LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CC
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 29 mai 2024
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 302 F-B
Pourvoi n° A 22-21.041
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 29 MAI 2024
M. [G] [J], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 22-21.041 contre l'arrêt rendu le 14 juin 2022 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, première section), dans le litige l'opposant à la société Intrum Debt Finance Ag, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2] (Suisse), défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, plusieurs moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de M. [J], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Intrum Debt Finance Ag, après débats en l'audience publique du 3 avril 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller, doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 14 juin 2022), aux termes d'un acte du 8 février 2008, intitulé « vente de fonds de commerce », la société Togo a cédé à la société Gaïa sa branche d'activité Marcon Music, moyennant le prix de 40 000 euros, financé à hauteur de 39 000 euros par un prêt consenti par la société Le Crédit lyonnais (la banque), intervenant au même acte, garanti par le cautionnement de M. [J] consenti pour un montant de 22 425 euros.
2. La société Gaïa ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la société Intrum Debt Finance Ag, indiquant venir aux droits de la banque en se prévalant d'un bordereau de cession de créance du 6 juillet 2017, a assigné M. [J] en exécution de son engagement.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
4. M. [J] fait grief à l'arrêt de le condamner, en qualité de caution de la société Gaïa, à payer à la société Intrum Debt Finance Ag la somme de 22 245 euros en principal, outre intérêts, alors :
« 1° / que le cautionnement ne se présume point, il doit être exprès, et on ne peut l'étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté ; qu'en retenant, pour condamner M. [J] en qualité de caution, qu'il s'était porté caution le 8 février 2008 dans les termes suivants : "En me portant caution de la société Gaïa dans la limite de la somme de (...) 22.425 euros et pour la durée de 108 mois, je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si la société Gaïa n'y satisfait pas elle-même (...)" et que la clause de cautionnement précisait, en page 15 : "La Caution restera engagée jusqu'au paiement effectif de toutes les sommes susceptibles d'être dues au titre du prêt ", de sorte qu'en se portant caution pour une durée de 108 mois, l'intéressé s'était nécessairement engagé à payer toutes les sommes que pourrait devoir la société Gaïa au titre du prêt au terme de cette durée, peu important que le contrat de prêt soit d'une durée moindre, les parties ayant pu envisager une éventuelle prorogation de la durée du prêt, quand l'acte de cautionnement ne pouvait pas être étendu au-delà des limites dans lesquelles il avait été contracté, soit jusqu'au terme du prêt garanti, à savoir pour la durée de 108 mois et, partant, du 8 février 2008 au 8 février 2017, la cour d'appel a violé l'article 2292 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige ;
2°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'au demeurant, en retenant ainsi, pour condamner M. [J] en qualité de caution, qu'il s'était porté caution le 8 février 2008 dans les termes suivants : "En me portant caution de la société Gaïa dans la limite de la somme de (...) 22.425 euros et pour la durée de 108 mois, je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si la société Gaïa n'y satisfait pas elle-même (...)" et que la clause de cautionnement précisait, en page 15 : "La Caution restera engagée jusqu'au paiement effectif de toutes les sommes susceptibles d'être dues au titre du prêt", de sorte qu'en se portant caution pour une durée de 108 mois, l'intéressé s'était nécessairement engagé à payer toutes les sommes que pourrait devoir la société Gaïa au titre du prêt au terme de cette durée, peu important que le contrat de prêt soit d'une durée moindre, les parties ayant pu envisager une éventuelle prorogation de la durée du prêt, quand l'acte de cautionnement stipulait qu'il ne pouvait pas être étendu au-delà des limites dans lesquelles il avait été contracté, soit jusqu'au terme du prêt garanti, à savoir pour la durée de 108 mois et, partant, du 8 février 2008 au 8 février 2017, la cour d'appel, qui l'a dénaturé, a violé le principe susvisé ;
3°/ que les juges ne peuvent méconnaître l'objet du litige tel que déterminé par les parties dans leurs écritures respectives ; qu'en considérant également, pour condamner M. [J] en qualité de caution, que, "sur la nullité pour erreur évoquée dans les conclusions", la demande de nullité n'étant pas reprise au dispositif des conclusions, il n'y avait pas lieu à statuer, quand le dispositif des conclusions d'appel de M. [J] visait "les articles 1103, 1109 (ancien), 1110 alinéa 1er (ancien) (...) du code civil" et qu'il était demandé de "juger l'acte de caution nul en cas d'erreur sur ce terme", la cour d'appel, qui a méconnu l'objet du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
4°/ qu'un établissement financier ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement d'une opération de crédit conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; qu'en estimant, enfin, que le cautionnement de M. [J] n'était pas manifestement disproportionné à ses biens et revenus, pour le condamner en qualité de caution, dès lors que le cautionnement était limité à la somme de 22.425 euros et que la société Intrum Debt Finance Ag fournissait la fiche de renseignement, complétée par l'intéressé le 20 décembre 2017, qui précisait qu'elle avait trait au cautionnement du prêt de 39.000 euros souscrit par la société Gaïa, sur laquelle M. [J] avait mentionné des revenus salariaux de 12 000 euros par an, aucune charge, ainsi qu'un patrimoine de 15 000 euros, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs impropres à écarter le moyen, invoqué par la caution, tiré de la disproportion de son engagement, lors de sa conclusion, à ses biens et revenus, a violé l'article L. 314-18 du code de la consommation. »
Réponse de la Cour
5. En premier lieu, ayant constaté que M. [J] s'était rendu caution pour une durée de 108 mois expirant le 8 février 2017, la cour d'appel en a exactement déduit, dès lors que ce dernier n'invoquait ni ne démontrait l'existence dans le contrat de cautionnement d'une stipulation expresse restreignant dans le temps le droit de poursuite de la banque, sans dénaturer l'acte de cautionnement, ni étendre l'engagement de caution au-delà des limites dans lesquelles il avait été contracté, que M. [J] s'était engagé à payer toutes les sommes que pourrait devoir la société débitrice au titre du prêt au terme de cette durée, peu important que le contrat de prêt ait été d'une durée moindre, en l'occurrence de 84 mois, et que les sommes dues aient été exigibles postérieurement à l'expiration du cautionnement.
6. En deuxième lieu, faute d'avoir énoncé sous forme de prétention au dispositif de ses conclusions le moyen tiré de la nullité pour erreur sur la durée de l'engagement de caution, M. [J] n'en a pas saisi la cour d'appel.
7. En dernier lieu, ayant relevé que la banque produisait une fiche de renseignements complétée par M. [J], dans laquelle celui-ci déclarait un patrimoine de 15 000 euros et des revenus salariaux de 12 000 euros par an, sans mentionner de charges, la cour d'appel a pu en déduire que l'engagement de caution, limité à la somme de 22 425 euros, n'était pas manifestement disproportionné à ses biens et revenus.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [J] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [J] et le condamne à payer à la société Intrum Debt Finance Ag la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mai deux mille vingt-quatre.