LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
RM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 29 février 2024
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 120 F-D
Pourvoi n° W 22-16.713
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 FÉVRIER 2024
1°/ M. [G] [L],
2°/ Mme [T] [C], épouse [L],
domiciliés tous deux [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° W 22-16.713 contre l'arrêt rendu le 22 mars 2022 par la cour d'appel de Besançon (chambre sociale), dans le litige les opposant au groupement agricole d'exploitation en commun Les Granges du bois, dont le siège est [Adresse 1], défendeur à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Bosse-Platière, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. et Mme [L], de la SCP Boucard-Maman, avocat du GAEC Les Granges du bois, après débats en l'audience publique du 16 janvier 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Bosse-Platière, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 22 mars 2022), le groupement agricole d'exploitation en commun Les Granges du bois (le GAEC) exploite les parcelles cadastrées A n° [Cadastre 5] et A n° [Cadastre 4], et dispose de l'autorisation d'utiliser la source située sur la parcelle A n° [Cadastre 2].
2. En 2005, M. et Mme [L] ont acquis les parcelles A n° [Cadastre 5] et A n° [Cadastre 2].
3. En 2019, ils ont implanté une clôture autour de la parcelle A n° [Cadastre 5], laquelle jouxte les parcelles A n° [Cadastre 4] et A n° [Cadastre 2].
4. Le 21 juillet 2020, le GAEC a saisi un tribunal paritaire des baux ruraux aux fins de condamnation de M. et Mme [L] à démolir cette clôture.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
6. M. et Mme [L] font grief à l'arrêt de les condamner à démonter la clôture pour permettre de rétablir l'accès initial du GAEC à la parcelle à lui louée A n° [Cadastre 5] et à la parcelle A n° [Cadastre 4] ainsi qu'à la source présente sur la parcelle cadastrée section A n° [Cadastre 2], alors :
« 1°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, telles qu'elles ressortent de leurs conclusions ; qu'en page 3 de leurs conclusions d'appel, M. et Mme [L] faisaient valoir qu'il existait une clôture séparant la parcelle A [Cadastre 5], louée au GAEC Les Granges du bois depuis 1997, de la parcelle voisine A [Cadastre 4], appartenant à un tiers et également louée au GAEC Les Granges du bois, en produisant une attestation témoignant de l'existence de cette clôture jusqu'en 2002, de sorte qu'ils s'étaient contentés "de remettre en place une clôture qui avait été arrachée illégalement par le GAEC Les Granges du bois" ; qu'en retenant qu'il n'était pas contesté que le preneur à bail exploitait les deux parcelles comme un îlot d'un seul tenant jusqu'à l'installation de la clôture litigieuse en 2019, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ que pendant la durée du bail, le bailleur est obligé de faire jouir paisiblement le preneur de la chose louée et ne peut changer la forme de la chose louée ; qu'en retenant que M. et Mme [L] avaient manqué à leurs obligations de bailleurs en implantant, en 2019, une clôture entre la parcelle A [Cadastre 5] louée au GAEC Les Granges du bois depuis 1997, et la parcelle A [Cadastre 4] appartenant à un tiers, dès lors que depuis 2005, date à laquelle M. et Mme [L] avaient acquis la parcelle A [Cadastre 5], le GAEC Les Granges du bois exploitait les deux parcelles d'un seul tenant sans entrave, la cour d'appel, qui s'est placée à la date de l'acquisition de la chose louée par les bailleurs pour apprécier l'existence d'une modification de l'assiette du bail, et non à la date de la prise à bail initiale du preneur, a violé les articles 1719, alinéa 3, et 1723 du code civil. »
Réponse de la Cour
7. Après avoir énoncé, à bon droit, que le bailleur doit au preneur la jouissance paisible de la chose louée pendant la durée du bail, la cour d'appel a constaté, que, au moment de l'acquisition en 2005 de la parcelle A n° [Cadastre 5] par M. et Mme [L], le preneur exploitait les parcelles louées comme un ilôt d'un seul tenant, et que son bétail pouvait évoluer sur l'ensemble de la superficie louée jusqu'à la parcelle contenant une source où il pouvait se désaltérer, ce que l'acte notarié d'acquisition rappelait.
8. Elle a, ensuite, relevé, qu'aux termes d'un jugement rendu le 11 juin 2014, les bailleurs, qui avaient, une première fois, clôturé leur parcelle, s'étaient engagés à retirer la partie de la clôture constituant une gêne anormale pour le preneur.
9. Elle a pu en déduire, sans méconnaître l'objet du litige, que M. et Mme [L] avaient manqué à leur obligation de jouissance paisible et devaient démonter la clôture qu'ils avaient édifiée.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme [L] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [L] et les condamne à payer au groupement agricole d'exploitation en commun Les Granges du bois la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf février deux mille vingt-quatre.