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07/03/2024 | FRANCE | N°22400192

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 07 mars 2024, 22400192


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2


LM






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 7 mars 2024








Annulation




Mme MARTINEL, président






Arrêt n° 192 FS-B


Pourvoi n° J 21-23.230








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________





ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 MARS 2024


M. [G] [V], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 21-23.230 contre l'arrêt rendu le 2 septembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4 - chambre ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 mars 2024

Annulation

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 192 FS-B

Pourvoi n° J 21-23.230

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 MARS 2024

M. [G] [V], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 21-23.230 contre l'arrêt rendu le 2 septembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4 - chambre 9 - A), dans le litige l'opposant à la société Eurocar, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [V], de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société Eurocar, et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 janvier 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, Mmes Grandemange, Vendryes, Caillard, M. Waguette, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, Latreille, Bonnet, Chevet, conseillers référendaires, M. Adida-Canac, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 septembre 2021), M. [V] a relevé appel, le 28 juin 2018, d'un jugement rendu dans une instance l'opposant à la société Eurocar.

2. Par ordonnance du 4 mai 2021, un conseiller de la mise en état a constaté la péremption de l'instance.

3. M. [V] a formé un pourvoi contre l'arrêt ayant confirmé l'ordonnance déférée.

4. Le président de la conférence des premiers présidents de cours d'appel, le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris et le président du Conseil national des barreaux ont, en application des articles L. 431-3-1 du code de l'organisation judiciaire et 1015-2 du code de procédure civile, déposé chacun une note écrite et les deux derniers ont été entendus à l'audience publique du 19 décembre 2023.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

5. M. [V] fait grief à l'arrêt de constater la péremption de l'instance, alors :

« 1°/ que l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligence pendant deux ans ; que ce délai ne court plus lorsque les parties ne sont plus tenues d'aucune diligence ; qu'en vertu de l'article 910-4 de procédure civile les parties sont tenues de concentrer leurs prétentions dans leurs premières écritures, en conséquence, une fois le délai pour conclure dépassé, l'affaire est en état d'être jugée et les parties n'ont plus de diligences à accomplir ; qu'en opposant la péremption de l'instance quand les parties avaient conclu avant l'expiration des délais pour conclure et qu'elles avaient concentré leurs prétentions dans leurs écritures ce qui impliquait que l'affaire était en état d'être jugée et qu'il appartenait au conseiller de la mise en état de prononcer la clôture et de fixer l'audience, la cour d'appel a violé les articles 2, 386, 912 et 910-4 ensembles du code de procédure civile ;

2°/ qu'en jugeant « qu'il n'incombait pas au conseiller de la mise en état de faire progresser l'instance » quand l'article 912 du code de procédure civile oblige le conseiller de la mise en état à examiner l'affaire dans un délai de quinze jours à compter de l'expiration des délais pour conclure et communiquer les pièces et à fixer la date de la clôture et celle des plaidoiries, la cour d'appel a violé l'article 912 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 2, 386, 908, 909, 910-4 et 912 du code de procédure civile, ces quatre derniers dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 :

6. Aux termes du troisième de ces textes, l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.

7. Aux termes du deuxième, les parties conduisent l'instance sous les charges qui leur incombent. Il leur appartient d'accomplir les actes de la procédure dans les formes et délais requis.

8. Selon le quatrième de ces textes, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe. Selon le cinquième, l'intimé dispose d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

9. Selon le sixième, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

10. Selon le dernier de ces textes, le conseiller de la mise en état examine l'affaire dans les quinze jours suivant l'expiration des délais pour conclure et communiquer les pièces. Il fixe la date de la clôture et celle des plaidoiries. Toutefois, si l'affaire nécessite de nouveaux échanges de conclusions, sans préjudice de l'article 910-4, il en fixe le calendrier, après avoir recueilli l'avis des avocats.

11. Jusqu'à présent, la Cour de cassation jugeait, en matière de procédure d'appel avec représentation obligatoire, d'une part, que la péremption de l'instance d'appel est encourue lorsque, après avoir conclu en application des articles 908 et 909 du code de procédure civile, les parties n'ont pas pris d'initiative pour faire avancer l'instance ou obtenir du conseiller de la mise en état la fixation, en application de l'article 912 du code de procédure civile, des débats de l'affaire (2e Civ., 16 décembre 2016, pourvoi n° 15-27.917, Bull. 2016, II, n° 281), d'autre part, que la demande de la partie appelante adressée au président de la formation de jugement en vue, au motif qu'elle n'entend pas répliquer aux dernières conclusions de l'intimé, de la fixation de l'affaire pour être plaidée, interrompt le délai de péremption de l'instance mais ne le suspend pas (2e Civ., 1er février 2018, pourvoi n° 16-17.618, Bull. 2018, II, n° 20).

12. Il y a toutefois lieu de reconsidérer cette jurisprudence.

13. En effet, postérieurement à l'arrêt précité du 16 décembre 2016, le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 a inséré, dans le code de procédure civile, un nouvel article 910-4 qui impose aux parties, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, de présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond.

14. Lorsqu'elles ont accompli, conformément notamment aux dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile, l'ensemble des charges leur incombant dans les délais impartis, sans plus rien avoir à ajouter au soutien de leurs prétentions respectives, les parties n'ont plus de diligence utile à effectuer en vue de faire avancer l'affaire, la direction de la procédure leur échappant alors au profit du conseiller de la mise en état.

15. À cet égard, il ressort des auditions réalisées sur le fondement de l'article 1015-2 du code de procédure civile auxquelles il a été procédé ainsi que des documents transmis en application de l'article L. 431-3-1 du code de l'organisation judiciaire que la demande de fixation de l'affaire à une audience se révèle, dans de nombreux cas, vaine lorsque la cour d'appel saisie se trouve dans l'impossibilité, en raison de rôles d'audience d'ores et déjà complets, de fixer l'affaire dans un délai inférieur à deux ans.

16. Il en découle que lorsque le conseiller de la mise en état n'a pas été en mesure de fixer, avant l'expiration du délai de péremption de l'instance, la date de la clôture ainsi que celle des plaidoiries, il ne saurait être imposé aux parties de solliciter la fixation de la date des débats à la seule fin d'interrompre le cours de la péremption.

17. Il résulte de la combinaison de ces textes, interprétés à la lumière de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'une fois que les parties ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant, la péremption ne court plus à leur encontre, sauf si le conseiller de la mise en état fixe un calendrier ou leur enjoint d'accomplir une diligence particulière.

18. L'arrêt relève qu'aucune diligence n'a été accomplie par l'une ou l'autre des parties depuis les conclusions de l'intimée du 21 décembre 2018.

19. Si c'est conformément à la jurisprudence rappelée au paragraphe 11 que la cour d'appel en a déduit que la péremption était acquise, le présent arrêt qui opère revirement de jurisprudence, immédiatement applicable en ce qu'il assouplit les conditions de l'accès au juge, conduit à l'annulation de l'arrêt attaqué.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Condamne la société Eurocar aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 22400192
Date de la décision : 07/03/2024
Sens de l'arrêt : Annulation

Analyses

PROCEDURE CIVILE - Instance - Péremption - Conditions - Exclusion - Cas - Diligences accomplies par les parties dans les délais impartis

PROCEDURE CIVILE - Instance - Péremption - Interruption - Acte interruptif - Conditions - Détermination

Selon les articles 2, 386, 908, 909, 910-4 et 912 du code de procédure civile, ces quatre derniers dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, interprétés à la lumière de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en matière de procédure d'appel avec représentation obligatoire, lorsqu'elles ont accompli, conformément notamment aux dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile, l'ensemble des charges leur incombant dans les délais impartis, sans plus rien avoir à ajouter au soutien de leurs prétentions respectives, les parties n'ont plus de diligence utile à effectuer en vue de faire avancer l'affaire, la direction de la procédure leur échappant alors au profit du conseiller de la mise en état. Il en résulte qu'une fois que les parties ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant, la péremption ne court plus à leur encontre, sauf si le conseiller de la mise en état fixe un calendrier ou leur enjoint d'accomplir une diligence particulière


Références :

Articles 2 et 386 du code de procédure civile

articles 908, 909, 910-4 et 912 du code de procédure civile dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017

article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libert
és fondamentales.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 02 septembre 2021

2e Civ., 7 mars 2024, pourvoi n° 21-19761, Bull. (annulation) ;2e Civ., 7 mars 2024, pourvoi n° 21-19475, Bull. (annulation) ;

2e Civ., 7 mars 2024, pourvoi n° 21-20719, Bull. (rejet) ;2e Civ., 16 décembre 2016, pourvoi n° 15-27917, Bull. 2016, II, n° 281 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 07 mar. 2024, pourvoi n°22400192


Composition du Tribunal
Président : Mme Martinel
Avocat(s) : SCP Françoise Fabiani - François Pinatel , SCP Bouzidi et Bouhanna

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:22400192
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