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15/05/2024 | FRANCE | N°52400490

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 mai 2024, 52400490


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


ZB1




COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 15 mai 2024








Cassation partielle sans renvoi




Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 490 F-D


Pourvoi n° D 22-17.203




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
__

_______________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 MAI 2024


La société S3M sécurité, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6], a formé le pourvoi n° D 22-17.203 ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 mai 2024

Cassation partielle sans renvoi

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 490 F-D

Pourvoi n° D 22-17.203

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 MAI 2024

La société S3M sécurité, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6], a formé le pourvoi n° D 22-17.203 contre l'arrêt rendu le 24 mars 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [R] [V], domicilié [Adresse 3],

2°/ à M. [O] [H], domicilié [Adresse 1],

3°/ à M. [C] [B], domicilié chez Mme [W] [F], [Adresse 2],

4°/ à M. [S] [N] [G], domicilié [Adresse 4],

5°/ à la société First sécurité privée, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5],

défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, cinq moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Douxami, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société S3M sécurité, de Me Brouchot, avocat de MM. [V], [H], [B] et [N] [G], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société First sécurité privée, après débats en l'audience publique du 2 avril 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Douxami, conseiller rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 mars 2022), rendu en matière de référé, MM. [V], [H], [B] et [N] [G], engagés en qualité d'agents de sécurité cynophile par la société First sécurité privée, étaient affectés sur le site de l'hôpital [7] à [Localité 8].

2. Le marché des prestations de sécurité et de sécurité incendie de ce site a été attribué à compter du 16 mars 2021 à la société S3M sécurité qui a refusé la poursuite du contrat de travail des salariés.

3. Ces derniers ont saisi la formation de référé de la juridiction prud'homale pour obtenir la poursuite de leur contrat de travail au sein de l'entreprise entrante et subsidiairement leur réintégration dans les effectifs de l'entreprise sortante.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. L'entreprise entrante fait grief à l'arrêt d'ordonner la reprise du contrat de travail des salariés à compter du 16 mars 2021, de la condamner à leur payer diverses sommes provisionnelles au titre des salaires depuis le 16 mars 2021, de dire que les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter du 24 juin 2021 avec capitalisation des intérêts, de la débouter de toutes ses demandes et de la condamner au titre des frais irrépétibles, alors :

« 1°/ qu'en vertu de l'article R. 1455-6 du code du travail, la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite ; que constitue un trouble manifestement illicite la violation évidente d'une règle de droit résultant d'un fait matériel ou juridique ; qu'en l'espèce, ayant pris la suite de la société First sécurité privée (FSP) en tant que titulaire du marché de prestations de sûreté anti-malveillance et de sécurité incendie sur les sites de trois hôpitaux de l'AP-HP répartis dans le département de la Seine-Saint-Denis, la société S3M sécurité, qui relevait des dispositions de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 concernant la reprise du personnel dans le secteur prévention et sécurité, indiquait de ne pas avoir repris le contrat de travail de certains salariés affectés sur ledit marché, faute pour la société FSP, société sortante, de lui avoir remis tous les documents prévus par le texte précité, dans les délais requis ; que pour dire y avoir lieu à référé et ordonner le transfert des contrats des salariés non-repris à la société entrante, la cour d'appel s'est bornée à relever que le fait pour un salarié d'une société de sécurité privée et de sécurité incendie de ne pas être, lors d'un changement d'attributaire d'un marché de sécurité, ni transféré à la société cessionnaire ni gardé par la société cédante, constituait un trouble manifestement illicite ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'une violation évidente des règles de droit applicables dans le refus de la société S3M sécurité de reprendre ces salariés, ni donc de trouble manifestement illicite, a excédé ses pouvoirs et violé, ce faisant, l'article R. 1455-6 du code du travail ;

2°/ qu'en vertu de l'article R. 1455-6 du code du travail, la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite ; que le transfert des contrats de travail prévu par l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 concernant la reprise du personnel dans le secteur prévention et sécurité ne s'opérant pas de plein droit et étant subordonné à l'accomplissement des diligences prescrites par cet accord, lorsque les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail ne sont pas remplies, le manquement de l'entrepreneur entrant aux diligences que l'accord met à sa charge fait obstacle au changement d'employeur ; qu'en l'espèce, la société S3M sécurité faisait valoir qu'en tout état de cause, un éventuel manquement de sa part en tant que société entrante aux diligences que l'accord précité mettait à sa charge, ferait obstacle au changement d'employeur, de sorte que les salariés non repris étaient nécessairement restés employés de la société sortante ; qu'en jugeant y avoir lieu à référé sur les demandes de transfert du contrat desdits salariés et en prononçant un tel transfert au prétexte que le fait pour un salarié d'une société de sécurité privée et de sécurité incendie, de ne pas être lors d'un changement d'attributaire d'un marché de sécurité, ni transféré à la société cessionnaire ni gardé par la société cédante constituait un trouble manifestement illicite, lorsqu'un tel trouble, à le supposer admis, ne pouvait conduire le juge à ordonner le transfert des salariés non-repris hors application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, la cour d'appel a violé l'article R. 1455-6 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes du préambule de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel pour les entreprises de prévention et de sécurité, le présent accord est conclu en vue de conserver les effectifs qualifiés et de préserver l'emploi des salariés dans la profession à l'occasion d'un changement de prestataire. A cet effet, les signataires ont élaboré ci-après les conditions de transfert du personnel qui s'imposent à l'entreprise entrante (nouveau titulaire du marché), à l'entreprise sortante (ancien titulaire du marché) et à l'ensemble du personnel concerné tel que défini ci-après.

6. Contrairement à ce que soutient le moyen, la cour d'appel ne s'est pas bornée à énoncer que le fait pour un salarié d'une société de sécurité privée et de sécurité incendie de ne pas être, lors d'un changement d'attributaire d'un marché de sécurité, ni transféré à la société cessionnaire ni gardé par la société cédante, constituait un trouble manifestement illicite, mais a relevé que l'entreprise entrante avait refusé de reprendre les salariés appartenant à la catégorie du personnel visé par la convention collective qui prévoit que l'entreprise qui se voit confier un marché précédemment attribué à une autre est tenue de poursuivre les contrats de travail, caractérisant ainsi un trouble manifestement illicite.

7. Le moyen, qui manque en fait, n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche en ce qu'il fait grief à l'arrêt d'ordonner la reprise du contrat de travail des salariés

Enoncé du moyen

8. L'entreprise entrante fait grief à l'arrêt d'ordonner la reprise, du contrat de travail des salariés à compter du 16 mars 2021, alors « que le juge ne peut pas méconnaître les termes du litige ; que seuls les salariés, dans leurs conclusions, avaient demandé à la cour d'appel d'ordonner la reprise par la société S3M sécurité de leur contrat de travail à compter du 16 mars 2021, et à tout le moins de condamner la société S3M sécurité à leur verser des sommes provisionnelles au titre des salaires depuis le 16 mars 2021 ; que les conclusions des salariés ayant été déclarées irrecevables, la cour d'appel n'était pas saisie des demandes ainsi formées, de sorte qu'en y faisant pourtant droit, ainsi qu'à la demande de frais irrépétibles formée par les salariés, elle a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

9. L'entreprise sortante ayant demandé, dans le conclusif de ses conclusions, de dire que l'entreprise entrante était l'employeur des salariés depuis le 16 mars 2021 et de statuer ce que de droit sur les conséquences en découlant, il en résulte que la cour d'appel qui était saisie d'une demande relative à la poursuite du contrat de travail des salariés en application du dispositif conventionnel, n'a nullement méconnu les termes du litige en se prononçant sur la poursuite des contrats de travail et les obligations pesant sur l'entreprise entrante, consécutives à la reprise du personnel.

10. Le moyen n'est donc pas fondé

Sur le deuxième moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt d'ordonner la reprise du contrat de travail des salariés, pris en ses deux dernières branches, et les troisième, quatrième et cinquième moyens réunis

Enoncé des moyens

11. Selon le deuxième moyen, l'entreprise entrante fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 2°/ qu'en vertu des articles 2.2 et 2.3.1 de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 concernant la reprise du personnel dans le secteur prévention et sécurité, seuls sont transférables les salariés affectés sur un marché repris remplissant à la date du transfert diverses conditions précisément définies, dont la justification, dans des délais déterminés, des formations réglementairement requises dans le périmètre sortant et des éventuels recyclages nécessaires, pour l'exercice de la qualification attribuée et/ou la nature du site ; que si l'avenant n° 2 du 10 juillet 2020 est venu préciser, compte tenu de la situation sanitaire, que l'absence de suivi d'une formation obligatoire ou d'un recyclage réglementaire requis dans le périmètre sortant qui aurait dû être mené entre le 16 mars 2020 et le 10 septembre 2020 ne constitue pas, jusqu'au 30 avril 2021, un élément justifiant le refus de reprise du personnel par l'entreprise entrante, il subordonne cette dérogation à la condition que l'entreprise sortante ait justifié, par tout moyen, de l'inscription du salarié à une session de formation, à sa charge, avant la date du transfert effectif ; qu'en l'espèce, ayant pris la suite de la société First sécurité privée (FSP) en tant que titulaire du marché de prestations de sûreté anti-malveillance et de sécurité incendie sur les sites de trois hôpitaux de l'AP-HP répartis dans le département de la Seine-Saint-Denis, la société S3M sécurité, qui relevait des dispositions de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 concernant la reprise du personnel dans le secteur prévention et sécurité, faisait valoir que, dans le cas des agents cynophile non-repris, la société sortante ne lui avait fourni aucun justificatif de formation continue d'entraînement canin ni de justificatif d'inscription à une session de formation au plus tard à la date du transfert effectif, soit le 16 mars 2021 ; qu'en se bornant à retenir que selon le texte précité l'absence de suivi d'une formation obligatoire ou d'un recyclage réglementaires ne constituait plus, pour la période concernée, un élément justifiant le refus de reprise du personnel par l'entreprise entrante et qu'après une première communication, la société sortante avait communiqué, sur sollicitation de la société S3M sécurité, un complément de documents et indiqué avoir produit les autres, sans faire précisément ressortir que la société sortante avait remis à la société entrante, dans les délais requis, des justificatifs du suivi par les intéressés d'une formation continue d'entraînement canin ou de leur inscription à une session de formation obligatoire spécifique, à sa charge, avant le transfert effectif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles susvisés ;

3°/ que le transfert des contrats de travail prévu par l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel dans les entreprises de prévention et de sécurité ne s'opérant pas de plein droit et étant subordonné à l'accomplissement des diligences prescrites par cet accord, lorsque les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail ne sont pas remplies, le manquement de l'entrepreneur entrant aux diligences que l'accord met à sa charge fait obstacle au changement d'employeur ; que dès lors, en ordonnant la reprise par la société entrante du contrat de travail des salariés affectés sur le marché repris et en la condamnant à leur payer une provision sur les salaires dus depuis la reprise du marché, la cour d'appel a violé l'article 2-3 de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel dans les entreprises de prévention et de sécurité, ensemble l'article L. 1224-1 du code du travail. »

12. Selon le troisième moyen, l'entreprise entrante fait grief à l'arrêt d'ordonner la reprise du contrat de travail de M. [B], alors :

« 1°/ qu'en vertu de l'article 2.3.1 de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 concernant la reprise du personnel dans le secteur prévention et sécurité, la société sortante doit adresser à la société entrante une liste de documents comprenant notamment la copie des diplômes et certificats nécessaires à l'exercice par les salariés de l'emploi dans le périmètre sortant ; qu'en l'espèce, elle faisait valoir que, dans le cas particulier de M. [B], aucun diplôme d'agent de sécurité cynophile ne lui avait été remis ; qu'en se bornant à retenir qu'après une première communication des dossiers des salariés transférables, la société sortante avait communiqué, sur sollicitation de la société S3M sécurité, un complément de documents tout en précisant qu'elle avait déjà produit les autres, sans faire ressortir qu'au nombre des documents remis figurait un justificatif du diplôme d'agent de sécurité cynophile de M. [B], ce que l'entreprise entrante contestait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte précité ;

2°/ qu'en vertu de l'article 2.3.1 de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 concernant la reprise du personnel dans le secteur prévention et sécurité, la société sortante doit adresser à la société entrante une liste de documents comprenant notamment le numéro de carte professionnelle de l'agent ou, à défaut, le numéro de récépissé de demande de carte professionnelle et une copie des diplômes et certificats nécessaires à l'exercice de l'emploi dans le périmètre sortant ; qu'en exigeant la production cumulée de ces éléments, l'article précité exclut que l'un puisse valoir communication de l'autre ; qu'en retenant que la société FSP s'était acquittée des obligations mises à sa charge en adressant une carte professionnelle valant diplôme, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

3°/ que l'agent cynophile s'interdit tout mauvais traitement de son animal et veille à ce que celui-ci se trouve, en toutes circonstances, dans un état de soin et de propreté correct ; qu'en l'espèce, elle faisait valoir, dans le cas particulier de M. [B], que son chien ayant une dizaine d'années, il y avait lieu de s'interroger sur le respect des règles issues du code rural et de la pêche maritime ainsi celles d'ordre déontologique organisant la profession lesquelles interdisaient le mauvais traitement des animaux ; qu'en se bornant à relever que l'âge des chiens importait peu dès lors qu'ils étaient aptes, sans s'assurer de la compatibilité du recours à des chiens d'un âge aussi avancé avec les règles prohibant le mauvais traitement des animaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 214-3 du code rural et de la pêche maritime et R. 631-32 du code de la sécurité intérieure. »

13. Selon le quatrième moyen, l'entreprise entrante fait grief à l'arrêt d'ordonner la reprise du contrat de travail de M. [V] à compter du 16 mars 2021, alors « que l'agent cynophile s'interdit tout mauvais traitement de son animal et veille à ce que celui-ci se trouve, en toutes circonstances, dans un état de soin et de propreté correct ; qu'en l'espèce, la société S3M faisait valoir, dans le cas particulier de M. [V], que son chien ayant une dizaine d'années, il y avait de s'interroger sur le respect des règles issues du code rural et de la pêche maritime et celles d'ordre déontologique organisant la profession lesquelles interdisaient le mauvais traitement des animaux ; qu'en affirmant que l'âge des chiens importait peu dès lors qu'ils étaient aptes, sans s'assurer de la compatibilité du recours à des chiens d'un âge aussi avancé avec les règles prohibant le mauvais traitement des animaux,
la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 214-3 du code rural et de la pêche maritime et R. 631-32 du code de la sécurité intérieure. »

14. Selon le cinquième moyen, l'entreprise entrante fait grief à l'arrêt d'ordonner la reprise du contrat de travail de MM. [N] [G] et [H], alors « que la carte professionnelle d'un agent cynophile doit notamment comprendre la copie de la carte d'indentification de chacun des chiens dont l'usage est envisagé ; qu'en l'espèce, la société S3M faisait valoir, dans le cas de MM. [N] [G] et [H], qu'elle s'était vu remettre un mélange de plusieurs carnets de vaccination différents se rapportant à des chiens, pour certains non identifiables, et pour ceux qui l'étaient ne correspondant pas au chien immatriculé sur la carte professionnelle des agents concernés ; qu'en jugeant que l'entreprise entrante avait à tort refusé de reprendre ces salariés, sans s'assurer qu'elle avait été mise en mesure d'identifier, au jour du transfert, qu'au moins un des chiens objets des carnets de vaccination remis correspondait à l'un de ceux figurant sur la carte professionnelle des intéressés, ce qu'elle contestait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 612-18, dans sa version modifiée par le décret n° 2016-515 du 26 avril 2016. »

Réponse de la Cour

15. D'abord, aux termes du préambule de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel pour les entreprises de prévention et de sécurité, le présent accord est conclu en vue de conserver les effectifs qualifiés et de préserver l'emploi des salariés dans la profession à l'occasion d'un changement de prestataire. A cet effet, les signataires ont élaboré ci-après les conditions de transfert du personnel qui s'imposent à l'entreprise entrante (nouveau titulaire du marché), à l'entreprise sortante (ancien titulaire du marché) et à l'ensemble du personnel concerné tel que défini ci-après.

16. Il en résulte que l'entreprise entrante ne peut se prévaloir des manquements à ses propres obligations en soutenant qu'ils feraient obstacle à la poursuite du contrat de travail des salariés, alors que les dispositions conventionnelles lui font obligation de reprendre les salariés appartenant à la catégorie du personnel visé par la convention collective.

17. Ensuite un manquement de l'entreprise sortante à son obligation de communiquer à l'entreprise entrante, les documents prévus par l'avenant du 28 janvier 2011 à l'avenant du 2 mars 2002 relatif à la reprise du personnel en cas de changement de prestataire dans le secteur prévention et sécurité, ne peut empêcher un changement d'employeur qu'à la condition qu'il mette l'entreprise entrante dans l'impossibilité d'organiser la reprise effective du marché.

18. La cour d'appel, après avoir constaté que la société entrante faisait valoir que pour les quatre salariés, aucun justificatif de formation de « Maître chien » n'avait été communiqué en particulier pour M. [N] [G] dont la carte professionnelle était renouvelable fin avril 2021 ou pour M. [B] qu'aucun diplôme n'avait été justifié outre que les carnets de vaccination des chiens de MM. [H], [V] et [B] avaient été mélangés, les chiens des deux derniers salariés ayant, par ailleurs près de dix ans, a constaté qu'après une première communication des dossiers des 77 salariés transférables, la société sortante avait communiqué à la demande de la société entrante, en particulier pour les quatre agents cynophiles, le complément de documents (formations et carnets de vaccination) et a retenu d'une part, que l'âge des chiens importait peu puisqu'au regard de leur carnet de vaccination ils étaient aptes et d'autre part, qu'il était également indifférent que les carnets de vaccination eussent été mélangés, la société entrante ne remettant pas en cause leur délivrance.

19. De ces constatations, dont il ressortait que le retard pris par l'entreprise sortante dans la communication de certains documents ou l'absence de transmission de certains documents à l'entreprise entrante, n'avait pas placé cette dernière dans l'impossibilité d'organiser la reprise du marché, la cour d'appel a pu déduire qu'elle était tenue de conserver les salariés à son service, à partir du 16 mars 2021 et que son refus de poursuivre les contrats de travail constituait un trouble manifestement illicite, justifiant à lui seul les mesures de remise en état qu'elle a ordonnées.

20. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner la société entrante à payer aux salariés diverses sommes provisionnelles au titre des salaires depuis le 16 mars 2021

Enoncé du moyen

21. L'entreprise entrante fait grief à l'arrêt de la condamner à payer aux salariés diverses sommes provisionnelles au titre des salaires depuis le 16 mars 2021, de dire que les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes, soit le 24 juin 2021 avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, de la débouter de toute demande et de la condamner au titre des frais irrépétibles, alors « que le juge ne peut pas méconnaître les termes du litige ; que seuls les salariés, dans leurs conclusions, avaient demandé à la cour d'appel d'ordonner la reprise par la société S3M sécurité de leur contrat de travail à compter du 16 mars 2021, et à tout le moins de condamner la société S3M sécurité à leur verser des sommes provisionnelles au titre des salaires depuis le 16 mars 2021 ; que les conclusions des salariés ayant été déclarées irrecevables, la cour d'appel n'était pas saisie des demandes ainsi formées, de sorte qu'en y faisant pourtant droit, ainsi qu'à la demande de frais irrépétibles formée par les salariés, elle a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 4 et 954, alinéa 3, du code de procédure civile :

22. Selon le premier de ces textes, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

23. Il résulte du second que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

24. Après avoir constaté que les conclusions des salariés avaient été déclarées irrecevables par ordonnance du 7 janvier 2022, l'arrêt, infirmant le jugement et ordonnant la poursuite des contrats de travail des salariés par l'entreprise entrante depuis le 16 mars 2021, condamne cette dernière à leur payer des sommes à titre de provision sur rappel de salaires depuis la même date.

25. En statuant ainsi, alors qu'elle n'était saisie d'aucune prétention de ce chef, formée par les salariés contre l'entreprise entrante, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

26. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

27. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société S3M sécurité, payer à MM. [V], [H], [B] et [N] [G] diverses sommes provisionnelles au titre des salaires depuis le 16 mars 2021, dit que les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter du 24 juin 2021 avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil et la condamne à payer à chacun des salariés une somme au titre des frais irrépétibles, l'arrêt rendu le 24 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi de ces chefs ;

Condamne la société S3M sécurité aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société S3M sécurité à payer à la société First sécurité privée la somme de 1 500 euros et à MM. [V], [H], [B] et [N] [G] la somme globale de 1 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400490
Date de la décision : 15/05/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 24 mars 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 mai. 2024, pourvoi n°52400490


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Brouchot, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400490
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