LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° N 22-81.128 F-D
N° 00294
RB5
13 MARS 2024
CASSATION PARTIELLE
REJET
DÉCHÉANCE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 13 MARS 2024
MM. [G] [C], [M] [J] et [F] [R] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-1, en date du 19 janvier 2022, qui a condamné le premier, pour contrebande de marchandises prohibées et infraction à la législation sur la pharmacie et le médicament, à un an d'emprisonnement, le deuxième, pour contrebande de marchandises prohibées, infraction à la législation sur la pharmacie et le médicament et coopération au plan de fraude, à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis, le troisième, pour contrebande de marchandises prohibées, infraction à la législation sur la pharmacie et le médicament et importation d'un médicament sans autorisation de mise sur le marché, à dix-huit mois d'emprisonnement dont six mois avec sursis, les a solidairement condamnés à une amende douanière et une confiscation.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Wyon, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de MM. [F] [R] et [M] [J], les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la direction générale des douanes et droits indirects, et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 7 février 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Wyon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. À la suite de l'interception par les agents des douanes, dans des centres de tri postaux, de plusieurs colis en provenance de l'Inde contenant des cachets d'un médicament à base de sildenafil, dénommé Kamagra, une enquête a été confiée au service national de la douane judiciaire.
3. Les investigations ont abouti à la mise en cause d'un livreur, M. [M] [J], qui a notamment reconnu avoir détourné une vingtaine de colis du circuit normal de livraison, pour les remettre à MM. [F] [R] et [G] [C], moyennant rémunération.
4. MM. [J], [R] et [C] ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel pour les délits douaniers et l'infraction au code de la santé publique susvisés.
5. Par jugement du 21 septembre 2020, le tribunal correctionnel a annulé l'ensemble de la procédure.
6. Le procureur de la République a fait appel de cette décision.
Déchéance du pourvoi formé par M. [C]
7. M. [C] n'a pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par son avocat, un mémoire exposant ses moyens de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de le déclarer déchu de son pourvoi par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième, troisième et quatrième moyens, proposés pour MM. [R] et [J]
8. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le cinquième moyen, proposé pour M. [J]
Énoncé du moyen
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [J] pour les faits visés par la prévention, alors « qu'ayant constaté que M. [J] avait détourné des colis du circuit de distribution postale contre une rémunération entre 30 et 40 euros par colis et que l'intéressé avait déclaré ne pas connaître le contenu des colis, en retenant à l'encontre de ce dernier le délit de détention et transport illicite de substance vénéneuse prévu par l'article L. 5432-2 du code de la santé publique, qui ne relève pas du régime propre aux infractions douanières et qui, à ce titre, ne donne pas lieu à une présomption d'intention, sans constater que la preuve de la connaissance, par l'intéressé, du contenu des colis qu'il transportait était rapportée, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 5432-2 du code de la santé publique et 121-3 du code pénal. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 593 du code de procédure pénale :
10. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
11. Pour déclarer M. [J] coupable de détention et transport illicite de substance vénéneuse, délit incriminé par l'article L. 5432-2 du code de la santé publique, l'arrêt attaqué énonce que le prévenu a pris en charge et livré, à la demande de MM. [R] et [C], et moyennant une rémunération, plus d'une vingtaine de colis similaires contenant des centaines de cachets de Kamagra, entre décembre 2016 et mai 2017.
12. Les juges ajoutent que M. [J] a également admis avoir, à la demande de M. [R], trouvé un autre livreur acceptant de récupérer des colis pendant sa tournée, et avoir servi d'intermédiaire entre ce livreur et M. [R].
13. Ils relèvent que M. [J] a prétendu qu'il s'était contenté de jouer le rôle de livreur, et qu'il ignorait le contenu de ces colis.
14. La cour d'appel conclut qu'en l'état de ces éléments, et notamment des constatations des douaniers et des déclarations des personnes mises en cause au cours de l'enquête, et à l'issue des débats, la preuve a été rapportée de ce que M. [J] s'est rendu auteur des infractions qui lui sont reprochées.
15. En se déterminant ainsi, sans autrement caractériser la connaissance qu'avait le prévenu du contenu des colis, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
16. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
17. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à la déclaration de culpabilité de M. [J] du chef de détention et transport illicite de substance vénéneuse, et aux peines prononcées à son encontre, à l'exception des dispositions relatives à l'amende douanière. Les autres dispositions seront donc maintenues.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
Sur le pourvoi formé par M. [C] :
CONSTATE la déchéance du pourvoi ;
Sur le pourvoi formé par M. [R] :
Le REJETTE ;
Sur le pourvoi formé par M. [J] :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 19 janvier 2022, mais en ses seules dispositions relatives à la déclaration de culpabilité de M. [J] du chef de détention et transport illicite de substance vénéneuse, et aux peines prononcées à son encontre, à l'exception des dispositions relatives à l'amende douanière, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille vingt-quatre.