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14/02/2024 | FRANCE | N°52400181

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 février 2024, 52400181


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


HP






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 14 février 2024








Cassation partielle




Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 181 F-D


Pourvoi n° J 21-24.265








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FR

ANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 FÉVRIER 2024


La société Newport, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 21-24.265 cont...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

HP

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 février 2024

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 181 F-D

Pourvoi n° J 21-24.265

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 FÉVRIER 2024

La société Newport, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 21-24.265 contre l'arrêt rendu le 24 septembre 2021 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [J] [R], domiciliée [Adresse 3],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Mme [R] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Douxami, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Newport, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [R], après débats en l'audience publique du 16 janvier 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Douxami, conseiller rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 24 septembre 2021), Mme [R] a été engagée en qualité de manager junior le 1er juin 2015 par la société Newport.

2. Elle a été placée en arrêt de travail du 20 avril au 20 mai 2017 puis du 3 juillet au 15 septembre 2017.

3. La salariée a été licenciée pour faute grave le 16 août 2017.

4. Elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de différentes sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième et troisième moyens du pourvoi principal

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à obtenir la condamnation de son employeur à lui payer une certaine somme à titre d'indemnité pour harcèlement moral, alors « que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; qu'au soutien de son allégation de harcèlement moral, la salariée exposait, preuves à l'appui, s'être heurtée, lors de son retour d'arrêt maladie le 21 mai 2017, à de nouveaux reproches infondés, la conduisant à faire l'objet d'un second arrêt maladie et avoir été privée du paiement tant du maintien de salaire que de la prime sur objectifs atteints à laquelle elle avait nécessairement droit ; qu'en s'abstenant de rechercher si ces éléments ne faisaient pas présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail dans sa rédaction applicable en la cause. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, ce dernier dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

7. Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

8. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

9. Pour débouter la salariée de sa demande, l'arrêt retient d'abord qu'il ressort de l'ensemble des courriels, relevé de compte bancaire, note de service, messages téléphoniques, attestation, lettre recommandée et demande de congé qu'elle produit, des éléments relatifs à l'exécution parfois problématique du contrat de travail.

10. Il énonce ensuite qu'il ressort en particulier des échanges de MMS que l'employeur utilise le système vidéo à des fins de surveillance des salariés, la salariée devant répondre aux interrogations du gérant, que si l'attestation de M. [N] est insuffisante à démontrer que l'intéressée était contrainte d'infliger des sanctions pécuniaires illicites aux salariés en cas de vol de matériel, en revanche, l'attestation de M. [U] tend à établir que ce dernier a été contraint par la direction au remboursement, sur ses deniers, d'un téléphone volé par un tiers. Il ajoute qu'il ne ressort pas toutefois que M. [U] était sous l'autorité de la salariée.

11. Il relève encore que s'agissant du temps de travail des salariés, il ressort du propre courriel du 27 février 2016 de la salariée qu'elle demande aux salariés d'arriver quinze minutes avant l'ouverture du magasin afin d'effectuer les lancements de la journée, cette dernière précisant « si dorénavant vos lancements de journée ne sont pas effectués comme ils se doivent, vous pouvez compter sur moi pour résoudre le problème très rapidement » et que si l'employeur, en copie des échanges est manifestement informé et est à l'origine de cette pratique, il s'agit d'une exécution défectueuse des contrats de travail des salariés et qu'il en est de même pour la demande en paiement, sous forme de prime, pour les heures supplémentaires.

12. Il retient enfin que si la salariée justifie qu'une demande de congé est restée sans réponse, et a semble-t-il été refusée, cela ressort à nouveau d'une exécution pouvant être défectueuse du contrat de travail, faute de justification du refus.

13. En statuant ainsi, en procédant à l'appréciation séparée de certains faits et sans prendre en considération les documents médicaux produits, alors qu'il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis, dont les documents médicaux, laissaient supposer l'existence d'un harcèlement moral, et dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

Rejette le pourvoi principal,

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [R] de sa demande d'indemnité pour harcèlement moral, l'arrêt rendu le 24 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne la société Newport aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Newport et la condamne à payer à Mme [R] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400181
Date de la décision : 14/02/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 24 septembre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 fév. 2024, pourvoi n°52400181


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 12/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400181
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