La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/02/2024 | FRANCE | N°52400216

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 février 2024, 52400216


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


ZB1






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 28 février 2024








Cassation partielle




Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 216 F-B


Pourvoi n° N 22-15.624








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUP

LE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 FÉVRIER 2024


M. [Y] [M], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 22-15.624 contre l'arrêt rendu le 30 avril 2020 par la cour...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 février 2024

Cassation partielle

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 216 F-B

Pourvoi n° N 22-15.624

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 FÉVRIER 2024

M. [Y] [M], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 22-15.624 contre l'arrêt rendu le 30 avril 2020 par la cour d'appel d'Orléans (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Cevi, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à l'AGS, dont le siège est [Adresse 2], intervenant par l'UNEDIC-CGEA de [Localité 4], prise en qualité de gestionnaire de l'AGS,

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de Me Brouchot, avocat de M. [M], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Cevi, après débats en l'audience publique du 23 janvier 2024 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Salomon, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 30 avril 2020), M. [M] a été engagé par la société Cevi (la société) le 3 juillet 2000, et exerçait en dernier lieu les fonctions de technicien confirmé mécanique véhicules industriels.

2. Il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes le 26 novembre 2015.

3. La société a été placée en redressement judiciaire le 28 juin 2016 par le tribunal de commerce de Tours, puis est redevenue in bonis.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes de rappel de primes mensuelles, de rappel de salaire et de congés payés afférents, alors « que la cour d'appel, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, ne peut sans appel incident valable réformer la décision des premiers juges dans un sens défavorable à l'appelant ; qu'en déboutant le salarié de ses demandes de rappel de primes mensuelles allouées par les premiers juges alors même que l'intéressé avait seul valablement relevé appel du jugement entrepris, les conclusions de l'employeur ayant été déclarées irrecevables comme tardives par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 19 décembre 2018 et le CGEA de [Localité 4] n'ayant pas formé appel incident en son nom, ayant au surplus été mis hors de cause, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 4, 542, 909 et 914 du code de procédure civile ».

Réponse de la Cour

Vu l'article 562 du code de procédure civile :

6. Il résulte de ce texte que les juges du fond ne peuvent aggraver le sort de l'appelant sur son seul appel, en l'absence d'appel incident.

7. L'arrêt infirme le jugement en ce qu'il a fixé les créances du salarié au passif de la société à titre de rappel de primes mensuelles d'avril 2012 à 2015 et des congés payés afférents, et déboute l'intéressé de ses demandes.

8. En statuant ainsi, alors d'une part qu'elle avait constaté que les conclusions de l'employeur avaient été déclarées irrecevables, d'autre part qu'aucun appel incident n'avait été formé, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

9. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes de résiliation judiciaire de son contrat de travail, d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents et de dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, alors « que lorsque le salarié invoque, à l'appui d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, une inobservation des règles de prévention et de sécurité par son employeur, il incombe à ce dernier de démontrer que la survenance de cet accident est étrangère à tout manquement à son obligation de sécurité, et notamment à son obligation de prévention des risques ; que dès lors, en déboutant le salarié de sa demande de résiliation judiciaire aux motifs que la charge de la preuve du manquement reproché à l'employeur incombe au salarié et que cette preuve n'est pas établie, les circonstances de l'accident du travail étant inconnues, alors que le salarié invoquait à l'appui de sa demande la survenance d'un accident du travail causé par l'absence de fourniture des équipements de protection individuelle, la cour d'appel a violé les articles L. 1235-3-2, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, ensemble l'article 1353, alinéa 2, du code civil ».

Réponse de la Cour

Vu l'article 1353 du code civil, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, dans leur version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 :

10. Il résulte de ces textes que lorsque le salarié invoque un manquement de l'employeur aux règles de prévention et de sécurité à l'origine de l'accident du travail dont il a été victime, il appartient à l'employeur de justifier avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

11. Pour débouter le salarié de sa demande de résiliation judiciaire pour manquement à l'obligation de sécurité, l'arrêt retient que l'intéressé justifie avoir été hospitalisé le 28 février 2018 en raison d'une plaie pulpaire au troisième rayon de la main gauche, puis avoir été en arrêt de travail du 1er au 25 mars 2018, qu'il n'explique pas les circonstances dans lesquelles il a été blessé sur son lieu de travail et que c'est de manière totalement inopérante qu'il met en avant qu'il revient à l'employeur de prouver qu'il a satisfait à son obligation de sécurité puisqu'au contraire, c'est à lui, qui sollicite la résiliation de son contrat de travail, de démontrer la réalité des manquements qu'il invoque.

12. Qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartenait à l'employeur de démontrer qu'il avait pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé du salarié, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

13. La cassation prononcée sur le premier moyen ne s'étend pas au chef de dispositif déboutant le salarié de sa demande de rappel de salaire de base et congés afférents, visé par le moyen.

14. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt déboutant le salarié de ses demandes de rappel de primes mensuelles d'avril 2012 à 2015 entraîne la cassation du chef de dispositif déboutant le salarié de sa demande de remise de bulletins de salaire et documents de fin de contrat qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [M] de sa demande en paiement d'un rappel de primes mensuelles d'avril 2012 à 2015 et des congés payés afférents, en ce qu'il le déboute de ses demandes de résiliation judiciaire du contrat de travail, d'indemnité légale de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, de remise de bulletins de salaire et documents de fin de contrat et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 30 avril 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;

Condamne la société Cevi aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Cevi et la condamne à payer à M. [M] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400216
Date de la décision : 28/02/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Analyses

TRAVAIL REGLEMENTATION, SANTE ET SECURITE - Employeur - Obligations - Sécurité des salariés - Obligation de sécurité - Manquement de l'employeur - Preuve - Charge - Détermination - Portée

TRAVAIL REGLEMENTATION, SANTE ET SECURITE - Hygiène et sécurité - Principes généraux de prévention - Obligations de l'employeur - Prévention des risques professionnels - Manquement de l'employeur - Preuve - Charge - Détermination - Portée CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Obligations - Sécurité des salariés - Obligation de sécurité - Manquement - Preuve - Charge - Détermination - Portée CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Résiliation judiciaire - Action intentée par le salarié - Manquements reprochés à l'employeur - Obligation de sécurité - Preuve - Charge - Détermination - Portée

Il résulte de l'article 1353 du code civil, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, dans leur version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, que lorsque le salarié invoque un manquement de l'employeur aux règles de prévention et de sécurité à l'origine de l'accident du travail dont il a été victime, il appartient à l'employeur de justifier avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail


Références :

Article 1353 du code civil, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016

articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, dans leur version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 30 avril 2020

Sur la preuve relative à un manquement à l'obligation de sécurité en cas de survenue d'un accident du travail, à rapprocher : Soc., 5 juillet 2017, pourvoi n° 15-23572, (cassation partielle) ;

Soc., 23 janvier 2019, pourvoi n° 17-18771, (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 fév. 2024, pourvoi n°52400216


Composition du Tribunal
Président : Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Brouchot, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400216
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award