LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 février 2024
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 101 F-D
Pourvoi n° C 22-23.458
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 FÉVRIER 2024
Mme [L] [E], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° C 22-23.458 contre l'arrêt rendu le 15 septembre 2022 par la cour d'appel de Dijon (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [Y] [G],
2°/ à Mme [J] [P], épouse [G],
tous deux domiciliés [Adresse 2],
3°/ à M. [X] [B], domicilié [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pety, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [E], de Me Balat, avocat de M. et Mme [G], après débats en l'audience publique du 9 janvier 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pety, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 15 septembre 2022) et les productions, par acte notarié du 10 mars 2017, M. et Mme [G] (les promettants) ont promis de vendre à M. [B] et à Mme [E] (les bénéficiaires) une maison d'habitation située à [Localité 4], au prix de 750 000 euros.
2. La vente était notamment soumise à la condition suspensive tenant à « l'absence de projet, travaux, vices ou servitudes révélés par les renseignements d'urbanisme, de nature à déprécier de manière significative la valeur du bien ou à nuire à l'affectation à laquelle le bénéficiaire le destinait ou d'augmenter notablement l'investissement de celui-ci de façon imprévisible pour lui. »
3. En exécution de cette promesse, les bénéficiaires ont versé au notaire la somme de 37 500 euros correspondant à la moitié de l'indemnité d'immobilisation.
4. Ayant pris connaissance d'un projet immobilier devant être implanté sur un terrain voisin, ils ont informé les promettants de leur volonté de ne pas réitérer la vente et les ont assignés en restitution de la somme versée, ainsi qu'en paiement de dommages-intérêts.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Mme [E] fait grief à l'arrêt de la condamner à verser aux promettants la somme de 75 000 euros correspondant à l'indemnité d'immobilisation, et d'ordonner au notaire de verser à M. et Mme [G] la somme de 37 500 euros, versée par les bénéficiaires et consignée à l'étude, alors :
« 1°/ qu'en cas de défaillance de la condition suspensive, l'obligation est réputée n'avoir jamais existé ; que la promesse de vente litigieuse stipulait une condition suspensive selon laquelle il ne devait être révélé « aucun projet, travaux, vices ou servitudes de nature à déprécier de manière significative la valeur du bien ou à nuire à l'affectation sus-indiquée à laquelle le bénéficiaire le destine » ; que la cour d'appel devait donc rechercher si, comme il était soutenu, la construction à proximité immédiate de la maison d'un immeuble de quatre étage et 23 logements agrémentés de terrasses ayant des vues directes sur la maison et le jardin, n'était pas de nature à nuire à l'affectation d'habitation à laquelle les acheteurs destinaient le bien ; qu'en se bornant à considérer, pour juger que la condition suspensive n'était pas défaillie, que la construction envisagée n'était pas de nature à déprécier le bien, sans s'interroger sur la condition tenant à son affectation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1103, 1304 et 1304-6 du code civil ;
2°/ qu'en tout état de cause, la cour d'appel devait rechercher si le fait que la maison n'ait finalement fait l'objet d'une nouvelle promesse de vente que le 8 février 2020 au prix de 730 000 euros, soit trois ans après la promesse litigieuse, en date du 10 mars 2017, pour un prix inférieur de 20 000 euros, soit 730 000 euros au lieu de 750 000 euros, ne révélait pas que la construction d'un immeuble de quatre étage et 23 logements agrémentés de terrasses ayant des vues directes sur le jardin de la maison vendue, avait déprécié de manière significative la valeur du bien ; qu'elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles 1103, 1304 et 1304-6 du code civil. »
Réponse de la Cour
6. La cour d'appel, procédant aux recherches prétendument omises, a souverainement retenu, par motifs propres et adoptés, que le projet immobilier, pour lequel une demande de permis de construire avait été déposée le 29 mars 2017, consistait en la construction de vingt-trois logements dans un immeuble de quatre étages avec parking sur deux niveaux, sur un terrain voisin de l'immeuble vendu donnant sur la rue et non sur la parcelle mitoyenne au jardin qui accueillera un jardin paysager, faisant ainsi ressortir l'absence de conséquence quant à l'affectation de l'immeuble objet de la promesse, et qu'il résultait des estimations produites par deux agences immobilières que le prix de vente pouvait être de 730 000 euros, en tenant compte du projet immobilier, de sorte que ce dernier n'était pas de nature à déprécier de manière significative la valeur de l'immeuble.
7. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [E] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [E] et la condamne à payer à M. et Mme [G] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille vingt-quatre.