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24/04/2024 | FRANCE | N°52400401

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 24 avril 2024, 52400401


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CH9






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 24 avril 2024








Cassation partielle




M. SOMMER, président






Arrêt n° 401 FS-B


Pourvoi n° T 22-19.401








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 AVRIL 2024


Mme [C] [V], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 22-19.401 contre l'arrêt rendu le 6 mai 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-7), dans ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 avril 2024

Cassation partielle

M. SOMMER, président

Arrêt n° 401 FS-B

Pourvoi n° T 22-19.401

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 AVRIL 2024

Mme [C] [V], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 22-19.401 contre l'arrêt rendu le 6 mai 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-7), dans le litige l'opposant à la société Pierre Fabre dermo cosmétique, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Leperchey, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [V], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Pierre Fabre dermo cosmétique, et l'avis de M. Juan, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 mars 2024 où étaient présents M. Sommer, président, M. Leperchey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, Mmes Lacquemant, Nirdé-Dorail, Palle, conseillers, Mmes Valéry, Pecqueur, Laplume, M. Chiron, conseillers référendaires, M. Juan, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 mai 2022), Mme [V] a été engagée en qualité de « merchandiser » le 22 août 2011 par la société Pierre Fabre dermo cosmétique.

2. En arrêt de travail à compter du 20 février 2013, la salariée a été déclarée inapte à son poste à l'issue de deux visites de reprise des 18 septembre et 5 octobre 2015.

3. Elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 23 décembre 2015 et a saisi la juridiction prud'homale de demandes liées à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail le 18 mai 2016.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la demande de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites ses demandes au titre des manquements de son employeur à son obligation de sécurité, alors « qu'il résulte de l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa version issue de la loi du 14 juin 2013 applicable aux faits que toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ; que le point de départ du délai de prescription de l'action par laquelle un salarié déclaré inapte à son poste sollicite la réparation des manquements à l'obligation de sécurité est la date à laquelle le salarié a eu connaissance des incidences sur sa santé des agissements de l'employeur ; que ce point de départ ne peut pas être antérieur à la date de la déclaration d'inaptitude ; qu'en retenant que la salariée avait nécessairement connaissance des manquements à l'obligation de sécurité à la date de son arrêt de travail, le 20 février 2013, pour en déduire que les faits dont elle se prévaut au soutien de ses demandes sont prescrits depuis le 20 février 2015, la cour d'appel a violé l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa version issue de la loi du 14 juin 2013 applicable aux faits. »

Réponse de la Cour

5. Ayant constaté que la salariée avait été placée en arrêt de travail à compter du 20 février 2013, la cour d'appel a estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que celle-ci avait eu connaissance à cette date des manquements à l'obligation de sécurité de l'employeur qu'elle invoquait.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Enoncé du moyen

7. La salariée fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites ses demandes au titre des manquements de son employeur à son obligation de sécurité et de la débouter de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que le délai de prescription de l'action en contestation d'un licenciement court à compter de la notification de celui-ci ; qu'en l'espèce la salariée soutenait que son licenciement pour inaptitude résultait directement du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ; qu'en retenant qu'elle avait nécessairement connaissance des manquements à l'obligation de sécurité à la date de son arrêt de travail, le 20 février 2013, pour en déduire que les faits dont elle se prévaut au soutien de sa demande sont prescrits depuis le 20 février 2015, alors que la salariée a été licenciée par lettre du 23 décembre 2015 et a saisi le conseil de prud'hommes le 18 mai 2016, ce dont il résultait que l'action en contestation de son licenciement n'était pas prescrite, la cour d'appel a violé l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa version issue de la loi du 14 juin 2013 applicable aux faits. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

8. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que celui-ci est incompatible avec la position soutenue par la salariée devant le juge du fond et, subsidiairement, qu'il est nouveau.

9. Cependant, la salariée faisait valoir dans ses écritures qu'elle avait agi dans le délai de deux ans requis pour contester son licenciement.

10. Le moyen n'est donc pas contraire aux conclusions d'appel de la salariée.

11. Le moyen qui, pour le surplus, est de pur droit, est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 14 juin 2013, applicable au litige :

12. Aux termes de ce texte, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

13. Le point de départ du délai de prescription de l'action en contestation du licenciement pour inaptitude d'un salarié est la date de notification de ce licenciement.

14. La Cour de cassation juge par ailleurs qu'est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée (Soc., 3 mai 2018, pourvoi n° 16-26.850, Bull. 2018, V, n° 72).

15. Il s'ensuit que lorsqu'un salarié conteste, dans le délai imparti, son licenciement pour inaptitude, il est recevable à invoquer le moyen selon lequel l'inaptitude est la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

16. Pour déclarer irrecevables comme prescrites les demandes de la salariée au titre des manquements de l'employeur à son obligation de sécurité et dire que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que les faits dont la salariée se prévaut au soutien de sa demande sont prescrits depuis le 20 février 2015.

17. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

18. La cassation ne peut s'étendre au chef de dispositif déclarant irrecevable la demande de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, que la critique formulée par le second moyen n'est pas susceptible d'atteindre.

19. La cassation des chefs de dispositif disant le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et déboutant la salariée de sa demande en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il confirme le jugement disant le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et déboutant Mme [V] de sa demande de paiement de la somme de 50 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 6 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société Pierre Fabre dermo cosmétique aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Pierre Fabre dermo cosmétique et la condamne à payer à Mme [V] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre avril deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400401
Date de la décision : 24/04/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Cause - Accident du travail ou maladie professionnelle - Inaptitude physique du salarié - Action en contestation du licenciement - Prescription - Délai - Point de départ - Détermination - Date de notification du licenciement - Portée

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Cause - Accident du travail ou maladie professionnelle - Inaptitude physique du salarié - Action en contestation du licenciement - Griefs invoqués - Manquement de l'employeur à son obligation de sécurité - Recevabilité - Conditions - Détermination - Portée

Le point de départ du délai de prescription de l'action en contestation du licenciement pour inaptitude d'un salarié est la date de notification de ce licenciement. Dès lors, lorsqu'un salarié conteste, dans le délai imparti, son licenciement pour inaptitude, il est recevable à invoquer le moyen selon lequel l'inaptitude est la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité


Références :

Article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix en Provence, 06 mai 2022

Sur le point de départ du délai de prescription de l'action en contestation d'un licenciement, à rapprocher : Soc., 9 octobre 2012, pourvoi n° 11-17829, Bull. 2012, V, n° 253 (cassation partielle sans renvoi).


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 24 avr. 2024, pourvoi n°52400401


Composition du Tribunal
Président : M. Sommer
Avocat(s) : SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400401
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