La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/03/2024 | FRANCE | N°52400296

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 mars 2024, 52400296


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


ZB1






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 13 mars 2024








Cassation partielle




Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 296 F-D


Pourvoi n° V 21-21.216


Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [L].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassa

tion
en date du 17 juin 2021.




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 mars 2024

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 296 F-D

Pourvoi n° V 21-21.216

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [L].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 17 juin 2021.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 MARS 2024

M. [C] [L], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 21-21.216 contre l'arrêt rendu le 16 septembre 2020 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à l'entreprise Bergeon fils, exploitation agricole à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à la société Angel-[I], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], représentée par M. [S] [I], prise en qualité de liquidateur judiciaire de l'EARL Bergeon ,

3°/ à la société Contant-Cardon-[E], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], représentée par M. [Y] [E], prise en qualité d'administrateur judiciaire de l'EARL Bergeon,

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de Me Bouthors, avocat de M. [L], de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de la société Angel-[I], ès qualités, après débats en l'audience publique du 7 février 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, Mme Deltort, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims,16 septembre 2020) et les productions, M. [L] a été engagé en qualité d'ouvrier spécialisé, à compter du 6 octobre 2014, par l'entreprise agricole à responsabilité limitée Bergeon fils (l'entreprise).

2. Estimant avoir été brutalement congédié à la fin du mois de novembre 2016 et revendiquant la requalification à temps complet de son contrat de travail conclu à temps partiel, le salarié a saisi, le 15 janvier 2018, la juridiction prud'homale de diverses demandes.

3. Par jugement du 28 février 2019, l'entreprise a été placée en redressement judiciaire. Par jugement du 8 novembre 2019, la procédure a été convertie en liquidation judiciaire et la société Contant-Cardos-[E] a été désignée en qualité d'administratrice judiciaire avec pour mission d'assister le débiteur dans tous les actes de gestion pendant la poursuite d'activité jusqu'au 30 novembre 2019, la société Angel-[I], étant désignée en qualité de liquidatrice.

Examen des moyens

Sur le second moyen, qui est préalable

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt attaqué de rejeter sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture afin de pouvoir procéder à l'assignation en intervention forcée du CGEA d'Amiens, alors « qu'il résulte des articles 802 et 803 du code de procédure civile qu'une ordonnance de clôture peut être révoquée d'office ou à la demande des parties par décision du tribunal ; qu'au cas présent, la cour d'appel a énoncé qu'à l'audience de plaidoirie, le salarié, représenté par son avocat, avait réitéré par oral sa demande de révocation mais que n'étant saisie d'aucune conclusion écrite prise pour l'audience du 15 juin et tendant à la révocation de l'ordonnance de clôture, il n'y avait pas lieu de faire droit à cette demande ; que cependant, dans ses conclusions écrites communiquées le 4 juin avant l'audience du 15 juin (conclusions avec accusé RPVA, produites), il est demandé à la cour d'appel d'ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture intervenue le 18 mai 2020 par application de l'article 803 du code de procédure civile ; qu'ainsi, en énonçant qu'elle n'était saisie d'aucune conclusion écrite, la cour d'appel a dénaturé les conclusions susvisées violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile, ensemble l'article 803 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

5. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

6. Pour rejeter la demande de révocation de l'ordonnance de clôture, l'arrêt énonce que la cour n'a été saisie d'aucune conclusion écrite prise pour l'audience tendant à la révocation de l'ordonnance de clôture alors que la procédure devant la cour d'appel est écrite et non orale.

7. En statuant ainsi, alors que dans ses conclusions récapitulatives du 4 juin 2020, le salarié demandait la révocation de l'ordonnance de clôture aux fins de mise en cause du CGEA d'Amiens, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en requalification à temps complet de son contrat de travail, alors « qu'il résulte de l'article L. 3123-14 du code du travail que le contrat de travail à temps partiel est un contrat écrit qui doit comporter certaines mentions, à défaut desquelles le contrat de travail est présumé être à temps complet, l'employeur ne pouvant renverser cette présomption qu'en rapportant la preuve de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, de ce que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et de ce qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur ; qu'au cas présent, la cour d'appel ne pouvait refuser la demande en requalification à temps complet du contrat de travail du salarié en se bornant à énoncer que s'agissant d'une exploitation agricole modeste, plusieurs attestations démontraient que le salarié, fréquemment absent, n'avait régulièrement accompli que quelques heures par semaine sans rechercher, comme elle y était invitée si l'employeur avait établi quelle était la durée exacte, hebdomadaire ou mensuelle, du travail convenue avec le salarié et si ce dernier ne se trouvait pas dans l'obligation de se tenir constamment à la disposition de son employeur ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article susvisé. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3123-14 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

9. Selon ce texte, le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. Il en résulte que l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet et il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

10. Pour rejeter les demandes en paiement du salarié sur la base d'un temps plein, l'arrêt retient que la présomption de travail à temps complet est renversée si l'employeur établit que le salarié avait, d'une part, une durée de travail stable, d'autre part, des horaires réguliers. Il ajoute que l'entreprise qui est une exploitation agricole relativement modeste avec un cheptel de quelques dizaines de vaches, démontre, par de nombreuses attestations que le salarié fréquemment absent, n'avait régulièrement accompli que quelques heures par semaine.

11. En statuant ainsi, sans constater que l'employeur faisait la preuve de la durée exacte, mensuelle ou hebdomadaire convenue, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

12. Le salarié fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'il résulte de l'article 625 du code de procédure civile que la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que la cassation à venir de l'arrêt attaqué en ce qu'il a jugé n'y avoir lieu à requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet entraînera la cassation de l'arrêt en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes au titre des heures supplémentaires, du travail dissimulé, de la durée maximale du temps de travail et du temps de repos et en ce qu'il a limité à 1 500 euros les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à 217 euros l'indemnité légale de licenciement, à 987,74 euros l'indemnité pour le préavis, outre 98,77 euros pour les congés payés afférents et à 2 000 euros l'indemnité du préjudice moral, en application de l'article 625 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

13. La cassation prononcée sur le premier moyen, pris en sa première branche, entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif rejetant la demande au titre des heures supplémentaires, du travail dissimulé, de la durée maximale du temps de travail et du temps de repos et limitant la fixation au passif de la procédure collective des créances au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de l'indemnité légale de licenciement, de l'indemnité pour le préavis, outre congés payés afférents, et de l'indemnité pour préjudice moral, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

Portée et conséquences de la cassation

14. Les cassations prononcées n'entraînent pas la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt ordonnant l'emploi des dépens de première instance et d'appel en frais privilégiés de procédure collective et allouant au salarié une somme de 2 200 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Mise hors de cause

15. Sa mission d'administratrice judiciaire ayant pris fin, il y a lieu, en application de l'article 625 du code de procédure civile, de mettre hors de cause la société Contant-Cardos-[E], dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture, en ce qu'il déboute M. [L] de ses demandes en requalification de son contrat de travail en contrat à temps complet, en paiement de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, d'indemnités pour travail dissimulé, pour non-respect de la durée maximale du temps de travail et du temps de repos, en ce qu'il limite à 1 500 euros les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à 217 euros l'indemnité légale de licenciement, à 987,74 euros l'indemnité de préavis, à 98,77 euros l'indemnité pour congés payés afférents et à 2 000 euros la somme allouée au titre du préjudice moral, l'arrêt rendu le 16 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Met hors de cause la société Contant-Cardon-[E], en sa qualité d'administratrice judiciaire à la procédure collective de l'EARL Bergeon fils ;

Condamne la société Angel-[I], en sa qualité de liquidatrice judiciaire de l'EARL Bergeon fils aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Angel-[I], ès qualités et, la condamne à payer à Me Didier Bouthors, la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400296
Date de la décision : 13/03/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 16 septembre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 mar. 2024, pourvoi n°52400296


Composition du Tribunal
Président : Mme Monge (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Bouthors, SARL Le Prado - Gilbert

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400296
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award