comme coordinateur syndical ».
2. La CGT-Fédération commerce services (le syndicat) a désigné en qualité de délégué syndical national M. [Y], par lettre du 2 décembre 2022.
3. Par requête enregistrée au greffe le 16 décembre 2022, la société a saisi le tribunal judiciaire afin d'obtenir l'annulation de cette désignation.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La société fait grief au jugement de rejeter ses demandes, alors « que le juge ne peut modifier les termes du litige dont il est saisi ; qu'en l'espèce, la Fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services a soutenu que dans le cadre de l'accord d'entreprise", elle a désigné trois délégués syndicaux, à savoir MM. [V] le 14 septembre 2022, [H] le 23 novembre 2022, [Y] le 2 décembre 2022 ; que la fédération a également désigné, le 15 novembre 2022 M. [K], salarié cadre, issu des magasins au titre du délégué supplémentaire prévu par la loi" ; que le tribunal, pour valider la désignation de M. [Y], a retenu que les conditions légales étaient réunies pour que le syndicat désigne un délégué syndical supplémentaire ; qu'en statuant ainsi, cependant que la fédération n'a jamais soutenu que M. [Y] avait été désigné en application de l'article L. 2143-4 du code du travail, le tribunal a méconnu les termes du litige dont il était saisi et a violé l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
5. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
6. Pour débouter la société de sa demande d'annulation de la désignation de M. [Y] en qualité de délégué syndical, le jugement retient que les conditions sont réunies pour que le syndicat puisse désigner un délégué syndical supplémentaire.
7. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions, le syndicat rappelait qu'il avait précédemment désigné deux délégués syndicaux, MM. [V] et [H], ainsi que M. [K] en qualité de délégué syndical supplémentaire et qu'il soutenait qu'il devait désormais pouvoir désigner M. [Y] en tant que troisième délégué syndical en application de l'accord du 18 avril 2018 malgré le fait qu'il ne disposait d'aucun candidat affecté au siège de l'entreprise, le tribunal judiciaire, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 7 mars 2023, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Versailles ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Nanterre ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Nature et découvertes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mai deux mille vingt-quatre.