LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° X 23-82.521 F-D
N° 00208
RB5
27 FÉVRIER 2024
CASSATION PAR VOIE DE RETRANCHEMENT SANS RENVOI
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 27 FÉVRIER 2024
L'association [3] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, chambre correctionnelle, en date du 24 janvier 2023, qui, pour infractions au code de l'urbanisme et au code forestier, l'a condamnée à 6 000 euros d'amende dont 3 000 euros avec sursis, a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte, et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Rouvière, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de l'association [3], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 janvier 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Rouvière, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. L'association [3] (l'association) et la société [2] (la société), propriétaires de parcelles dont certaines classées « espace boisé » sur lesquelles une entreprise de terrassement et construction a déversé de la terre et des gravats et procédé à l'abattage d'arbres, ont été poursuivies, avec le gérant de cette entreprise, des chefs d'infractions au code de l'urbanisme et au code forestier.
3. Le tribunal correctionnel a déclaré les prévenus coupables et a, notamment, condamné l'association à 6 000 euros d'amende et à deux amendes contraventionnelles de 500 euros, a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte ainsi qu'une mesure de publication et a prononcé sur les intérêts civils.
4. L'association, la société et le procureur de la République ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné contre l'association la remise en état des lieux de la parcelle [Cadastre 1] classée « espace boisé classé » de la forêt de protection de Bouconne, dans un délai d'un an à compter de son prononcé, et, au-delà, sous astreinte de cent euros par jour de retard, alors « que, lorsqu'il ordonne une mesure de remise en état des lieux, le juge pénal statue, soit sur la mise en conformité des lieux avec les règlements, l'autorisation ou la déclaration en tenant lieu, soit sur la démolition des ouvrages ou la réaffectation du sol en vue du rétablissement des lieux dans leur état antérieur, et il impartit au bénéficiaire des travaux irréguliers ou de l'utilisation irrégulière du sol un délai pour l'exécution de l'ordre de démolition, de mise en conformité ou de réaffectation ; qu'en ordonnant à l'association [3] la remise en état des lieux de la parcelle [Cadastre 1] dans un délai d'un an, sans nullement détailler les mesures à prendre au regard des faits visés par la prévention, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme. »
Réponse de la Cour
7. Pour ordonner la remise en état de la parcelle n° [Cadastre 1] dans le délai d'un an sous astreinte de 100 euros par jour de retard, l'arrêt attaqué énonce notamment que ce terrain ne présente aucun phénomène de régénération, ce qui illustre les conséquences délétères des exhaussements sur la capacité de la végétation à se renouveler naturellement.
8. En statuant ainsi, la cour d'appel, à qui il n'incombait pas de détailler les mesures à prendre pour parvenir à ce résultat, n'a fait qu'user de la faculté que lui accorde l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme.
9. Ainsi, le moyen ne peut être accueilli.
Mais sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné solidairement l'association et la société à payer à l'association [4] la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale, et la somme de 800 euros sur le même fondement en cause d'appel, alors « que, la solidarité prévue par l'article 480-1 du code de procédure pénale pour les restitutions de dommages-intérêts n'est pas applicable au paiement des frais irrépétibles ; qu'en condamnant néanmoins solidairement l'association [3] et la société [2] à payer une somme au titre des frais irrépétibles à la partie civile, la cour d'appel a violé les articles 475-1 et 480-1 du code de procédure pénale, le principe selon lequel la solidarité prévue pour les dommages-intérêts n'est pas applicable au paiement des frais non recouvrables. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 475-1 et 480-1 du code de procédure pénale :
11. Selon ces textes, la solidarité édictée pour les restitutions et dommages et intérêts n'est pas applicable au paiement des frais non recouvrables.
12. L'arrêt attaqué a condamné solidairement l'association et la société à payer à la partie civile certaines sommes en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale.
13. En prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
14. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
15. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à la condamnation de l'association, solidairement avec la société, à payer une somme au titre des dispositions de l'article 475-1 du code de procédure pénale. Les autres dispositions seront donc maintenues.
16. En application de l'article 612-1 du code de procédure pénale, et dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, la cassation aura effet à l'égard de la société, qui ne s'est pas pourvue.
17. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Toulouse, en date du 24 janvier 2023, mais en ses seules dispositions ayant prononcé solidairement la condamnation des prévenues au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT que la cassation sera étendue à l'égard de la société [2] ;
DIT que les condamnées seront tenues in solidum au paiement des sommes allouées au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Toulouse et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille vingt-quatre.