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03/04/2024 | FRANCE | N°C2400399

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 03 avril 2024, C2400399


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° X 23-85.649 F-D


N° 00399




RB5
3 AVRIL 2024




CASSATION PARTIELLE




M. BONNAL président,














R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 3 AVRIL 2024






M. [N] [H]

a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 19 juin 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de meurtre en bande organisée et association d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° X 23-85.649 F-D

N° 00399

RB5
3 AVRIL 2024

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 3 AVRIL 2024

M. [N] [H] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 19 juin 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de meurtre en bande organisée et association de malfaiteurs, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.

Par ordonnance du 20 novembre 2023, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Violeau, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [N] [H], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 mars 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Violeau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. A la suite de la découverte de deux corps sans vie dans une chambre d'hôtel situé sur la commune de [Localité 1], une information a été ouverte des chefs susvisés.

3. Des conversations relatives à ces faits, interceptées entre des utilisateurs de la solution de chiffrement Sky ECC dans le cadre d'une procédure distincte, ont été communiquées au magistrat instructeur et versées au dossier d'information.

4. Par ailleurs, les premières investigations ont amené les enquêteurs à procéder à des consultations de fichiers de police.

5. M. [N] [H] a été mis en examen le 13 décembre 2021.

6. Son avocat a déposé une requête en nullité de pièces de la procédure le 13 juin 2022.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité de M. [H], alors « qu'il appartient à la Chambre de l'instruction, saisie spécifiquement de la régularité d'une mesure de captation mise en oeuvre via le recours aux moyens de l'Etat soumis au secret de la défense nationale, de s'assurer de l'existence de l'attestation visée par le responsable de l'organisme technique certifiant la sincérité des résultats, le cas échéant en sollicitant, en application de l'article 201 du Code de procédure pénale, le versement de cette pièce à la procédure ; qu'au cas d'espèce, Monsieur [H] sollicitait l'annulation des éléments faisant référence à la mise en oeuvre, dans le cadre d'une procédure distincte, d'une mesure d'interception et de captation des données transitant via le réseau dit « SKY ECC », faisant spécifiquement valoir que ne figuraient pas en procédure divers éléments essentiels au contrôle de la régularité de cette mesure, et en particulier l'autorisation de procéder à cette mesure en ayant recours aux moyens de l'Etat soumis au secret de la défense nationale, l'identification du service ayant recouru à ces moyens et l'attestation de sincérité de l'article 230-3 du Code de procédure pénale ; qu'en retenant, pour écarter ce moyen, « que le requérant n'a pas saisi le juge d'instruction d'une demande d'acte aux fins de versement à la procédure des pièces du dossier initial dont il invoque l'absence au dossier de la présente procédure », la Chambre de l'instruction, qui n'a pas répondu aux conclusions de la défense et a méconnu la portée de son office, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, préliminaire, 173, 706-102-1, 230-3, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

8. Le moyen n'est pas fondé pour les motifs qui suivent.

9. En premier lieu, le demandeur n'est pas fondé à critiquer, par une requête en annulation, l'absence au dossier des actes relatifs à la pose et au retrait du dispositif de captation de données informatiques mis en oeuvre dans le cadre d'une information judiciaire distincte, dès lors qu'il ne justifie ni même n'allègue s'être vu opposer, par le juge d'instruction, un refus définitif de versement de ces pièces.

10. En second lieu, il résulte des pièces de la procédure soumises au contrôle de la Cour de cassation que les opérations d'interception téléphonique et de captation de données informatiques, diligentées dans le cadre des informations judiciaires suivies aux tribunaux judiciaires de Lille et de Paris, ont permis le déchiffrement des données cryptées par l'utilisation de la solution Sky ECC, saisies ou obtenues au cours de l'instruction, sans qu'il n'ait été fait application des dispositions des articles 230-1 et suivants du code précité, qui encadrent la mise au clair des données interceptées mais chiffrées.

11. Il s'en déduit que le service ayant procédé à la captation des données informatiques n'était pas tenu de remettre une attestation certifiant la sincérité des résultats transmis, telle que prévue à l'article 230-3 du même code.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité de M. [H], alors :

« 1°/ que seuls peuvent accéder aux données contenues dans le fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ) et le fichier des personnes recherchées (FPR) les enquêteurs spécialement habilités et individuellement désignés à cette fin ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure et des propres constatations de la Chambre de l'instruction que Monsieur [R] [Z], enquêteur, a accédé à divers fichiers pour collecter des informations concernant Monsieur [H], ce dont il a fait état dans un procès-verbal de renseignement du 1er septembre 2019 ; que la défense sollicitait l'annulation de ces actes, faisant valoir qu'en l'absence d'habilitation le concernant en procédure, il était impossible de s'assurer que Monsieur [Z] disposait bien d'une habilitation pour consulter les fichiers en cause ; qu'en affirmant, pour rejeter cette demande, qu' « il résulte du courriel adressé le 5 mai 2023 au magistrat instructeur par M. [V] [L], commissaire divisionnaire, chef de la Brigade Criminelle, DTPJ [Localité 2], DZPJ Sud (D4687) que le formulaire d'habilitation de M.[Z] n'est pas disponible en archive » mais que « cependant ce dernier mentionne expressément que M. [Z] se trouvait dûment habilité », la Chambre de l'instruction, qui aurait dû constater qu'en l'absence d'habilitation régulière, le procès-verbal litigieux devait être annulée, n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations au regard des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, préliminaire, 230-6, 230-10, R. 40-23, R. 40-28, 230-19, R. 40-38, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

2°/ d'autre part qu'en se fondant sur les seules déclarations informelles du Commissaire divisionnaires [L] pour établir la réalité de l'habilitation de Monsieur [Z] à l'époque de la rédaction du procès-verbal litigieux, la Chambre de l'instruction, qui a statué par des motifs hypothétiques et impropres à établir la réalité de cette habilitation, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, préliminaire, 230-6, 230-10, R. 40-23, R. 40-28, 230-19, R. 40-38, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 593 du code de procédure pénale :

14. Tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

15. Pour rejeter le moyen de nullité du procès-verbal de consultation de fichiers de traitement de données à caractère personnel, pris du défaut de mention de l'habilitation de l'agent de la police nationale qui a procédé à cette opération, l'arrêt attaqué énonce en substance que le commissaire divisionnaire, chef de la brigade criminelle de la direction territoriale de la police judiciaire de Marseille, a indiqué, par courrier électronique du 5 mai 2023 adressé au magistrat instructeur, que l'agent était habilité mais que son formulaire d'habilitation n'était pas disponible en archive.

16. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision.

17. En effet, elle ne pouvait procéder à une telle déduction alors que la réponse du commissaire de police, adressée au juge d'instruction dans un document non valablement signé s'agissant d'un simple courrier électronique, ne permet pas d'identifier les fichiers consultés.

18. Il lui appartenait alors, au besoin par un supplément d'information, de rechercher à quels fichiers l'agent avait accédé et si ce dernier disposait de l'habilitation requise lui permettant d'accéder aux informations dont il a fait état dans son procès-verbal.

20. La cassation est dès lors encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

21. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives au rejet du moyen de nullité du procès-verbal de consultation de fichiers de traitement de données à caractère personnel coté D 102.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 19 juin 2023, mais en ses seules dispositions relatives au rejet du moyen de nullité du procès-verbal de consultation de fichiers de traitement de données à caractère personnel coté D 102, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2400399
Date de la décision : 03/04/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 19 juin 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 03 avr. 2024, pourvoi n°C2400399


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 09/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:C2400399
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