LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 mars 2024
Radiation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 174 F-D
Pourvoi n° D 23-12.354
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 MARS 2024
1°/ Mme [V] [Y], veuve [U], domiciliée [Adresse 2],
2°/ Mme [N] [U], domiciliée [Adresse 3],
3°/ Mme [E] [U], domiciliée Ccas [Adresse 1],
4°/ Mme [W] [U],
5°/ Mme [O] [U],
toutes deux domiciliées chez M. [H] [K] PHI avocats, [Adresse 8],
6°/ Mme [X] [U], domiciliée Ccas, [Adresse 4],
7°/ M. [M] [P],
8°/ M. [S] [P],
9°/ M. [F] [P],
10°/ M. [Z] [P],
11°/ M. [A] [P],
tous cinq domiciliés [Adresse 5],
ont formé le pourvoi n° D 23-12.354 contre l'ordonnance rendue le 10 novembre 2021 par le juge de l'expropriation du département du Val-d'Oise siégeant au tribunal judiciaire de Pontoise, dans le litige les opposant :
1°/ à l'établissement public foncier d'Ile-de-France (EPFIF), dont le siège est [Adresse 6],
2°/ au préfet du Val-d'Oise, domicilié [Adresse 7],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brun, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de Mme [Y], de Mmes [N], [E], [W], [O] et [X] [U], de MM. [M], [S], [F], [Z] et [A] [P], de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de l'établissement public foncier d'Ile-de-France, après débats en l'audience publique du 6 février 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Brun, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée (juge de l'expropriation du département du Val-d'Oise, 10 novembre 2021) et les pièces de la procédure, par arrêté du 3 février 2012, prorogé le 20 janvier 2017, le préfet du département du Val-d'Oise a déclaré d'utilité publique l'acquisition des terrains nus ou bâtis dans le périmètre nécessaire à la constitution d'une réserve foncière dans [Adresse 9] puis, par arrêté du 10 août 2021, a déclaré cessibles immédiatement, au profit de l'établissement public foncier d'Ile-de-France (l'EPFIF), divers immeubles dont l'acquisition est nécessaire pour parvenir à l'exécution de l'acte déclaratif d'utilité publique, dont la parcelle appartenant à Mme [Y], veuve [U], Mmes [N], [E], [T], [W], [O] et [X] [U] (les consorts [U]), donnée à bail emphythéotique à MM. [M], [S], [F], [Z] et [A] [P] (les consorts [P]).
2. Après avoir saisi le juge de l'expropriation aux fins de transfert de propriété des immeubles, le préfet, par arrêté du 25 octobre 2021, a modifié le précédent arrêté de cessibilité, l'état parcellaire étant affecté d'une erreur de rédaction, et a adressé cet arrêté modificatif au juge.
3. Le juge de l'expropriation a visé, dans son ordonnance, les deux arrêtés de cessibilité.
Recevabilité du pourvoi en tant que formé par les consorts [P], examinée d'office
4. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 220-1 et L. 221-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
5. Il résulte de ces textes que seuls les propriétaires, ou les titulaires d'un droit réel lorsque l'expropriation porte uniquement sur ce droit, ont qualité pour former un pourvoi en cassation contre une ordonnance d'expropriation (3e Civ, 30 janvier 2008, pourvoi n° 06-19.731, Bull. 2008, III, n° 19).
6. Les consorts [P], titulaires d'un bail emphythéotique, ne sont pas propriétaires de la parcelle, objet du bail, et n'ont donc pas qualité pour former un pourvoi en cassation contre l'ordonnance portant transfert de propriété de cette parcelle, ordonnance qui éteint, par elle même le droit réel de l'emphytéose.
7. En conséquence, le pourvoi n'est pas recevable.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
9. Les consorts [U] font grief à l'ordonnance de déclarer immédiatement expropriée pour cause d'utilité publique au profit de l'EPFIF la parcelle leur appartenant, alors « que l'ordonnance portant transfert de propriété est rendue par le juge au vu des pièces constatant que les formalités prescrites par le livre Ier ont été accomplies ; que, suivant l'article R 221-1, 6°, du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, le préfet transmet au greffe de la juridiction du ressort dans lequel sont situés les biens à exproprier un dossier qui comprend les copies de l'arrêté de cessibilité ou de l'acte en tenant lieu, pris depuis moins de six mois avant l'envoi du dossier au greffe ; qu'il ressort du dossier de procédure que, par un arrêté n° 2021-16586 du 25 octobre 2021, le préfet du Val-d'Oise a modifié son précédent arrêté de cessibilité n° 2021-16345 du 10 août 2021, l'état parcellaire étant affecté d'une « erreur de rédaction », ce dont il résultait qu'à supposer que le préfet ait transmis le dossier au greffe de la juridiction le 11 octobre 2021, date de sa requête visée par l'ordonnance attaquée, le délai de moins de six mois entre la date de l'arrêté de cessibilité et celle de l'envoi du dossier au greffe de la juridiction, n'était pas respecté ; que l'ordonnance est ainsi entachée d'un vice de forme, qui doit en faire prononcer la nullité par application des articles L. 221-1 et R. 221-1, 6°, du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. »
Réponse de la Cour
10. L'ordonnance vise l'arrêté de cessibilité n° 2021-16345 du 10 août 2021, pris moins de six mois avant la date de transmission du dossier par le préfet au juge de l'expropriation le 11 octobre 2021 et l'arrêté modificatif n° 2021-16586 du 25 octobre 2021.
11. Il résulte du dossier de procédure que cet arrêté modificatif a été pris en raison d'une erreur de rédaction dans l'état parcellaire annexé à l'arrêté du 10 août 2021.
12. Il ne peut être reproché au juge d'avoir pris en compte, pour désigner les biens objets du transfert de propriété, l'arrêté de cessibilité modificatif postérieur à la date de sa saisine, dès lors qu'aucun des arrêtés n'était caduc, et qu'en application de l'article R. 221-4, alinéa 2, du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, le juge tient compte des modifications survenues éventuellement depuis l'arrêté de cessibilité ou l'acte en tenant lieu en ce qui concerne la désignation des immeubles ou l'identité des parties.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
14. Les consorts [U] font le même grief à l'ordonnance, alors « qu'en cas d'annulation par une décision irrévocable du juge administratif de la déclaration d'utilité publique ou de l'arrêté de cessibilité, tout exproprié peut faire constater par le juge de l'expropriation que l'ordonnance portant transfert de propriété est dépourvue de base légale ; que l'annulation à intervenir de l'arrêté de cessibilité du Préfet du Val-d'Oise n° 2021-16345 du 10 août 2021 et de l'arrêté modificatif n° 2021-16568 du 25 octobre 2021, poursuivie devant le tribunal administratif de Cergy par les expropriés exposants, entraînera par voie de conséquence l'annulation de l'ordonnance d'expropriation, par application des articles L. 1, L. 221-1 et L. 223-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, ensemble l'article 625 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
15. Les consorts [U] sollicitent la cassation de l'ordonnance, par voie de conséquence de l'annulation, par la juridiction administrative, de l'arrêté de cessibilité du 10 août 2021 et de l'arrêté modificatif du 25 octobre 2021.
16. L'issue de ce recours commandant l'examen du pourvoi et aucune décision irrévocable en ce qui le concerne n'ayant été portée à la connaissance de la Cour de cassation, il y a lieu de surseoir à statuer et de radier l'affaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi de MM. [M], [S], [F], [Z] et [A] [P] ;
REJETTE les première et deuxième branches du moyen du pourvoi ;
SURSOIT à statuer sur la troisième branche du moyen du pourvoi ;
PRONONCE la radiation du pourvoi n° D 23-12.354 ;
DIT qu'il sera rétabli au rang des affaires à juger, à la requête, adressée au président de la troisième chambre civile, de la partie la plus diligente, notifiée par celle-ci aux autres parties et après production d'une décision irrévocable intervenue sur le recours formé devant la juridiction administrative ou de la décision constatant le désistement de l'instance dont a été saisie cette juridiction, dans le délai de deux mois de la notification de cette décision ;
Réserve les dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille vingt-quatre.
Le conseiller referendaire rapporteur le president
Le greffier de chambre