LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 mai 2024
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 476 F-D
Pourvoi n° D 23-11.572
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 MAI 2024
M. [K] [M], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 23-11.572 contre l'arrêt rendu le 19 mai 2021 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société [Adresse 2], société civile, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Quellec, conseiller, les observations de la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de M. [M], de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Lo Solehau village vacances, après débats en l'audience publique du 27 mars 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Quellec, conseiller rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 19 mai 2021), M. [M] a été engagé en qualité de chef de cuisine par la société [Adresse 2], le 1er avril 2011.
2. Il a été licencié le 24 octobre 2014.
3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 26 janvier 2015 afin de solliciter la condamnation de l'employeur en paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le second moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes relatives aux heures supplémentaires et au travail dissimulé, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments, après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. [M] produisait des plannings rédigés de sa main faisant état de 220 heures supplémentaires en 2011 et 2012, de 206 heures supplémentaires en 2013 et de 215 heures supplémentaires en 2014 et les attestations de Mme [X], commis de cuisine et de M. [N], cuisinier qui évoquent leurs propres horaires" ; qu'en énonçant, pour débouter le salarié de ses demandes, que ces éléments, peu précis, sont contredits par les pièces produites par l'employeur : feuille de présence signées du salarié et deux attestations de salariés qui affirment que M. [M] les a harcelés pour obtenir des attestations indiquant qu'ils réalisaient des heures supplémentaires non rémunérées, ce qui était faux", tandis qu'il résultait de ces constatations, d'une part, que M. [M] présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à la société Lo Solehau village vacances de répondre et, d'autre part, que cette dernière ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, des feuilles de présence" journalières sans indication de la durée de travail du salarié étant insuffisantes à établir l'existence d'un tel contrôle, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
6. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
7. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
8. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d' heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
9. Pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires, l'arrêt relève que le salarié produit des plannings rédigés de sa main faisant état de 220 heures supplémentaires en 2011 et 2012, de 206 heures supplémentaires en 2013 et de 215 heures supplémentaires en 2014 et les attestations de Mme [X], commis de cuisine, et de M. [N], cuisinier, qui évoquent leurs propres horaires.
10. L'arrêt retient que ces éléments peu précis sont contredits par les pièces produites par l'employeur : feuilles de présence signées du salarié et deux attestations de salariés qui affirment que M. [M] les a harcelés pour obtenir des attestations indiquant qu'ils réalisaient des heures supplémentaires non rémunérées, ce qui était faux. Il en conclut que la demande au titre des heures supplémentaires doit être rejetée.
11. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de M. [M] en paiement d'heures supplémentaires et de congés payés afférents, d'indemnité pour travail dissimulé, en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 19 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne la société [Adresse 2] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Lo Solehau village vacances et la condamne à payer à M. [M] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept mai deux mille vingt-quatre.