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07/05/2024 | FRANCE | N°52400466

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 mai 2024, 52400466


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CL6






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 7 mai 2024








Cassation partielle




Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 466 F-D


Pourvoi n° Q 22-24.159








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRAN

ÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 MAI 2024


La société IDSL, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 5], a formé le pourvoi n° Q 22-24.159...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CL6

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 mai 2024

Cassation partielle

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 466 F-D

Pourvoi n° Q 22-24.159

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 MAI 2024

La société IDSL, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 5], a formé le pourvoi n° Q 22-24.159 contre l'arrêt rendu le 10 novembre 2022 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [V] [S], domiciliée [Adresse 3], [Localité 2],

2°/ à France travail, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 6], anciennement dénommé Pôle emploi,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Leperchey, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société IDSL, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [S], après débats en l'audience publique du 26 mars 2024 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Leperchey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 10 novembre 2022), Mme [S] a été engagée en qualité de coordinatrice pédagogique, relevant de la catégorie T3, échelon 3 de la convention collective de l'enseignement privé indépendant, par la société IDSL.

2. Le 21 mai 2018, elle a été licenciée pour insuffisance professionnelle.

3. Contestant son licenciement, elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes liées à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée des sommes au titre des heures supplémentaires non payées en 2017, au titre des congés payés afférents, au titre des heures supplémentaires non payées en 2018, au titre des congés payés afférents, au titre des contreparties obligatoires en repos de 2017, au titre des contreparties obligatoires en repos de 2018, au titre du préjudice résultant des dépassements du temps de travail hebdomadaire, au titre du préjudice résultant des dépassements du temps de travail quotidien, au titre du préjudice subi pour exécution fautive du contrat de travail et à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de le condamner à rembourser à Pôle emploi, devenu France travail, les indemnités de chômage versées à la salariée à compter du jour de son licenciement dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, alors « qu'au sens de l'article 6.5 de la convention collective de l'enseignement privé indépendant du 27 novembre 2007, le ''personnel enseignant'' peut relever de la catégorie professionnelle ''technicien'' ou bien de la catégorie professionnelle ''cadre'', ces deux catégories étant toutes deux soumises au mode de décompte du temps de travail des enseignants incluant selon l'article 4 de la même convention, outre les heures de cours, les ''activités induites'' (telles que la préparation des cours, de sujets et la correction des évaluations écrites) ; qu'au-delà des critères de distinction énoncés aux paragraphes a) et b) de l'article 6.5.1, ces deux catégories techniciens et cadres du personnel enseignant participent toutes deux ''(?) pleinement au projet pédagogique, sous la direction du chef d'entreprise et/ou de sa hiérarchie et pour des missions qui s'exercent dans le cadre d'un enseignement de type magistral ou de toute autre forme d'enseignement impliquant un face-à-face pédagogique auxquels s'ajoutent tout ou partie des activités induites'' ; que le ''personnel d'encadrement pédagogique'' se borne en revanche, selon l'article 6.4 de la convention, à s'inscrire ''dans le projet de l'école par sa participation au suivi éducatif, pédagogique et psychologique des élèves ou des étudiants'', et à exercer des missions ''placées sous la direction du chef d'entreprise ou de sa hiérarchie, [qui] ne supposent pas d'activité d'enseignement majoritaire'' ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la salariée, titulaire d'un doctorat en biologie structurale, avait été recrutée en qualité de ''coordinatrice pédagogique'' pour effectuer une activité ''qui portait sur la réaction de QCM sous l'autorité d'un référent pédagogique et sur la préparation de travaux dirigés en parallèle des cours magistraux assurés par les enseignants qualifiés'', ce dont il résultait qu'elle exerçait des tâches pédagogiques relevant des fonctions du personnel enseignant, catégorie technicien, et non de celles du personnel d'encadrement pédagogique ; qu'en affirmant à tort que ''l'article 6.5 de la convention collective précise que le personnel enseignant de l'enseignement supérieur bénéficie du statut cadre'' et que la mention ''T3'' figurant sur les bulletins de paie et le certificat de travail ne correspondait pas à la classification du personnel enseignant, pour en déduire que la salariée ne pouvait relever que du personnel d'encadrement pédagogique soustrait au mode de décompte du temps de travail applicable aux enseignants, lorsque la convention collective reconnaissait au contraire l'existence d'une catégorie d'enseignants techniciens, la cour d'appel a violé les articles 6.4 et 6.5 de la convention collective de l'enseignement privé indépendant du 27 novembre 2007, ensemble l'article 4 de la même convention et les articles L. 1221-1 du code du travail et 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 6.4 et 6.5 de la convention collective de l'enseignement privé indépendant du 27 novembre 2007, dans leur rédaction issue de l'avenant n° 21 du 19 juin 2013 :

5. Selon le premier de ces textes, le personnel d'encadrement pédagogique est composé, d'une part, du personnel d'éducation et, d'autre part, du personnel exerçant des responsabilités de nature managériale. Les missions du personnel d'éducation ne supposent pas d'activité d'enseignement majoritaire. Le contenu de l'activité du technicien niveau 3, appartenant au personnel d'éducation, porte sur des travaux hautement qualifiés mettant en oeuvre des compétences confirmées acquises par formation spécifique ou par expérience (compétences générales dans plusieurs domaines ou compétences approfondies dans un domaine spécifique).

6. Selon le second, le personnel enseignant participe pleinement au projet pédagogique, sous la direction du chef d'entreprise et/ou de sa hiérarchie et pour des missions qui s'exercent dans le cadre d'un enseignement de type magistral ou de toute autre forme d'enseignement impliquant un face-à-face pédagogique auxquels s'ajoutent tout ou partie des activités induites.

7. Pour accueillir les demandes de la salariée liées à sa classification, l'arrêt relève que celle-ci avait été recrutée en qualité de coordinatrice pédagogique, que l'employeur avait choisi de lui reconnaître une classification de niveau 3 T3, que cette classification n'existait pas pour le personnel enseignant et que l'activité exercée par la salariée était sans rapport avec le niveau 3 de classification du personnel enseignant de l'enseignement supérieur. L'arrêt ajoute que rien n'empêchait à la salariée d'accepter un niveau de classification inférieur à celui correspondant à ses fonctions et que celle-ci ne réclamait pas son repositionnement. La cour d'appel en a déduit que l'employeur ne pouvait solliciter l'application des modalités de calcul du temps de travail réservées au personnel enseignant alors que la salariée n'avait pas été embauchée sous cette classification.

8. En se déterminant ainsi, sans rechercher quelle était la classification conventionnelle correspondant aux fonctions réellement exercées par la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à rembourser à Pôle emploi, devenu France travail, les indemnités de chômage versées à la salariée à compter du jour de son licenciement dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, alors « qu'il résulte des articles L. 1235-4 et L. 1235-3 du code du travail (dans leur rédaction applicable au litige), que l'employeur n'est pas tenu de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées au salarié licencié sans cause réelle et sérieuse lorsque celui-ci avait moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise ; qu'en l'espèce, il résulte de la décision attaquée que la salariée, recrutée par contrat de travail du 9 février 2017, avait été licenciée le 21 mai 2018 et avait donc une ancienneté de moins de deux ans à la date du licenciement ; qu'en condamnant néanmoins la société IDSL à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage du jour de son licenciement dans la limite de six mois d'indemnités, la cour d'appel a violé les articles précités. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1235-4 et L. 1235-5 du code du travail :

10. Aux termes du premier de ces textes, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

11. Aux termes du second, ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives au remboursement des indemnités de chômage, prévues à l'article L. 1235-4, en cas de méconnaissance des articles L. 1235-3 et L. 1235-11.

13. Après avoir déclaré le licenciement de la salariée sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt ordonne d'office à l'employeur le remboursement à Pôle emploi, devenu France travail, des indemnités de chômage versées à celle-ci dans la limite de six mois d'indemnités.

14. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la salariée avait moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise à la date de son licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

15. Le premier et le deuxième moyens ne formulant aucune critique contre les motifs de l'arrêt fondant la décision de condamner l'employeur au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cassation ne peut s'étendre à cette disposition de l'arrêt que les moyens ne sont pas susceptibles d'atteindre.

16. La cassation des chefs de dispositif accueillant les demandes de la salariée liées à sa classification et condamnant l'employeur à rembourser à Pôle emploi, devenu France travail, les indemnités de chômage versées à celle-ci à compter du jour de son licenciement dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit le licenciement pour insuffisance professionnelle de la salariée sans cause réelle et sérieuse, rejette sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, condamne l'employeur à lui verser la somme de 9 000 euros bruts à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 10 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;

Condamne Mme [S] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept mai deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400466
Date de la décision : 07/05/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 10 novembre 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 mai. 2024, pourvoi n°52400466


Composition du Tribunal
Président : Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400466
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