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14/03/2024 | FRANCE | N°22400225

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 14 mars 2024, 22400225


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2


FD






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 14 mars 2024








Cassation partielle




Mme MARTINEL, président






Arrêt n° 225 F-D


Pourvoi n° M 22-20.959








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_____________________

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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 MARS 2024


La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 22-20.959 contre l'arrêt rendu le 14 juin 2022 p...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

FD

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 mars 2024

Cassation partielle

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 225 F-D

Pourvoi n° M 22-20.959

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 MARS 2024

La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 22-20.959 contre l'arrêt rendu le 14 juin 2022 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Le café du parc, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 janvier 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 14 juin 2022), la société Le café du parc, exploitant un fonds de commerce de restaurant, a souscrit le 1er janvier 2014, auprès de la société Axa France IARD (l'assureur), un contrat d'assurance « multirisque professionnelle » incluant une garantie « protection financière », modifié par avenant le 1er janvier 2019.

2. À la suite d'un arrêté, publié au Journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, qui a édicté notamment l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020, la société Le café du parc a effectué une déclaration de sinistre auprès de l'assureur afin d'être indemnisée de ses pertes d'exploitation en application d'une clause du contrat stipulant que : « La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même. 2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ».

3. L'assureur a refusé de garantir le sinistre en faisant valoir que l'extension de garantie ne pouvait pas être mise en oeuvre en raison de la clause excluant : « ... les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».

4. La société Le café du parc a assigné l'assureur devant un tribunal de commerce à fin de garantie.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. L'assureur fait grief à l'arrêt d'une part de confirmer le jugement en ce qu'il dit qu'il ne peut se prévaloir de la clause d'exclusion, dit fondées partiellement les demandes de la société Le café du parc, le condamne à verser à la société Le café du parc, à titre de provision, dans l'attente des montants définitifs, les sommes de 63 500 euros au titre du premier confinement et 64 500 euros au titre du second confinement, somme à parfaire en fonction de la date de réouverture prochaine de l'établissement, d'autre part, d'ordonner une expertise, alors « que les seules clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées et qu'une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation ; que pour énoncer que la société Axa France IARD ne pouvait se prévaloir de la clause d'exclusion, la cour d'appel retient que « la société Le café du parc est fondée à contester le caractère formel et limité de la clause d'exclusion au regard de la nécessité d'interpréter le terme d' " épidémie " », quand la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ».

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 113-1 du code des assurances :

6. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées.

7. Une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation.

8. Pour réputer non écrite la clause d'exclusion de garantie dont l'assureur se prévaut, l'arrêt énonce que même si le mot « épidémie » ne figure pas dans la clause d'exclusion, celle-ci s'y réfère nécessairement, puisqu'elle vise le cas où au moins un autre établissement fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative « pour une cause identique », et que cette dernière formule ne se comprend qu'en se référant à la liste d'événements stipulée dans la clause de garantie comme ouvrant seuls droit à la garantie lorsque l'un d'eux a conduit à la décision de fermeture administrative.

9. Il constate que le contrat ne définit ni la maladie contagieuse, ni l'épidémie et relève que la définition de ce terme par l'assureur ne correspond pas à celle des dictionnaires. Il ajoute que les développements que les parties lui consacrent démontrent que son sens n'est pas univoque.

10. Il en déduit l'absence de caractère formel de la clause d'exclusion.

11. En statuant ainsi, alors que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l'assurée, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

12. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors « que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées et qu'une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire ; que pour statuer comme elle le fait, la cour d'appel retient que « l'exclusion? aboutit à neutraliser pratiquement toute garantie, la plausibilité qu'aucun autre établissement ne fasse l'objet d'une fermeture administrative dans le même département en cas de propagation d'une maladie contagieuse à une portion significative du territoire départemental ou de la population départementale étant infime, sinon théorique, et les cas que cite l'assureur à l'appui de sa réfutation de ce constat - tels légionellose ou salmonellose dans un commerce ou établissement de thermes - ne relevant précisément pas d'une épidémie au sens commun » ; qu'en statuant ainsi, quand la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 113-1 du code des assurances :

13. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie, qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque, doivent être formelles et limitées.

14. Une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire.

15. Pour statuer comme il le fait, l'arrêt retient que, ni explicite ni clairement délimitée, l'exclusion, dans la portée que lui prête l'assureur, aboutit à neutraliser pratiquement toute garantie, dès lors que la plausibilité qu'aucun autre établissement que celui de l'assuré ne fasse l'objet d'une fermeture administrative dans le même département en cas de propagation d'une maladie contagieuse à une portion significative du territoire départemental ou de la population départementale est infime, sinon théorique.

16. En statuant ainsi, alors que la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

17. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt disant que la société Axa France IARD ne peut se prévaloir de la clause d'exclusion et ordonnant une expertise entraîne la cassation du chef de dispositif constatant que le tribunal de commerce de La Rochelle demeure saisi, notamment pour chiffrer le montant de l'indemnité d'assurance dont il a retenu le principe, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la société Axa France IARD ne peut se prévaloir de la clause d'exclusion, dit les demandes de la société Le café du parc partiellement fondées, condamne la société Axa France IARD à verser à la société Le café du parc, à titre de provision dans l'attente des montants définitifs, les sommes de 63 500 euros au titre du premier confinement et 64 500 euros au titre du second, somme à parfaire en fonction de la date de réouverture prochaine de l'établissement, ordonne une expertise et constate que le tribunal de commerce de La Rochelle demeure saisi, notamment pour chiffrer le montant de l'indemnité d'assurance dont il a retenu le principe, l'arrêt rendu le 14 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne la société Le café du parc aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 22400225
Date de la décision : 14/03/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 14 juin 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 14 mar. 2024, pourvoi n°22400225


Composition du Tribunal
Président : Mme Martinel (président)
Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:22400225
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