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19/03/2024 | FRANCE | N°C2400329

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 19 mars 2024, C2400329


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° S 23-83.965 F-D


N° 00329




ODVS
19 MARS 2024




CASSATION PARTIELLE




M. BONNAL président,
















R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 19 MARS 2024






La

société [1] et M. [O] [G] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Fort-de-France, en date du 8 juin 2023, qui, notamment pour travail dissimulé, a condamné, la première, à 10 000 euros d'amende, le second, à six...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° S 23-83.965 F-D

N° 00329

ODVS
19 MARS 2024

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 19 MARS 2024

La société [1] et M. [O] [G] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Fort-de-France, en date du 8 juin 2023, qui, notamment pour travail dissimulé, a condamné, la première, à 10 000 euros d'amende, le second, à six mois d'emprisonnement, 5 000 euros d'amende, cinq ans d'interdiction de gérer et ordonné la révocation d'un sursis probatoire.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Maziau, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [O] [G] et la société [1], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 13 février 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par procès-verbal du 27 février 2020, M. [O] [G], gérant de la société [1], a été invité à comparaître devant le tribunal correctionnel des chefs de travail dissimulé, emploi d'un étranger non muni d'une autorisation de travail salarié et exercice d'une profession commerciale ou industrielle malgré une interdiction judiciaire. La société précitée a été également poursuivie des deux premiers chefs.

3. Par jugement du 1er février 2021, le tribunal correctionnel a déclaré M. [G] coupable des infractions de travail dissimulé et exercice d'une profession commerciale ou industrielle malgré une interdiction judiciaire, la société [1] du chef de travail dissimulé, et a prononcé sur les peines.

4. M. [G] et la société précitée ont interjeté appel de l'ensemble des dispositions du jugement, le ministère public appel incident.

Déchéance du pourvoi formé par la société [1]

5. La société [1] n'a pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par son avocat, un mémoire exposant ses moyens de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de la déclarer déchue de son pourvoi par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens

Enoncé des moyens

6. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [G] à la peine de six mois d'emprisonnement ferme, a révoqué la peine d'emprisonnement avec sursis prononcée par la cour d'appel de Fort-de-France le 21 décembre 2017, à hauteur de six mois et l'a condamné à la peine de 5 000 euros d'amende, alors « qu'en se prononçant sans s'expliquer sur la situation matérielle, familiale et sociale du prévenu, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 132-1, 132-19, 132-36 du Code pénal, 485-1 et 593 du Code de procédure pénal. »

7. Le deuxième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [G] à la peine de 5 000 euros d'amende, alors « que le montant de l'amende est déterminé en tenant compte des ressources et des charges de l'auteur de l'infraction ; qu'en condamnant le prévenu à la peine de 5 000 euros d'amende sans s'expliquer sur ses charges, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 132-1, 132-20 du Code pénal, 485-1 et 593 du Code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

8. Les moyens sont réunis.

Vu les articles 132-19 du code pénal, 464-2 et 485-1 du code de procédure pénale :

9. Il résulte des deux premiers de ces textes que le juge qui prononce, en matière correctionnelle, une peine d'emprisonnement sans sursis doit motiver ce choix en faisant apparaître qu'il a tenu compte des faits de l'espèce, de la personnalité de leur auteur, ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale. Il lui appartient d'établir, au regard de ces éléments, que la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et que toute autre sanction est manifestement inadéquate.

10. Il résulte du dernier que le choix de la peine doit être motivé au regard des dispositions des articles 132-1 et 132-20 du code pénal, sauf s'il s'agit d'une peine obligatoire ou de la confiscation du produit ou de l'objet de l'infraction. Il en résulte que l'amende doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle, dont ses ressources et charges.

11. Pour condamner M. [G] à six mois d'emprisonnement et 5 000 euros d'amende, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé, notamment, que le prévenu déclare la profession de salarié de la société [1] et que son casier judiciaire porte trace de deux condamnations prononcées par la cour d'appel de Fort-de-France, énonce que les faits imputés au prévenu sont d'une gravité certaine s'agissant de multiples exécutions de travail dissimulé qui faussent la concurrence entre les entreprises sur le marché et privent les organismes de sécurité sociale de ressources nécessaires à la cohésion sociale.

12. Les juges relèvent que le prévenu a continué à exercer des fonctions de gérant de société nonobstant une interdiction judiciaire d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société.

13. Ils retiennent qu'il a fait l'objet d'avertissements sous la forme de peine d'amende et d'emprisonnement avec sursis, dont il n'a manifestement pas tenu compte, et qu'il ne peut plus bénéficier d'une peine d'emprisonnement assortie du sursis simple par application des articles 132-29 à 132-34 du code pénal.

14. Ils concluent que, dans ce contexte, la peine d'emprisonnement de six mois d'emprisonnement prononcée par les premiers juges, toute autre peine étant manifestement inadéquate, se justifie en répression des faits imputés.

15. Ils ajoutent qu'il y a lieu, d'une part, de révoquer, à hauteur de six mois, la peine d'un an d'emprisonnement, assortie du sursis simple, prononcée le 21 décembre 2017 par la cour d'appel de Fort-de-France et, d'autre part, d'aménager la partie ferme de l'emprisonnement.

16. Pour fixer le montant de l'amende à 5 000 euros, les juges retiennent que le prévenu verse aux débats un bulletin de salaire du mois de mars 2023, duquel il ressort qu'il perçoit un salaire mensuel de 4431 euros.

17. En se déterminant ainsi, sans se prononcer au regard de la situation personnelle et familiale du prévenu, et, s'agissant du montant de l'amende, de ses charges, la cour d'appel, à qui il appartenait d'interroger le prévenu, présent à l'audience, si elle estimait n'être pas en possession d'éléments suffisants, a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.

18. La cassation est dès lors encourue de ces chefs.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

19. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prononcé à l'encontre de M. [G] la peine complémentaire d'interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société pour une durée de cinq ans, alors :

« 1°/ que, d'une part, en condamnant le prévenu, aux termes du dispositif, à la peine complémentaire d'interdiction de gérer une entreprise ou une société, sans que cette peine ne repose sur aucun motif, la cour d'appel a violé l'article 485 du Code de procédure pénale et n'a pas justifié sa décision au regard des articles 132-1 du Code pénal, 485-1 er 593 du Code de procédure pénale ;

2°/ que, d'autre part, en condamnant le prévenu à la peine complémentaire d'interdiction de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société, sans distinction, lorsque les articles 131-27 du Code pénal et L. 8224-3 du Code du travail limitent cette interdiction aux seules entreprises commerciales ou industrielles et aux sociétés commerciales, la cour d'appel, qui a prononcé une peine qui n'est pas prévue par la loi, a méconnu les articles 111-3, 131-27 du Code pénal et L. 8224-3 du Code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 111-3 du code pénal :

20. Selon ce texte, nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi.

21. Après avoir pris acte du désistement d'appel de M. [G] sur sa déclaration de culpabilité, l'arrêt attaqué l'a condamné, notamment, à l'interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger,
administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société pour une durée de cinq ans.

22. En prononçant ainsi une interdiction de gérer toute entreprise ou toute société, alors que les articles 131-27 du code pénal et L. 8224-3 du code du travail, applicables au délit de travail dissimulé, limitent une telle interdiction aux entreprises commerciales ou industrielles et aux sociétés commerciales, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.

23. La cassation est de nouveau encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation :

24. La cassation sera limitée aux dispositions relatives aux peines dès lors que le donner acte du désistement de M.[G] n'encourt pas la censure. Les autres dispositions de l'arrêt seront donc maintenues.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Sur le pourvoi formé par la société [1] :

CONSTATE la déchéance du pourvoi ;

Sur le pourvoi formé par M. [G] :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Fort-de-France, en date du 8 juin 2023, mais en ses seules dispositions relatives aux peines prononcées à l'encontre de M.[G], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Fort-de-France, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Fort-de-France et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2400329
Date de la décision : 19/03/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Fort de France, 08 juin 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 19 mar. 2024, pourvoi n°C2400329


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:C2400329
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