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20/03/2024 | FRANCE | N°52400324

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 mars 2024, 52400324


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CZ






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 20 mars 2024








Cassation partielle




Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 324 F-D


Pourvoi n° Q 22-12.475








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÃ

‡AIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 MARS 2024


L'association La Fraternité chrétienne des handicapés, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 22-12.475 contre l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CZ

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 mars 2024

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 324 F-D

Pourvoi n° Q 22-12.475

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 MARS 2024

L'association La Fraternité chrétienne des handicapés, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 22-12.475 contre l'arrêt rendu le 25 novembre 2021 par la cour d'appel de Papeete (chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme [J] [M], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de l'association La Fraternité chrétienne des handicapés, après débats en l'audience publique du 13 février 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 25 novembre 2021), Mme [M] a été engagée en qualité de directrice, le 25 novembre 2014, par l'association La Fraternité chrétienne des handicapés (FCH).

2. L'employeur lui a adressé, le 12 octobre 2016, une lettre qualifiée d'avertissement puis, le 20 octobre 2016, une lettre qualifiée de mise en garde.

3. Licenciée pour faute grave le 18 novembre 2016, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la première branche du deuxième moyen qui est irrecevable et sur les autres griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une somme à titre d'indemnité pour préjudice moral causé par la nullité des sanctions disciplinaires, alors :

« 1°/ que l'avertissement n'exige pas de mettre en oeuvre la procédure de sanction disciplinaire ; que tel est encore le cas de la mise en garde ; qu'en condamnant la FCH à payer à la salariée la somme de 100 000 FCP à titre d'indemnité pour préjudice moral causé par la nullité des sanctions disciplinaires, en tant que les lettres des 12 et 20 octobre 2016 adressées, l'une sous la forme d'un avertissement, l'autre d'une mise en garde, par la FCH à la salariée, s'analysaient comme des sanctions, lesquelles, à défaut du respect de la procédure disciplinaire, encourraient la nullité qui causait nécessairement un préjudice à la salariée, quand l'avertissement, pas plus que la mise en garde, n'exigeaient de mettre en oeuvre la procédure de sanction disciplinaire, la cour d'appel a violé les articles Lp. 1321-1 et Lp. 1322-1 du code du travail de la Polynésie française ;

2°/ qu'aucune nullité n'est encourue de droit en cas de non-respect de la procédure disciplinaire, les juges devant apprécier l'incidence de l'irrégularité ; qu'au demeurant, en condamnant de la sorte la FCH à indemniser, en tant que les lettres des 12 et 20 octobre 2016 adressées, l'une sous la forme d'un avertissement, l'autre d'une mise en garde, par la FCH à la salariée, s'analysaient comme des sanctions, lesquelles, à défaut du respect de la procédure disciplinaire, encourraient la nullité qui causait nécessairement un préjudice à la salariée, quand la nullité n'était pas de droit et devait faire l'objet d'une appréciation, la cour d'appel a violé les articles Lp. 1321-1 et Lp. 1322-1 du code du travail de la Polynésie française. »

Réponse de la Cour

6. Aux termes de l'article Lp. 1321-1 du code du travail de Polynésie française, dans sa version en vigueur issue de la loi du pays n° 2011-15 du 4 mai 2011 relative à la codification du droit du travail, applicable depuis le 1er août 2011, constitue une sanction toute mesure autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par lui comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

7. Selon l'article Lp. 1322-1 du même code, lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction à l'encontre d'un salarié, il le convoque à un entretien. Cet entretien a lieu au moins deux jours francs, dimanche et jours fériés exclus, après la notification de cette convocation. Au cours de cet entretien, le salarié est mis en mesure de s'expliquer sur les faits qui lui sont reprochés.

8. La cour d'appel a d'abord constaté, par motifs propres et adoptés, d'une part, que par la lettre du 12 octobre 2016 l'employeur avait notifié à la salariée un avertissement et, d'autre part, que la lettre de mise en garde du 20 octobre suivant pointait qu'elle exécutait de façon insuffisante les tâches administratives qui ressortissaient de ses attributions personnelles pour s'occuper de ce qui ne la concernait pas, qu'elle n'avait pas joué le rôle d'employeur qu'elle prétendait représenter, que sa « gestion du personnel conduisait à des arrêts maladie pour deux autres salariés » et qu'elle se concluait par une perspective de révision de la fiche de poste, ce dont elle a exactement déduit que ces documents comportant des griefs précis sanctionnaient un comportement considéré comme fautif, avec menace de modifier les attributions de la salariée et constituaient des sanctions disciplinaires.

9. Elle a ensuite relevé que ces sanctions avaient été prises sans entretien préalable, ce dont elle pu déduire, la procédure disciplinaire étant applicable à toute sanction, quel que soit son degré de gravité, qu'il y avait lieu de les annuler.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

11. L'employeur fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de restitution et de destruction de documents par la salariée, alors « que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en retenant, pour débouter la FCH de sa demande de restitution et destruction de documents, qu'elle ne listait pas de manière précise les documents dont la salariée détiendrait les originaux, quand la FCH mentionnait précisément, dans ses conclusions d'appel, les documents en question, en se référant en outre au bordereau de communication des pièces de la salariée, la cour d'appel a méconnu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. »

Réponse de la Cour

12. La cour d'appel, qui a rejeté la demande de l'employeur en restitution de documents dont la salariée détiendrait les originaux, n'a pas dénaturé ses conclusions en constatant qu'elles ne comportaient pas de liste précise de ces documents, alors que la salariée contestait une telle détention.

13. Elle n'a pas davantage dénaturé les conclusions en relevant, pour rejeter la demande de l'employeur en destruction des copies de documents correspondant aux pièces produites par la salariée devant les juges du fond, fondée sur le fait que celle-ci n'était pas en mesure de démontrer à la fois qu'ils étaient strictement nécessaires à sa défense et qu'elle en avait eu connaissance à l'occasion de l'exercice normal de ses fonctions, qu'il lui appartenait de solliciter qu'elles fussent écartées des débats comme ne pouvant constituer une preuve licite.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

15. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une somme à titre d'indemnité pour préjudice moral causé par la nullité des sanctions disciplinaires, alors « que le préjudice résultant de la nullité d'une procédure disciplinaire doit être établi par le salarié ; qu'au demeurant encore, en condamnant de la sorte la FCH à indemniser la salariée, en tant que les lettres des 12 et 20 octobre 2016 adressées, l'une sous la forme d'un avertissement, l'autre d'une mise en garde, par la FCH à la [M], s'analysaient comme des sanctions, lesquelles, à défaut du respect de la procédure disciplinaire, encourraient la nullité qui causait nécessairement un préjudice à la salariée, quand le préjudice devait être établi par celle-ci, la cour d'appel a violé les articles Lp. 1321-1 et Lp. 1322-1 du code du travail de la Polynésie française. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et applicable en Polynésie française :

16. Pour condamner l'employeur à payer à la salariée une somme à titre d'indemnité pour préjudice moral consécutif à la nullité des sanctions disciplinaires, l'arrêt retient qu'une procédure disciplinaire nulle crée nécessairement un préjudice moral au salarié.

17. En statuant ainsi, sans caractériser l'existence d'un préjudice consécutif à la nullité des sanctions prononcées, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

18. La cassation du chef de dispositif condamnant l'employeur à payer à la salariée une somme à titre d'indemnité pour préjudice moral causé par la nullité des sanctions disciplinaires n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement à la salariée d'une somme en application de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne l'association La Fraternité chrétienne des handicapés à payer à Mme [M] la somme de 100 000 FCP à titre d'indemnité pour préjudice moral causé par la nullité des sanctions disciplinaires, l'arrêt rendu le 25 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Papeete autrement composée ;

Condamne Mme [M] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association La Fraternité chrétienne des handicapés ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400324
Date de la décision : 20/03/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Papeete, 25 novembre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 mar. 2024, pourvoi n°52400324


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Jean-Philippe Caston

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400324
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