LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 29 mai 2024
Rejet
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 557 F-D
Pourvoi n° J 22-23.533
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 MAI 2024
M. [U] [C], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 22-23.533 contre l'arrêt rendu le 29 septembre 2022 par la cour d'appel de Versailles (21e chambre), dans le litige l'opposant à la société Odigo, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Prosodie, défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [C], de la SCP Doumic-Seiller, avocat de la société Odigo, après débats en l'audience publique du 2 mai 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, Mme Bouvier, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 29 septembre 2022), M. [C] a été engagé en qualité de chef de projet senior, le 29 avril 2010, par la société Prosodie, aux droits de laquelle est venue la société Odigo (la société).
2. Le salarié été licencié pour insuffisance professionnelle par lettre du 7 mars 2017.
3. Soutenant avoir subi un harcèlement moral, il a saisi, le 22 février 2018, la juridiction prud'homale de demandes tendant notamment à juger son licenciement nul, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse et de demandes indemnitaires à titre d'exécution déloyale du contrat de travail et pour violation de l'obligation de sécurité et atteinte à la santé.
Examen des moyens
Sur le second moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de nullité du licenciement, de ses demandes indemnitaires à ce titre, de considérer par voie de conséquence que son licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter de ses demandes indemnitaires à ce titre, alors « qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral est passible d'une sanction disciplinaire ; que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral ; que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul ; que lorsque le juge est saisi d'une demande de nullité d'un licenciement fondée sur l'existence d'un lien entre une insuffisance professionnelle constatée et un ensemble de réaffectations successives consécutives à une situation de harcèlement subi par le salarié pendant plusieurs années, il lui appartient de rechercher, d'une part, si le harcèlement moral était établi, d'autre part, si l'employeur justifiait n'avoir pu prendre, pour préserver la santé et la sécurité du salarié, aucune autre mesure que celle de la réaffectation, notamment en considération des mesures disciplinaires envisageables à l'endroit de l'auteur des faits de harcèlement moral ; qu'en l'espèce, il était établi que le salarié avait été victime d'un harcèlement moral entre la mi-mars 2013 et la fin de l'année 2014, que le salarié harceleur n'avait jamais été sanctionné et que M. [C] avait été réaffecté "afin de lui permettre de travailler dans un environnement de travail serein" ; que pour débouter le salarié de sa demande de nullité de son licenciement, la cour d'appel a jugé qu'il ne pouvait être établi de lien entre le harcèlement caractérisé, subi par le salarié sous l'autorité de M. [V] de mai 2013 à novembre 2014, et l'engagement de la procédure de licenciement en 2017, et que la décision de changer le salarié de service en 2014 ne saurait être qualifiée de représailles à la dénonciation de harcèlement qu'il avait faite l'année précédente, mais s'imposait afin de permettre au salarié de travailler dans un climat professionnel serein, hors la tutelle hiérarchique du salarié harceleur ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si l'employeur justifiait n'avoir pu prendre, pour préserver la santé et la sécurité du salarié, aucune autre mesure que celle d'une série de réaffectations successives et infructueuses, notamment en considération des mesures disciplinaires envisageables à l'endroit de l'auteur des faits de harcèlement moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1, L. 1152-2, L. 1152-3, et L. 1152-5 du code du travail. »
Réponse de la Cour
6. L'arrêt constate, d'une part, qu'aucun lien ne peut être fait entre le harcèlement subi par le salarié sous l'autorité de son supérieur hiérarchique de mai 2013 à novembre 2014 et le licenciement, compte tenu du temps écoulé entre la fin de la période de harcèlement et l'engagement de la procédure de licenciement en février 2017, d'autre part, que la décision de l'employeur, en novembre 2014, d'affecter le salarié à la direction du développement pour lui permettre de travailler dans un climat serein sous l'autorité d'un autre supérieur hiérarchique, a été prise en concertation avec le salarié, assisté d'un représentant du personnel, puis que le salarié s'étant trouvé en situation d'échec au sein de cette direction, l'employeur a, dans l'exercice de son pouvoir de direction, décidé de le muter à nouveau en avril 2016 au sein d'une autre direction, qu'ainsi les deux mutations de l'intéressé en novembre 2014 et en avril 2016 ne s'analysent pas en des mesures de représailles de la dénonciation des agissements de harcèlement subi de mai 2013 à novembre 2014, mais reposent sur des motifs objectifs.
7. La cour d'appel, qui en a déduit que la demande de nullité du licenciement devait être rejetée, a ainsi, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, légalement justifié sa décision.
8. Le moyen, inopérant en ce qu'il n'articule aucune critique des motifs de l'arrêt ayant par ailleurs jugé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, ne peut, dès lors, être accueilli.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [C] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mai deux mille vingt-quatre.