LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 avril 2024
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 214 F-D
Pourvoi n° R 22-16.846
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 AVRIL 2024
M. [P] [W], domicilié [Adresse 4] (Suède), a formé le pourvoi n° R 22-16.846 contre l'arrêt rendu le 27 janvier 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-5), dans le litige l'opposant à Mme [M] [Z], domiciliée [Adresse 2] (Etats-Unis), défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Choquet, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de M. [W], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de Mme [Z], après débats en l'audience publique du 5 mars 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Choquet, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 janvier 2022), Mme [Z] est propriétaire d'un bien immobilier cadastré KH n° [Cadastre 3], acquis le 11 mars 2008, aux termes d'un acte stipulant qu'y est attaché le droit pour son propriétaire d'user d'un garage sous terrasse ouvrant sur une voie privée, élevé sur la parcelle voisine cadastrée KH n° [Cadastre 1].
2. M. [W], actuel propriétaire de la parcelle cadastrée KH n° [Cadastre 1], lui ayant contesté l'usage de ce garage, Mme [Z] l'a assigné en reconnaissance de « son droit de propriété et de jouissance sur le garage. »
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. M. [W] fait grief à l'arrêt de dire que Mme [Z] bénéficie d'un droit réel de superficie sur le garage situé sur la parcelle cadastrée KH n° [Cadastre 1], alors :
« 1°/ que la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous ; que la présomption de propriété du dessus au profit du propriétaire du sol n'est susceptible d'être combattue que par la preuve contraire résultant d'un titre ou de la prescription ; qu'il résulte des motifs de l'arrêt attaqué que les titres des auteurs de M. [W] du 31 mars 1926, transcrit le 12 avril 1926, et des 26 et 31 janvier 1938 ne mentionnaient que l'obligation, au profit du propriétaire de la parcelle cadastrée KH n° [Cadastre 3], de laisser un droit de passage et de laisser établir un garage sur la parcelle cadastrée KH n° [Cadastre 1] ; qu'il résulte en outre des motifs de l'arrêt attaqué que le titre de Mme [Z] du 11 mars 2008, ainsi que le titre de son auteur du 29 novembre 2002, ne mentionnaient que le droit d'édifier un garage, et d'en user, sur la parcelle cadastrée KH n° [Cadastre 1] ; que de tels titres, en ce qu'ils faisaient état uniquement d'un droit d'édification et d'usage, étaient impropres à établir l'acquisition, par le propriétaire de la parcelle cadastrée KH n° [Cadastre 3], de la propriété du garage bâti sur la parcelle cadastrée KH n° [Cadastre 1], et n'étaient donc pas de nature à renverser la présomption de propriété du dessus bénéficiant au propriétaire du sol de la parcelle cadastrée KH n° [Cadastre 1] ; qu'en se fondant néanmoins sur ces titres pour retenir que Mme [Z], en tant que propriétaire de la parcelle cadastrée KH n° [Cadastre 3], était titulaire d'un droit de superficie lui conférant la propriété du garage bâti sur la parcelle cadastrée KH n° [Cadastre 1] appartenant à M. [W], la cour d'appel a violé l'article 552 du code civil ;
2°/ que, pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire ; que M. [W], par ses conclusions d'appel, faisait notamment valoir que Mme [Z] ne pouvait pas se prévaloir de la prescription acquisitive, pour se prétendre titulaire d'un droit de superficie sur l'emprise du garage litigieux, car les actes de possession trentenaire qu'elle invoquait n'avaient été accomplis, par les propriétaires successifs de la parcelle cadastrée KH n° [Cadastre 3], qu'à titre de bénéficiaires d'un droit d'usage, et non à titre de superficiaires ; qu'à supposer qu'elle ait confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait retenu l'acquisition par prescription du droit de superficie revendiqué par Mme [Z], la cour d'appel s'est bornée à relever l'existence d'une possession paisible et continue depuis plus de trente ans ; qu'en statuant par ces seuls motifs, sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions de M. [W], si la possession invoquée était équivoque, pour avoir été exercée à un autre titre que celui de superficiaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 552 et de l'article 2261, anciennement 2229, du code civil ;
3°/ que M. [W] faisait notamment valoir que l'existence d'un droit de superficie conférant à Mme [Z] la propriété du dessus de la surface d'emprise du garage bâti sur la parcelle cadastrée KH n° [Cadastre 1] était incompatible avec la configuration des lieux, dès lors que ce garage était surmonté d'une terrasse dont il était propriétaire et que cette terrasse n'était aucunement revendiquée par Mme [Z] ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, tout en définissant elle-même le droit de superficie comme un droit conférant à son titulaire, le superficiaire, la propriété des bâtiments implantés sur le sol, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
4. La cour d'appel a, d'abord, énoncé, à bon droit, que le droit de superficie est un droit réel qui s'applique à la division d'un bien immobilier entre le propriétaire du fonds et le propriétaire de l'espace représenté par la surface du sol et que celui qui accorde le droit de superficie, le tréfoncier, demeure propriétaire du terrain, tandis que le superficiaire est propriétaire des bâtiments implantés sur le sol.
5. Elle a, ensuite, relevé qu'un droit d'édifier un garage sur la parcelle aujourd'hui cadastrée KH n° [Cadastre 1] et d'en user avait été consenti, sans limitation dans le temps, au propriétaire de la parcelle aujourd'hui cadastrée KH n° [Cadastre 3], aux termes de l'acte de division et de vente du 31 mars 1926, et que ce droit avait été rappelé par les actes successifs de vente de cette dernière parcelle.
6. Elle a, enfin, retenu que cette volonté de constituer un droit de construire sur le terrain d'autrui et d'user de la construction avait été confirmée par la construction et l'occupation du garage par les auteurs de Mme [Z].
7. La cour d'appel, qui n'était tenue ni de procéder à la recherche invoquée par la deuxième branche, que ses constatations et appréciations rendaient inopérante, ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, en a souverainement déduit, sans méconnaître les dispositions de l'article 552 du code civil, que les auteurs de M. [W] avaient cédé à ceux de Mme [Z] un droit de superficie.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [W] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [W] et le condamne à payer à Mme [Z] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq avril deux mille vingt-quatre.