LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CL6
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 22 mai 2024
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 522 F-D
Pourvoi n° S 23-13.930
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 MAI 2024
Mme [P] [G], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 23-13.930 contre l'arrêt rendu le 25 janvier 2023 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre civile), dans le litige l'opposant à l'association Agefa Paris Île-de-France, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [G], de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de l'association Agefa Paris Île-de-France, après débats en l'audience publique du 24 avril 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 25 janvier 2023), Mme [G] a été engagée en qualité d'enseignante, le 1er octobre 2009, par l'association Agefa Paris Île-de-France (l'association), sans contrat écrit, à temps partiel.
2. La salariée a saisi la juridiction prud'homale le 16 mai 2019 à l'effet d'obtenir la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée à temps complet.
3. Le 19 août 2019, elle a été licenciée pour motif économique.
Rectification d'erreur matérielle relevée d'office
Avis a été donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile.
Vu l'article 462 du code de procédure civile :
4. C'est par suite d'une erreur purement matérielle que, dans le dispositif de la décision attaquée, la cour d'appel a confirmé le jugement en ce qu'il a requalifié le contrat à durée indéterminée intermittent en contrat à durée indéterminée de droit commun, alors que, dans ses motifs, elle a jugé que la salariée n'était pas fondée à invoquer l'existence d'un contrat de travail intermittent et l'application des règles afférentes.
5. Il y a lieu, pour la Cour de cassation, de réparer cette erreur, qui affecte un chef de dispositif qui lui est déféré.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
7. La salariée fait grief à l'arrêt de dire que le contrat de travail à durée indéterminée de droit commun était un contrat de travail à temps partiel, de fixer le salaire mensuel moyen brut à une certaine somme et de la débouter de sa demande en paiement d'un rappel de salaire pour la période de mai 2016 à avril 2019, outre congés payés afférents, alors :
« 3°/ que le travail intermittent a pour objet de pourvoir des emplois permanents qui par nature comportent une alternance de périodes travaillées et non travaillées ; que la qualification de contrat de travail intermittent doit objectivement être référée à l'existence concrète d'une alternance de périodes travaillées et non travaillées ; qu'en retenant, pour écarter l'existence d'un contrat de travail intermittent, que Mme [G] ne démontrait pas une commune intention des parties de conclure un contrat de travail intermittent et qu'elle n'était donc pas fondée à invoquer l'existence d'un contrat de travail intermittent et l'application des règles afférentes, sans tirer les conséquences légales de ses propres constatations desquelles il ressortait que les plannings de travail montraient que la salariée ne travaillait que quelques heures par semaine les vendredis après-midi à l'exception des périodes de vacances scolaires, ce dont il résultait l'existence d'une alternance de périodes travaillées et non travaillées, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 3123-34 du code du travail dans sa version applicable au litige ;
4°/ que la qualification de la relation contractuelle ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ; qu'en se fondant sur la seule référence à la commune intention des parties de conclure un contrat de travail intermittent à l'exclusive de l'analyse des conditions de fait dans lesquelles s'était exercée l'activité de la salariée, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 3123-34 du code du travail dans sa version applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3123-31 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
8. Le travail intermittent se distingue du travail à temps partiel en ce qu'il est destiné à pourvoir des emplois permanents comportant une alternance entre périodes travaillées et périodes non travaillées.
9. Pour dire le contrat de travail à temps partiel et débouter la salariée de sa demande en paiement d'un rappel de salaire sur la base d'un temps complet, l'arrêt retient que la salariée invoque également ses plannings de travail contenant selon elle une succession de périodes non travaillées, mais qui montrent seulement qu'elle travaillait quelques heures chaque semaine les vendredis après-midi à l'exception des périodes de vacances scolaires, ce qui rentre dans la définition du travail à temps partiel.Il relève que dans ces conditions, la salariée ne démontre pas une commune intention des parties de conclure un contrat de travail intermittent et en conclut qu'elle n'est pas fondée à invoquer l'existence d'un contrat de travail intermittent et l'application des règles afférentes.
10. En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants tirés de la commune intention des parties, sans vérifier si les périodes de vacances scolaires interrompant les prestations de travail ne constituaient pas des périodes non travaillées de nature à caractériser l'existence d'un contrat de travail intermittent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
ORDONNE la rectification de l'erreur matérielle affectant le dispositif de l'arrêt RG n° 21/00380 rendu le 25 janvier 2023 par la cour d'appel de Versailles et dit que, aux lieu et place de « Confirme le jugement attaqué, sauf en ce qu'il dit que le licenciement de Mme [P] [G] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamne l'association AGEFA PME IDF à lui payer diverses sommes avec intérêts au taux légal ainsi qu'aux dépens », il y a lieu de lire : « Confirme le jugement attaqué, sauf en ce qu'il requalifie le contrat à durée indéterminée intermittent de Mme [G] en contrat à durée indéterminée de droit commun, dit que le licenciement de Mme [P] [G] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamne l'association AGEFA PME IDF à lui payer diverses sommes avec intérêts au taux légal ainsi qu'aux dépens » ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement sauf en ce qu'il requalifie le contrat à durée indéterminée intermittent de Mme [G] en contrat à durée indéterminée de droit commun et en ce qu'il dit que le contrat de travail à durée indéterminée de droit commun est un contrat de travail à temps partiel, fixe le salaire mensuel moyen de Mme [G] à la somme de 259,09 euros et statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 25 janvier 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne l'association Agefa Paris Île-de-France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association Agefa Paris Île-de-France et la condamne à payer à Mme [G] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé et rectifié ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mai deux mille vingt-quatre.