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10/05/2024 | FRANCE | N°42400244

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 mai 2024, 42400244


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


COMM.


FB




COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 10 mai 2024








Cassation




M. VIGNEAU, président






Arrêt n° 244 F-B


Pourvoi n° U 22-18.988




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASS

ATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 10 MAI 2024


1°/ Mme [K] [G], domiciliée [Adresse 5], agissant en qualité d'héritière de [P] [M], décédée, agissant en la personne de son administrateur légal, M. [I...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 mai 2024

Cassation

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 244 F-B

Pourvoi n° U 22-18.988

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 10 MAI 2024

1°/ Mme [K] [G], domiciliée [Adresse 5], agissant en qualité d'héritière de [P] [M], décédée, agissant en la personne de son administrateur légal, M. [I] [G], domiciliée [Adresse 5],

2°/ M. [X] [G], domicilié [Adresse 1], agissant en qualité d'héritier de [P] [M], décédée,

ont formé le pourvoi n° U 22-18.988 contre l'arrêt rendu le 20 juin 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige les opposant :

1°/ au directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 3],

2°/ au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, domicilié pôle fiscal parisien 1 pôle juridictionnel judiciaire, [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Daubigney, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat de Mme [G] et de M. [X] [G], tous deux ès qualités, de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques et du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, après débats en l'audience publique du 12 mars 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Daubigney, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 juin 2022), [P] [M], qui détient de droit en usufruit et en pleine propriété dans deux sociétés de gestion de portefeuille, les sociétés Verte forêt et Océane (les sociétés), lesquelles n'ont pas opté pour le régime de l'impôt sur les sociétés, a déposé une déclaration au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) pour l'année 2010, en faisant application de l'article 885 V bis du code général des impôts, qui prévoit un plafonnement du montant de cet impôt.

2. Estimant que la quote-part des résultats des sociétés au titre de l'exercice clos en 2009 créditée sur le compte courant d'associé de [P] [M] devait être prise en compte pour le calcul du plafonnement, ce qui en entraînait la suppression, l'administration fiscale lui a notifié une proposition de rectification portant rappel d'un surplus d'ISF.

3. Après mise en recouvrement et rejet de sa réclamation, [P] [M] a assigné l'administration fiscale en décharge du surplus d'imposition réclamée.

4. [P] [M] est décédée le [Date décès 4] 2020 en laissant pour lui succéder ses enfants [I] et [K] [G].

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. [K] [G], représentée par son administrateur légal, et M. [X] [G] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à l'annulation de la décision de rejet de la réclamation contentieuse présentée et au prononcé de la décharge du supplément d'ISF mise à sa charge au titre de l'année 2010, alors « que lorsqu'une société civile, exerçant une activité de gestion d'un portefeuille mobilier constitué pour l'essentiel de contrats de capitalisation, n'a pas opté pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés et que l'ensemble de ses associés relève du II de l'article 238 bis K du code général des impôts, ces derniers sont soumis à l'impôt sur le revenu à concurrence de leur quote-part des revenus de la société déterminés en application de l'article 125-0 A de ce code, indépendamment de la répartition de ces revenus et sans qu'aient d'incidence à cet égard les modalités de calcul du résultat que la société est statutairement tenue de déterminer à seule fin d'information de ces mêmes associés ; qu'en jugeant, après avoir relevé que les comptes des sociétés avaient été approuvés le 30 juin 2010 et que le bénéfice de ces sociétés, arrêtés conformément à l'article 18 de leurs statuts, avait été réparti entre les associés par inscription au crédit de leurs comptes courants au prorata de leurs droits sociaux, que le bénéfice ainsi déterminé, y compris la part de gains latents qu'il comportait du fait de ce mode de calcul statutaire, devait être inclus, à concurrence de la quote-part de chaque associé, dans ses revenus imposables au titre de l'année en cause, de sorte que [P] [M] devait mentionner sur sa déclaration de revenus 2010 la quote-part de résultat réalisé au titre de l'exercice clos en 2009, au prorata de ses droits, pour déterminer le plafonnement de l'ISF 2010, la cour d'appel a violé les articles 8, 885 V bis, 885 E, 125-0 A et 238 bis K du code général des impôts. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 8, 885 V bis, 885 E, 125-0 A et 238 bis K du code général des impôts, dans leur version alors applicable :

6. Il résulte du second de ces textes que l'ISF du redevable est réduit de la différence entre, d'une part, le total de cet impôt et des impôts dus en France et à l'étranger au titre des revenus et produits de l'année précédente, d'autre part, 85 % du total des revenus nets de frais professionnels de l'année précédente après déduction des seuls déficits catégoriels dont l'imputation est autorisée ainsi que des revenus exonérés d'impôt sur le revenu réalisés au cours de la même année en France ou hors de France et des produits soumis à un prélèvement libératoire.

7. Il résulte du premier que les membres des sociétés civiles qui ne revêtent pas, en droit ou en fait, l'une des formes de sociétés visées à l'article 206 1 du code général des impôts et qui, sous réserve des exceptions prévues à l'article 239 ter, ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 du même code, sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société.

8. Il résulte des deux derniers que la part de bénéfice ainsi que les profits résultant de la cession des droits sociaux sont déterminés et imposés en tenant compte de la nature de l'activité de la société et que les produits attachés aux bons ou contrats de capitalisation ainsi qu'aux placements de même nature souscrits auprès d'entreprises d'assurance établies en France sont soumis à l'impôt sur le revenu lors du dénouement du contrat.

9. Il se déduit de ces dispositions que si une société civile établit ses bénéfices en tenant compte de la valeur vénale réelle des éléments composant son actif net, la part de gains latents qu'ils comportent du fait de ce mode de calcul statutaire ne peut être incluse, à concurrence de la quote-part de chaque associé, dans les revenus imposables de celui-ci au titre de l'année en cause, peu important les modalités de détermination du résultat de la société civile telles qu'arrêtés par ses statuts.

10. Pour rejeter la demande d'annulation de la décision de rejet de la réclamation contentieuse de décharge du supplément d'ISF au titre de l'année 2010, l'arrêt retient que par application des articles 1856 du code civil et 17 de leurs statuts, les sociétés doivent rendre compte de leur gestion à leurs associés au moins une fois par an et établir des comptes en conformité avec les usages et la réglementation applicables et procéder à la déclaration de leurs revenus qui seront reportés sur la déclaration de revenus personnelle de chaque associé, au prorata de leur participation. Il ajoute que les sociétés ont présenté des résultats comptables au passif de leur bilan 2009, approuvés expressément en tant que « bénéfices » par les deux assemblées générales respectives du 30 juin 2010, que ceux-ci ont fait l'objet d'une affectation en totalité aux comptes-courants d'associés en proportion de leurs droits dans le capital social, notamment au bénéfice de [P] [M]. Il retient, enfin, que l'affectation du bénéfice des sociétés sur les comptes courants de leurs associés prive de fondement la distinction entre les notions de bénéfice fiscal et de résultat comptable et confirme la disponibilité du bénéfice réalisé sans que soit démontré un lien avec la détention de contrats de capitalisation.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a retenu le bénéfice comptable réalisé par les sociétés civiles et son inscription en compte courant comme un revenu imposable alors qu'aucun résultat bénéficiaire n'était taxable au titre des contrats de capitalisation, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne le directeur général des finances publiques et le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le directeur général des finances publiques et le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris et les condamne à payer à Mme [K] [G], représentée par son administrateur légal, et à M. [X] [G] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix mai deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 42400244
Date de la décision : 10/05/2024
Sens de l'arrêt : Cassation

Analyses

IMPOTS ET TAXES


Références :

Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 20 juin 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 10 mai. 2024, pourvoi n°42400244


Composition du Tribunal
Président : M. Vigneau
Avocat(s) : SARL Cabinet Briard, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:42400244
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