La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/02/2024 | FRANCE | N°52400220

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 février 2024, 52400220


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CZ






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 28 février 2024








Cassation




Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 220 F-D


Pourvoi n° A 23-10.787


Aide juridictionnelle totale en
demande au profit de M. [L].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassatio

n en date du
17 novembre 2022.










R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, C...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CZ

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 février 2024

Cassation

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 220 F-D

Pourvoi n° A 23-10.787

Aide juridictionnelle totale en
demande au profit de M. [L].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation en date du
17 novembre 2022.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 FÉVRIER 2024

M. [F] [L], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 23-10.787 contre l'arrêt rendu le 19 mai 2022 par la cour d'appel de Versailles (11e chambre), dans le litige l'opposant à la société Securitas France, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Chiron, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [L], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Securitas France, après débats en l'audience publique du 23 janvier 2024 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Chiron, conseiller référendaire rapporteur, Mme Salomon, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 mai 2022), M. [L] a été engagé en qualité d'agent arrière caisse le 1er avril 2016 par la société Securitas France. Par avenant du même jour, le salarié a été affecté à un poste de sécurité incendie.

2. A la suite de plusieurs lettres de mise en demeure sollicitant du salarié la communication d'un nouveau numéro de carte professionnelle, la précédente arrivant à échéance, l'employeur a suspendu le 6 juin 2018 le contrat de travail avec effet au 1er juillet de la même année faute d'avoir obtenu le nouveau numéro.

3. Contestant cette décision, le salarié a saisi la juridiction prud'homale et a sollicité la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement nul, de ses demandes d'indemnisation au titre de la nullité du licenciement et du harcèlement moral, et de ses demandes d'indemnisation et de rappels de salaire subséquentes, alors « que constitue un élément laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral le fait pour un employeur de procéder à demandes itératives au titre du renouvellement d'une carte professionnelle sans la moindre justification ; que selon les articles 1, 2 et 6 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité, seuls les agents assurant des fonctions de sécurité privée sont soumis à l'obligation de détenir une carte professionnelle délivrée par la préfecture territorialement compétente ; qu'il en résulte que le personnel d'une société affecté exclusivement à des missions de sécurité incendie n'est pas soumis à l'obligation de détenir une carte professionnelle alors même que la société exerce une telle activité à titre complémentaire ou connexe d'une activité de sécurité privée ; qu'en l'espèce, il ressortait de l'avenant contractuel du 1er avril 2016 que la qualification contractuelle du salarié était exclusivement celle d'agent de sécurité incendie ; qu'il en résultait que M. [L], affecté exclusivement à des missions de sécurité incendie, n'était pas soumis à l'obligation de détenir une carte professionnelle alors même que la société employeur exerçait une telle activité à titre complémentaire ou connexe d'une activité de sécurité privée ; qu'en retenant, par motifs propres, pour dire que la matérialité de faits précis et concordants laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral n'était pas démontrée, que lors de la reprise du 1er avril 2016, la société Securitas lui avait donné l'obligation contractuelle (point 2.2 du contrat de travail) de disposer d'une carte professionnelle en cours de validité, l'avenant du même jour l'affectant à la sécurité incendie n'ayant pas supprimé cette obligation puisqu'était mentionné que "toutes les autres clauses du contrat de travail demeurent inchangées", de sorte qu'il appartenait à M. [L] de respecter toutes les clauses de son contrat de travail, la cour d'appel a violé le principe selon lequel le personnel d'une société affecté exclusivement à des missions de sécurité incendie n'est pas soumis à l'obligation de détenir une carte professionnelle, ensemble des articles 1, 2 et 6 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité, dans leur version applicable au litige, de l'article L. 621-20 du code de la sécurité intérieure et des articles L. 1152-1, L. 1152-2 et L. 1154-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, les articles L. 611-1, L. 612-2 et L. 612-20 du code de la sécurité intérieure, dans leur rédaction issue, pour les deux premiers, de la loi n° 2017-258 du 28 février 2017, et pour le troisième du décret n° 2016-515 du 26 avril 2016, et l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

5. Aux termes du premier de ces textes, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

6. Selon le deuxième, lorsque survient un litige, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

7. Il résulte de la combinaison des articles L. 611-1, L. 612-2 et L. 612-20 du code de la sécurité intérieure que seuls les agents assurant des fonctions de sécurité privée sont soumis à l'obligation de détenir une carte professionnelle délivrée par la préfecture territorialement compétente, et qu'ainsi le personnel d'une société affecté exclusivement à des missions de sécurité incendie n'est pas soumis à l'obligation de détenir une carte professionnelle alors même que la société exerce une telle activité à titre complémentaire ou connexe d'une activité de sécurité privée.

8. Pour débouter le salarié de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, de ses demandes au titre du harcèlement moral et du licenciement nul, et de ses demandes d'indemnisation et de rappel de salaire subséquentes, l'arrêt retient que lors de la reprise du travail du salarié le 1er avril 2016, l'employeur lui avait donné l'obligation contractuelle de disposer de la carte professionnelle en cours de validité, que l'avenant du même jour l'affectant en sécurité incendie n'avait pas supprimé cette obligation puisqu'il était mentionné « toutes les autres clauses du contrat initial demeurent inchangées », et en conclut qu'il appartenait au salarié de respecter toutes les clauses de son contrat de travail.

9. L'arrêt retient également que même pour le poste sur lequel le salarié avait été placé, la société cliente exigeait que tous les agents placés chez elle possèdent le certificat de qualification professionnelle d'agent de prévention et de sécurité, de sorte que, même pour un poste d'agent de sécurité incendie, la nécessité de disposer de ce diplôme était une exigence professionnelle.

10. L'arrêt en conclut qu'en l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, laisseraient supposer l'existence d'un harcèlement moral n'est pas démontrée, et qu'il ne ressortait pas de cette chronologie un manquement de la part de l'employeur ni modification du contrat de travail, le salarié pouvant être affecté chez tout client de l'employeur à la suite de la perte du contrat commercial.

11. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le salarié était affecté dans un poste de sécurité incendie, ce dont il résultait qu'il n'était pas soumis à l'obligation de détenir une carte professionnelle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société Securitas France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Securitas France à payer à la SCP Lyon-Caen, Thiriez la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400220
Date de la décision : 28/02/2024
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 19 mai 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 fév. 2024, pourvoi n°52400220


Composition du Tribunal
Président : Mme Capitaine (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 09/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400220
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award