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02/05/2024 | FRANCE | N°52400433

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 mai 2024, 52400433


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


JL10






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 2 mai 2024








Cassation partielle




M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 433 F-D


Pourvoi n° B 22-16.603








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 MAI 2024


M. [M] [U], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 22-16.603 contre l'arrêt rendu le 6 avril 2022 par la cour d'appel de Basti...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

JL10

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 mai 2024

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 433 F-D

Pourvoi n° B 22-16.603

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 MAI 2024

M. [M] [U], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 22-16.603 contre l'arrêt rendu le 6 avril 2022 par la cour d'appel de Bastia (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Ishotel, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La société Ishotel a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur du pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.

La demanderesse du pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [U], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Ishotel, après débats en l'audience publique du 20 mars 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 6 avril 2022) et les productions, M. [U] a été engagé par la société Ishotel (la société) selon divers contrats à durée déterminée à temps partiel, puis à temps complet.

2. Par acte du 13 septembre 2018, le salarié, affirmant avoir été victime de travail dissimulé et de harcèlement moral, a saisi la juridiction prud'homale notamment aux fins de requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée et d'indemnisation.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié et les premier, deuxième et troisième moyens du pourvoi incident de la société

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le troisième moyen du pourvoi incident qui est irrecevable et sur les autres moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen du pourvoi principal

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à ce qu'il soit dit qu'il avait été victime de harcèlement moral, alors « que ne peut être écarté des débats l'enregistrement d'une conversation téléphonique entre le salarié et l'employeur effectué à l'insu de ce dernier indispensable à la preuve du harcèlement moral dont il a été victime ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que le procès-verbal de constat d'huissier établi le 10 août 2018, afférent à des enregistrements entre le salarié et sa hiérarchie des 22 et 23 juin 2018, opérés à l'insu de sa hiérarchie, ne peut qu'être écarté compte tenu du caractère déloyal du procédé employé, rendant illicite les enregistrements opérés, sans qu'il soit justifié que cette production soit indispensable à l'exercice des droits du salarié et que l'atteinte soit proportionnée au but poursuivi qu'en statuant ainsi, cependant que le droit à la preuve du salarié rendait indispensable la production de cette pièce, ce qu'a d'ailleurs admis la cour d'appel en retenant ensuite qu'il ressort de l'examen des éléments visés par M. [U] (autres que le procès-verbal de constat d'huissier établi le 10 août 2018 par maître [K]), pris dans leur ensemble que n'est pas établie la matérialité de faits afférente à des agissements de propos insultants et grossiers sur un ton colérique ou de cris du directeur d'établissement à l'encontre de M. [U] sur la période revendiquée du 14 mai au 9 juin 2018 (dont une partie est au surplus antérieure au début de la relation contractuelle de travail entre les parties, ayant débuté le 28 mai 2018), ni a fortiori de dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel", la cour d'appel a violé l'article 9 du code de procédure civile, ensemble le principe de l'égalité des armes et le droit à un procès équitable garantis par l'article 6, § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales » .

Réponse de la Cour

Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 9 du code de procédure civile :

5. Dans un procès civil, l'illicéité ou la déloyauté dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l'écarter des débats. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

6. Pour rejeter la demande d'indemnisation du salarié au titre d'un harcèlement moral, l'arrêt retient que le procès-verbal de constat d'huissier de justice, établi le 10 août 2018, relatif à des enregistrements de conversations téléphoniques des 22 et 23 juin 2018 entre le salarié et sa hiérarchie, opérés à l'insu de cette dernière, ne peut qu'être écarté par la cour d'appel, qui apprécie souverainement la valeur et la portée des éléments qui lui sont soumis, compte tenu du caractère déloyal du procédé employé, rendant illicites les enregistrements opérés, sans qu'il soit justifié que cette production soit indispensable à l'exercice des droits du salarié et que l'atteinte soit proportionnée au but poursuivi.

7. L'arrêt énonce qu'en outre, les attestations produites par le salarié portent sur des périodes distinctes de celle visée par sa demande au titre d'un harcèlement moral et que les courriels avec la direction, du 11 mars au 11 avril 2019, sont nettement postérieurs à la cessation de la relation de travail entre le salarié et la société. Il en déduit l'absence d'élément déterminant s'agissant des agissements de harcèlement moral dont le salarié allègue sur la période du 14 mai au 9 juin 2018.

8. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de vérifier si la preuve litigieuse n'était pas indispensable à l'exercice du droit à la preuve du salarié et si l'atteinte au respect de la vie personnelle de l'employeur n'était pas strictement proportionnée au but poursuivi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

9. La cassation du chef du dispositif rejetant la demande au titre du harcèlement moral n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de M. [U] aux fins de condamnation de la société Ishotel au paiement de la somme de 10 000 euros au titre du harcèlement moral, l'arrêt rendu le 6 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne la société Ishotel aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Ishotel et la condamne à payer à M. [U] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux mai deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400433
Date de la décision : 02/05/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, 06 avril 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 mai. 2024, pourvoi n°52400433


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Rousseau et Tapie, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400433
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