LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° N 23-84.743 F-D
N° 00440
12 MARS 2024
SL2
QPC INCIDENTE : NON LIEU À RENVOI AU CC
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 12 MARS 2024
Mme [Y] [W] a présenté, par mémoire spécial reçu le 15 décembre 2023, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par elle contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bourges, en date du 10 mars 2020, qui, dans la procédure suivie contre elle des chefs de faux et escroquerie aggravée, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Des observations ont été produites.
Sur le rapport de M. Rouvière, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de Mme [Y] [W], la SARL Cabinet Briard et de la SCP Foussard et Froger, et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 mars 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Rouvière, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les dispositions des articles 56 alinéa 3 et 76 du code de procédure pénale, en ce qu'elles autorisent la perquisition et la saisie de toutes pièces, y compris au sein d'un cabinet, du domicile ou d'un bureau dans lequel exerce une infirmière libérale puis leur exploitation en procédure, sans assigner de limites à ces mesures ni les assortir de garanties spéciales de procédure, et en particulier en abandonnant aux enquêteurs l'appréciation du respect du secret professionnel au cours de ces opérations, portent-elles atteinte aux droit au respect de la vie privée, au droit à un procès équitable et aux droits de la défense, garantis par les articles 2 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? ».
2. Les dispositions législatives contestées, qui, combinées, régissent les perquisitions effectuées dans le cadre d'une enquête préliminaire, sont applicables à la procédure et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
3. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
4. La question posée ne présente pas un caractère sérieux.
5. En effet, dans le cadre d'une enquête préliminaire, il résulte des dispositions contestées des articles 56 et 76 du code de procédure pénale qu'une perquisition, si elle n'est pas consentie par la personne concernée, doit être préalablement autorisée par le juge des libertés et de la détention, qui doit motiver sa décision de façon concrète au regard des éléments de fait et de droit et justifier de la nécessité et de la proportionnalité des mesures autorisées.
6. De surcroît, ces opérations doivent être effectuées sous son contrôle, celui-ci pouvant se déplacer sur les lieux en vue de veiller au respect des dispositions légales.
7. Lorsque la saisie porte sur des données protégées par le secret professionnel, l'article 56, alinéa 3, du code de procédure pénale fait obligation à l'officier de police judiciaire de provoquer préalablement toute mesure utile pour que soit assuré le respect de ce secret et la personne concernée, si elle est poursuivie, peut, devant la chambre de l'instruction ou la juridiction de jugement, conformément aux articles 173 et 385 du même code, invoquer la nullité de la perquisition et des saisies, ainsi que celle des opérations subséquentes si elle estime que cette obligation n'a pas été respectée.
8. Enfin, les éléments saisis à la suite d'une perquisition sont placés sous scellés, leur communication ou divulgation à une personne non qualifiée par la loi pour en prendre connaissance pouvant constituer l'infraction prévue à l'article 58 du code de procédure pénale.
9. Ainsi, les dispositions contestées opèrent une conciliation, qui n'est pas manifestement déséquilibrée, entre, d'une part, le droit au respect de la vie privée, dont le secret professionnel des infirmiers est une composante, et les droits de la défense, d'autre part, les objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions.
10. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du douze mars deux mille vingt-quatre.