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07/05/2024 | FRANCE | N°52400446

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 mai 2024, 52400446


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


ZB1






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 7 mai 2024








Cassation partielle




Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 446 F-D


Pourvoi n° A 22-23.180






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS> _________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 MAI 2024


M. [F] [Y], domicilié [Adresse 2]), a formé le pourvoi n° A 22-23.180 contre l'arrêt rendu le 21 septembre 2022 par la cour d'appel...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 mai 2024

Cassation partielle

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 446 F-D

Pourvoi n° A 22-23.180

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 MAI 2024

M. [F] [Y], domicilié [Adresse 2]), a formé le pourvoi n° A 22-23.180 contre l'arrêt rendu le 21 septembre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant à la société Aurel BGC, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, six moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Salomon, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [Y], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Aurel BGC, après débats en l'audience publique du 26 mars 2024 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Salomon, conseiller rapporteur, Mme Nirdé-Dorail, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 septembre 2022), M. [Y] a été engagé en qualité de senior advisor par la société Aurel BGC le 2 janvier 2013.

2.Il a été licencié pour faute grave en raison de l'exécution déloyale de son contrat de travail le 15 octobre 2014.

3. L'employeur a saisi le 4 mars 2015 la juridiction prud'homale d'une demande d'indemnisation du dommage résultant de la faute du salarié.

Examen des moyens

Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à l'employeur une somme à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, alors « que la responsabilité pécuniaire d'un salarié à l'égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde ; qu'en l'espèce, pour condamner M. [Y] à payer à la société Aurel BGC la somme de 110.000 euros à titre de dommages-intérêts, la cour d'appel a retenu que M. [Y] avait exécuté déloyalement son contrat de travail ; qu'en statuant ainsi, quand elle n'avait pas constaté que M. [Y] aurait commis une faute lourde, le salarié n'ayant d'ailleurs été licencié que pour une prétendue faute grave, la cour d'appel a violé le principe susvisé. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient qu'il est nouveau.

7. Cependant, le salarié faisait valoir devant la cour d'appel que l'employeur ne peut engager la responsabilité du salarié qu'en cas de licenciement pour faute lourde.

8. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu le principe selon lequel la responsabilité pécuniaire d'un salarié à l'égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde :

9. Pour condamner le salarié à payer à l'employeur une certaine somme à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que le salarié a travaillé pour deux sociétés concurrentes pendant l'exécution de son contrat de travail le liant à l'employeur. Il ajoute que ces agissements ont nécessairement causé un préjudice caractérisé par l'absence de prestation de travail à son profit, l'absence de chiffre d'affaires généré par le projet REF (Renewable Energy Finance) malgré les sommes conséquentes investies par l'employeur, soit la somme cumulée et justifiée de trois millions de dollars et le développement de projets concurrents sur son domaine.

10. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le licenciement avait été prononcé pour faute grave, la cour d'appel a violé le principe susvisé.

Et sur le cinquième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

11. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de rappel de salaire pour les heures supplémentaires travaillées au-delà de la durée légale du 1er septembre 2012 au 30 avril 2014 et de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'en l'espèce, pour débouter M. [Y] de ses demandes au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient, par motif propre, que le tableau Excel produit par le salarié "très succinct, ne ventile en aucun cas ces heures supplémentaires en fonction des jours opérant un calcul global sur la base forfaitaire qui ne peut établir la réalité de ces horaires d'autant qu'il est établi que pendant la même période, M. [Y] travaillait pour deux autres sociétés" et, par motifs adoptés, que le salarié "se contente de verser aux débats un tableau "excel" dépourvu de toute valeur probante" ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si ce décompte des heures de travail effectuées apparaissant sur ce tableau n'était pas suffisamment précis pour permettre à l'employeur, qui assurait le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

12. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er , du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition des membres compétents de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

13. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

14. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

15. Pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires et de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, l'arrêt relève que le salarié expose que les horaires indiqués dans le tableau Excel, analysé avec les courriels échangés avec les autres membres de l'équipe REF, démontrent l'existence d'heures supplémentaires allant au-delà de la durée légale de travail. Il ajoute que ce tableau très succinct ne ventile en aucun cas ces heures supplémentaires en fonction des jours opérant un calcul global sur la base forfaitaire qui ne peut établir la réalité de ces horaires d'autant qu'il est établi que pendant la même période, le salarié travaillait pour deux autres sociétés.

16. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

17. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt déboutant le salarié de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires accomplies du 1er septembre 2012 au 30 avril 2014 entraîne la cassation du chef de dispositif relatif à la demande de dommages-intérêts au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. [Y] à payer à la société Aurel BGC la somme de 110 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, déboute M. [Y] de ses demandes de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires accomplies du 1er septembre 2012 au 30 avril 2014, d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et de dommages-intérêts au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 21 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Aurel BGC aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Aurel BGC et la condamne à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept mai deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400446
Date de la décision : 07/05/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 21 septembre 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 mai. 2024, pourvoi n°52400446


Composition du Tribunal
Président : Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400446
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