LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 mai 2024
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 233 F-D
Pourvoi n° K 22-18.106
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 MAI 2024
1°/ Mme [BJ] [TJ],
2°/ Mme [P] [I],
toutes deux domiciliées [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° K 22-18.106 contre l'arrêt rendu le 14 avril 2022 par la cour d'appel de Montpellier (3e chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à Mme [L] [O] [N] [RR], domiciliée chez M. [DB] [H], [Adresse 4],
2°/ à M. [W] [IM],
3°/ à Mme [YV] [J], épouse [IM],
4°/ à M. [S] [KF],
5°/ à Mme [A] [B], épouse [KF],
6°/ à M. [Y] [J],
7°/ à Mme [HM] [Z], épouse [J],
tous six domiciliés [Adresse 15],
8°/ à M. [G] [C],
9°/ à Mme [D] [X], épouse [C],
tous deux domiciliés [Adresse 6],
10°/ à M. [NY] [PR], domicilié [Adresse 3], pris tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritier de [UJ] [PR]
11°/ à M. [K] [T],
12°/ à Mme [R] [V], épouse [T],
tous deux domiciliés [Adresse 7],
13°/ à M. [AN] [LF],
14°/ à Mme [EU] [WC], épouse [LF],
tous deux domiciliés [Adresse 2],
15°/ à Mme [XC] [F], domiciliée [Adresse 11],
16°/ à Mme [VC] [XV], épouse [ZV], domiciliée [Adresse 13], prise tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritière de [E] [ZV],
17°/ à la commune de [Localité 14], representée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité en l'Hôtel de ville, [Adresse 12],
18°/ à Mme [P] [PR], domiciliée [Adresse 5], prise tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritière de [UJ] [PR]
19°/ à Mme [M] [U], domiciliée [Adresse 15], pris en sa qualité de propriétaire de la parcelle [Cadastre 10],
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pons, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mmes [TJ] et [I], de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de M. et Mme [IM], M. et Mme [KF], M. et Mme [J], M. et Mme [C], M. et Mme [PR], M. et Mme [T], M. et Mme [LF] et de Mme [XV], après débats en l'audience publique du 19 mars 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pons, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 14 avril 2022), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 24 octobre 2019, pourvoi n° 18-19.354), Mmes [TJ] et [I], se plaignant de difficultés liées à l'usage d'un chemin permettant d'accéder aux parcelles dont elles sont propriétaires indivises, ont assigné en bornage la commune de [Localité 14] (la commune), Mme [N] [RR], M. et Mme [IM], M. et Mme [KF], M. et Mme [J], M. et Mme [C], M. et Mme [T], M. et Mme [LF], ainsi que M. et Mme [ZV], venant aux droits de Mme [F].
2. Devant la cour d'appel de renvoi, Mmes [TJ] et [I] ont appelé en intervention forcée Mme [U], venant aux droits de Mme [N] [RR].
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. Mmes [TJ] et [I] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur demande en reconnaissance de l'existence d'un chemin d'exploitation, alors :
« 1°/ que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux
mêmes fins que celles soumises au premier juge ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable la demande formée devant elle par Mmes [TJ] et [I], tendant à ce que le chemin desservant leur propriété soit qualifié de chemin d'exploitation, qu'il s'agissait d'une demande nouvelle par rapport à leurs demandes initiales, qui comprenaient une revendication de la propriété de ce chemin sous couvert d'une action en bornage, quand la demande qui lui était soumise tendait aux mêmes fins que cette demande initiale, à savoir, la jouissance du chemin, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 565 du code de procédure civile ;
2°/ que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable la demande formée devant elle par Mmes [TJ] et [I], tendant à ce que le chemin desservant leur propriété soit qualifié de chemin d'exploitation, qu'il s'agissait d'une demande nouvelle par rapport à leurs demandes initiales, qui comprenaient une demande de bornage des parcelles longeant le chemin avec mission, pour l'expert qui serait désigné,
d'« émettre son avis sur la nature des droits dont » elles disposaient sur le chemin, quand la demande qui lui était soumise tendait aux mêmes fins que cette demande initiale et que la revendication de propriété formalisée en appel, à savoir, la jouissance du chemin, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 565 du code de procédure civile ;
3°/ que la cassation qui interviendra sur la première branche entraînera, par
voie de conséquence, l'annulation des chefs de l'arrêt ayant débouté les exposantes de leur demande de bornage judiciaire, en tant qu'elle était formée contre les époux [IM], les époux [KF], les époux [J], les époux [C], les époux [T] et la commune de [Localité 14] pour la parcelle [Cadastre 9], et Mme [N]-[RR] et l'a déclaré irrecevable en ce qu'elle était formée contre Mme [U], en application de l'article 624 du code de procédure civile ».
Réponse de la Cour
4. Selon l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
5. La demande de qualification d'une voie d'accès en chemin d'exploitation, qui tend à obtenir le droit d'usage prévu par l'article L. 162-1 du code rural et de la pêche maritime, ne tend pas aux mêmes fins que celles en revendication ou en bornage, dont l'objet est de se voir reconnaître le droit de jouir et de disposer de la chose dans les conditions prévues par l'article 544 du code civil, ou d'en fixer les limites.
6. Dès lors, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que la demande de qualification de chemin d'exploitation, présentée pour la première fois en appel, était irrecevable comme nouvelle par rapport à celle, formée en première instance, tendant, sous le couvert d'une action en bornage, à la revendication de la propriété du terrain d'assiette litigieux.
7. Le moyen, non fondé en ses deux premières branches et sans portée en sa dernière, ne peut, dès lors, être accueilli.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
8. Mmes [TJ] et [I] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de bornage judiciaire à l'encontre de Mme [N] [RR], M. et Mme [IM], M. et Mme [KF], M. et Mme [J], M. et Mme [C], M. et Mme [T], Mme [F], M. et Mme [LF] et de la commune, et de déclarer irrecevable celle formée contre Mme [U], alors « que la réalisation d'un bornage amiable rendant irrecevable un bornage judiciaire ne peut être opposée qu'aux propriétaires qui y étaient parties ; qu'en jugeant que la demande de Mmes [TJ] et [I] tendant au bornage de leurs parcelles et des parcelles des époux [T], des époux [LF] et de la commune de Privas, pour la parcelle [Cadastre 8], était irrecevable dès lors que la limite divisoire des fonds avait été matérialisée en 2004 par des bornes implantées à la suite de l'établissement d'un plan d'arpentage, « même si Mme [TJ] et Mme [I] n'y (avaient) pas participé » ce qu'elles contestaient sans être contredites, quand ces dernières ne pouvaient se voir opposer la réalisation d'un bornage amiable auquel elles n'avaient pas été parties, la cour d'appel a violé l'article 646 du code civil, ensemble l'article 1134, devenu 1103 du même code ».
Réponse de la Cour
9. Ayant constaté, par motifs propres et adoptés, qu'il résultait d'un document d'arpentage et de procès-verbaux versés aux débats que, lors de la création des lotissements ayant conduit à l'actuelle division foncière, à laquelle se référaient les titres de propriété, des bornes avaient été implantées en 2004, soit dix ans avant l'introduction de l'action en bornage judiciaire, et que celles-ci matérialisaient la limite divisoire entre les fonds appartenant désormais à Mmes [TJ] et [I], d'une part, et ceux appartenant à M. et Mme [T], à M. et Mme [LF] et à la commune, d'autre part, la cour d'appel, retenant souverainement l'existence d'un bornage antérieur, en a exactement déduit, sans méconnaître l'effet relatif des contrats, que celui-ci, opposable aux demanderesses, faisait obstacle à leur demande.
10. Elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mmes [TJ] et [I] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mmes [TJ] et [I] et les condamne in solidum à payer à M. et Mme [IM], M. et Mme [J], M. et Mme [C], M. et Mme [T] et M. et Mme [LF] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille vingt-quatre.