LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
FP6
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 14 février 2024
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 165 F-D
Pourvois n°
C 22-15.178
D 22-15.179
E 22-15.180
F 22-15.181
H 22-15.182
G 22-15.183
J 22-15.184
K 22-15.185
M 22-15.186
N 22-15.187
P 22-15.188
Q 22-15.189
R 22-15.190 JONCTION
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [C].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 8 août 2022.
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [A].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 12 juillet 2022.
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [D].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 25 juillet 2022.
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mmes [V] et [X] [Y].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 2 septembre 2022.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 FÉVRIER 2024
1°/ La société Yoopala services, société anonyme, dont le siège est [Adresse 8],
2°/ La société Mandataires judiciaires associés (MJA), société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 3], représentée par Mme [ZR] [Z], agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société Yoopala services,
3°/ La société [S] & [BH], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 11], représentée par M. [E] [S], agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société Yoopala services,
ont formé les pourvois n° C 22-15.178, D 22-15.179, E 22-15.180, F 22-15.181, H 22-15.182, G 22-15.183, J 22-15.184, K 22-15.185, M 22-15.186, N 22-15.187, P 22-15.188, Q 22-15.189 et R 22-15.190 contre treize arrêts rendus le 8 décembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans les litiges les opposant respectivement :
1°/ à Mme [F] [C], domiciliée [Adresse 12],
2°/ à Mme [CP] [A], domiciliée [Adresse 7],
3°/ à Mme [HT] [N], domiciliée [Adresse 18],
4°/ à Mme [P] [D], domiciliée [Adresse 13],
5°/ à Mme [YK] [K], domiciliée [Adresse 17],
6°/ à Mme [L] [W], domiciliée [Adresse 15],
7°/ à Mme [H] [V], domiciliée [Adresse 10],
8°/ à Mme [G] [X] [Y], domiciliée [Adresse 14],
9°/ à Mme [GM] [M], domiciliée [Adresse 2],
10°/ à Mme [O] [OG], domiciliée [Adresse 4],
11°/ à Mme [U] [KJ], domiciliée [Adresse 9],
12°/ à Mme [R] [PM], domiciliée [Adresse 1],
13°/ à Mme [T] [UJ], domiciliée [Adresse 16],
14°/ à la société BTSG, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 6], représentée par M. [VP] [J], prise en qualité de liquidateur judiciaire de l'association Yoopadom [Localité 19]
15°/ à l'UNEDIC AGS CGEA Ile-de-France Ouest, dont le siège est [Adresse 5],
défenderesses à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leurs pourvois, deux moyens de cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Yoopala services, de la société Mandataires judiciaires associés, ès qualitès, et de la société [S] & [BH], ès qualités, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [C], et des douze autres salariées, après débats en l'audience publique du 16 janvier 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° C 22-15.178 à R 22-15.190 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Paris, 8 décembre 2021), la société Yoopala services (la société) a pour activité principale la fourniture de services à la personne et d'aide à domicile.
3. L'association Yoopadom [Localité 19] (l'association) a été crée le 2 juillet 2013 par des dirigeants de la société, avec pour objet « de venir notamment en aide aux familles ainsi qu'aux personnes âgées dans leurs tâches et activités de la vie quotidienne et ce, par une assistance personnelle à leur domicile ».
4. Un certain nombre de salariées, dont Mme [C], ont été engagées par la société au cours du second semestre 2013 puis par l'association par un contrat de travail associé à un emploi d'avenir. Par avenant à ces contrats, ces salariées ont été mises à disposition de la société pour travailler auprès des familles. Les contrats de mise à disposition ont pris fin le 1er mars 2014, à la suite de la contestation par la Direccte de l'éligibilité de l'association au dispositif emploi d'avenir et du retrait des aides publiques.
5. Une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'égard de l'association le 2 octobre 2014, la société BTSG ayant été désignée en qualité de liquidateur.
6. Se prévalant d'une situation de coemploi, les salariées ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la résiliation de leur contrat de travail aux torts exclusifs de leurs employeurs, et leur condamnation à leur payer des rappels de salaire et différentes indemnités de rupture.
7. Les salariées ont été licenciées pour motif économique par le liquidateur de l'association le 20 octobre 2014.
8. Par jugement du 16 mai 2017, le tribunal de commerce a arrêté un plan de sauvegarde de la société et a désigné la société [S] et [BH] en qualité de commissaire à l'exécution du plan et la société MJA en qualité de mandataire judiciaire.
Examen du moyen
Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches
Enoncé du moyen
9. La société, les sociétés [S] et [BH] et MJA, ès-qualités, font grief aux arrêts de dire que la société Yoopala services était coemployeur, avec l'association Yoopadom, des salariés, et, après avoir prononcé la résiliation des contrats de travail, de condamner la société à payer aux salariées un rappel de salaire et les congés payés afférents outre une somme à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive, alors :
« 1°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions des parties ; qu'il résulte des conclusions de la salariée que cette dernière demandait seulement à la cour d'appel de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de travail et alloué certaines sommes à titre de rappel de salaires et congés payés afférents, puis de dire que la société Yoopala services était son seul employeur et de la condamner à verser une indemnité pour rupture abusive au montant réévalué, sans soutenir qu'il existait une situation de coemploi entre la société Yoopala services et l'association Yoopadom ; que de son côté, l'association Yoopadom, représentée par son mandataire liquidateur, Me [J], demandait, à titre principal, à voir confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris qui avait prononcé notamment sa mise hors de cause, et, à titre subsidiaire, déclarait s'en rapporter à justice concernant le coemploi ; qu'en retenant, pour justifier la condamnation de la société Yoopala services à verser un rappel de salaires et des dommages-intérêts à la salariée, que la société Yoopala services et l'association Yoopadom étaient coemployeurs de la salariée, la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ que selon l'article 954 du code de procédure civile, les conclusions d'appel doivent, sous la forme de dispositif, récapituler les prétentions des parties et la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées à ce dispositif ; que dans le dispositif de leurs conclusions d'appel, ni la salariée, ni l'association Yoopadom ne sollicitaient la reconnaissance d'une situation de coemploi de sorte que la cour d'appel n'était saisie d'aucune demande en ce sens ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile ;
3°/ que si aux termes de l'article 424 du code de procédure civile, le ministère public, partie jointe, peut intervenir pour faire connaître son avis sur l'application de la loi dans une affaire dont il a communication, il reste tenu de respecter les termes du litige tels qu'ils sont déterminés par les conclusions des parties ; qu'en disant la société Yoopala services et l'association Yoopadom coemployeurs de la salariée quand la demande de reconnaissance d'une situation de coemploi était présentée par le seul ministère public intervenant comme partie jointe, la cour d'appel a violé les articles 424, 954 et 4 du code du procédure civile. »
Réponse de la Cour
10. La reconnaissance d'une situation de coemploi constituant, non pas une prétention mais un moyen de droit au soutien d'une demande tendant à obtenir l'extension des obligations de l'employeur à une autre entité que celle avec laquelle a été conclu le contrat de travail, c'est à juste titre, sans encourir les griefs du moyen, que la cour d'appel, après avoir constaté que les salariées avaient sollicité la condamnation de la société au paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaires et de dommages et intérêts pour rupture abusive sur le fondement du coemploi en raison du montage frauduleux qu'elle avait mis en place avec l'association Yoopadom, s'est prononcée sur ces demandes dont elle était valablement saisie.
11. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le premier moyen, pris en ses quatrième à huitième branches
12. La société, les société [S] et [BH] et MJA, ès-qualités, font le même grief aux arrêts, alors :
« 4°/ qu'en application de l'article L. 1221-1 du code du travail, hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s'il existe une immixtion permanente de cette société dans la gestion dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière ; que ni l'existence d'une confusion d'activités et d'intérêts, ni l'existence d'une confusion de direction entre deux entités d'un groupe ne peuvent caractériser une situation de coemploi ; qu'en déduisant cependant la qualité de coemployeur de la société Yoopala services de ce qu'une confusion d'activité et d'intérêts entre cette dernière et l'association Yoopadom serait caractérisée par le fait que la société Yoopala services a fourni du travail aux salariés de l'association Yoopadom qui n'avait pas à cette date des clients, afin de lui permettre de se développer, ajouté au bénéfice attendu par la société du recours de l'association aux contrats aidés, et de ce que la confusion de direction entre les deux entités ressortirait du fait que l'association, créée par un dirigeant et une administration de la société Yoopala services avait à sa tête une directrice, qui était aussi salariée de la société Yoopala services, et, comme présidente, la ''concubine'' du président de cette société, la cour d'appel s'est fondée sur des motifs inopérants, insusceptibles de caractériser une situation de coemploi, et a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;
5°/ qu'en application de l'article L. 1221-1 du code du travail, hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s'il existe une immixtion permanente de cette société dans la gestion dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière ; que pour affirmer que l'immixtion de la société Yoopala services dans la gestion Yoopadom permettait de retenir l'existence d'un coemploi, la cour d'appel s'est bornée à relever que l'association Yoopadom ne disposait ni d'un service de ressources humaines, ni d'un service de comptabilité, tout étant géré par la société Yoopala services, dans le cadre d'une prestation de services administratifs et financiers conclue quelques jours après la création de l'association, en vertu de laquelle elle assurait le recrutement et la gestion du personnel, que, par ailleurs, deux membres fondateurs de l'association, également président et administrateur de la société Yoopala, se sont réservés, aux termes de l'article 17 des statuts un droit de véto sur l'ensemble des décisions des assemblées générales ordinaires, ce qui caractérise une intention d'exercer un contrôle sur le fonctionnement de l'association et, enfin, que lors d'une réunion avec la Direccte, le 24 avril 2014, destinée à discuter de la conformité des contrats d'avenir, Mme [I], membre de la direction de l'association Yoopadom, était accompagnée d'un fondateur de celle-ci, M. [B], par ailleurs dirigeant de la société Yoopala services, dont la présence caractérise l'immixtion de ladite société dans des discussions qui conditionnaient la survie même de l'association ; qu'en statuant ainsi par des motifs impropres à caractériser une immixtion permanente de la société Yoopala services dans la gestion économique et sociale de l'association Yoopadom, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
6°/ qu'en application de l'article L. 1221-1 du code du travail, hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s'il existe une immixtion permanente de cette société dans la gestion dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière ; qu'en retenant l'existence d'une situation de coemploi entre l'association Yoopadom et la société Yoopala services sans avoir constaté que l'association Yoopadom avait totalement perdu son autonomie d'action et en ayant, au demeurant, elle-même relevé que l'association Yoopadom n'était pas dépourvue de toute autonomie administrative, qu'elle disposait d'un siège social propre, que ses salariés n'étaient pas tous mis à disposition de la société Yoopadom, qu'elle avait maintenu les emplois de ceux qui l'étaient après la fin de l'accord de mise à disposition et procédé à des recrutements postérieurement à cette date, notamment dans le domaine de l'aide aux personnes âgées qui lui était spécifique ainsi que recruté une assistante administrative et une assistante de direction, tous éléments faisant ressortir que l'association Yoopadom avait conservé une autonomie décisionnelle dans sa gestion administrative et celle de son personnel, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;
7°/ que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en faisant état, pour retenir l'existence d'une confusion d'intérêts et d'activité entre l'association Yoopadom et la société Yoopala services, du bénéfice attendu par cette dernière du recours par l'association Yoopadom à des contrats aidés, sans examiner, fut-ce sommairement, les deux attestations produites par la société Yoopala services, l'une émanant de la paie des salariées de l'association et l'autre de l'expert-comptable de la société Yoopala services, témoignant tous deux que toutes les heures effectuées par les salariés mis à disposition de la société Yoopala services étaient refacturées à cette dernière sans que leur soient appliquées les exonérations de charges sociales dont bénéficiait l'association de sorte que le prix payé par la société Yoopala services dans le cadre de la refacturation liée à la mise à disposition était le même que celui qui aurait été supporté si la société Yoopala services avait été l'employeur direct des salariées et que cette dernière ne tirait aucun avantage financier de l'opération, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
8°/ que, tenus de motiver leur décision, les juges du fond ne peuvent procéder par voie de simple affirmation sans indiquer, fut-ce succinctement, l'origine de leurs constatations ; que la société Yoopala services contestait l'allégation du mandataire liquidateur de l'association Yoopadom selon laquelle elle aurait été liée par un contrat de travail avec la directrice salariée de l'association Yoopadom, Mme [I], en soulignant qu'aucun élément de preuve ne venait l'étayer ; qu'en retenant néanmoins, pour y voir un signe d'une immixtion de la société Yoopala services, que dès la création de l'association, ses fondateurs avaient mis à sa tête comme directrice, une salariée responsable de secteur au sein de la société Yoopala service, Mme [I], sans mentionner, ni analyser même de façon sommaire les éléments de preuve sur lesquels elle fondait son assertion, la cour d'appel a de nouveau violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
13. La cour d'appel a d'abord constaté que l'association Yoopadom [Localité 19] qui n'avait pas de clients propres, avait été créée par les dirigeants de la société, laquelle avait fait travailler les salariées, dès leur embauche par l'association dans le cadre de contrats aidés « emploi avenir », par un contrat de mise à disposition signé le même jour et, qu'à la fin de cette mise à disposition, elle avait elle-même embauché directement ces salariées pour continuer à travailler auprès des mêmes familles, l'association qui n'avait toujours pas de clients, ne leur ayant plus donné de travail à la suite du retrait des subventions.
14. Elle a ensuite relevé qu'une convention de prestation de services administratifs et financiers entre la société et l'association avait été conclue seulement quelques jours après la création de l'association et n'avait pas été interrompue, de sorte que la société assurait toute la gestion administrative de l'association, le recrutement, l'embauche et la gestion du personnel.
15. Elle a également retenu que les deux membres fondateurs de l'association, également président et administratrice de la société, pouvaient à tout moment exercer un contrôle sur les décisions de l'association par le biais d'un droit de veto sur l'ensemble des décisions des assemblées générales ordinaires et a enfin souligné que le dirigeant de la société Yoopala était présent pendant la réunion avec la Direccte sur les aides de l'Etat signant la fin de l'association, alors même que les mises à disposition avec la société Yoopala avaient déjà pris fin.
16. En l'état de ces constatations, dont il ressortait que l'association était incapable de faire fonctionner son activité principale, la cour d'appel a ainsi caractérisé une immixtion permanente de la société dans la gestion économique et sociale de l'association employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière, ce dont elle a exactement déduit l'existence d'une situation de coemploi.
17. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
18. La société fait grief aux arrêts de la condamner à rembourser à l'AGS CGEA Île-de-France-Ouest une somme au titre des avances consenties par cette dernière au bénéfice de la salariée, à l'occasion de la rupture du contrat de travail, alors « qu'en vertu des articles L. 3253-20 et L. 3253-16 du code du travail, l'AGS, qui est tenue de garantir le règlement des créances dues aux salariés en exécution du contrat de travail et celles résultant de la rupture des contrats de travail intervenant dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation judiciaire, dès lors que le mandataire judiciaire, ne dispose pas des fonds nécessaires pour payer les sommes dues, est ensuite subrogée dans les droits des salariés pour lesquels elle a réalisé des avances à la demande du mandataire judiciaire; que lors d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, le recours subrogatoire de l'AGS est limité aux créances salariales superprivilégiées visées par les articles L. 3253-2, L. 3253-4 et L. 7313-8 et aux créances résultant de la rupture du contrat de travail dans le cadre d'un contrat de sécurisation professionnelle visées par l'article L. 3253-8, 3 du code du travail, les autres sommes avancées dans le cadre de ces procédures lui étant remboursées dans les conditions prévues par les dispositions du livre VI du code de commerce pour le règlement des créances nées antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure et bénéficiant des privilèges attachées à celle-ci ; qu'il résulte de ces dispositions aménageant de façon restrictive le régime du remboursement des avances de l'AGS que cette dernière ne dispose du droit d'obtenir ce remboursement qu'auprès de l'entreprise à l'encontre de laquelle a été ouverte la procédure collective, à l'exclusion de tout recours de droit commun contre une société étrangère à la procédure collective, dont la qualité de coemployeur serait reconnue postérieurement à la mise en oeuvre de la garantie des salaires ; qu'en accueillant la demande de l'AGS-CGEA IDF Ouest, dirigée contre la société Yoopala services, en remboursement des sommes qu'elle avait versées à la salariée de l'association Yoopadom à l'occasion de la rupture de son contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 3253-15, L. 3253-16, L. 3253-20 et L. 3253-6 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 3253-20 et L. 3253-16 du code du travail :
19. Il résulte de ces textes que l'AGS, qui est tenue de garantir le règlement des créances dues aux salariés en exécution du contrat de travail et celles résultant de la rupture des contrats de travail intervenant dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation judiciaire, dès lors que le mandataire judiciaire ne dispose pas des fonds nécessaires pour payer les sommes dues, est ensuite subrogée dans les droits des salariés pour lesquels elle a réalisé des avances à la demande du mandataire judiciaire. Lors d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, le recours subrogatoire de l'AGS est limité aux créances salariales superprivilégiées visées par les articles L. 3253-2, L. 3253-4 et L. 7313-8 et aux créances résultant de la rupture du contrat de travail dans le cadre d'un contrat de sécurisation professionnelle visées par l'article L. 3253-8, 3° du code du travail, les autres sommes avancées dans le cadre de ces procédures lui étant remboursées dans les conditions prévues par les dispositions du livre VI du code de commerce pour le règlement des créances nées antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure et bénéficiant des privilèges attachées à celle-ci.
20. Il en résulte que les avances de l'AGS ne sont subsidiaires qu'au regard des fonds détenus par les organes de la procédure collective et qui pourraient être mobilisés pour le paiement des créances des salariés et non par rapport à des sommes qui pourraient être mobilisées par des tiers.
21. Pour condamner la société à rembourser à l'AGS une somme au titre des avances dans le cadre de sa garantie pour chacune des salariées, les arrêts retiennent d'abord, que dans leur rapports entre eux, chacun des employeurs contribuera à la dette pour moitié et ensuite, que compte tenu du principe de subsidiarité, l'AGS ne sera tenue à garantir que les sommes incombant définitivement à l'association, soit la moitié des condamnations et que pour les mêmes motifs, il sera fait droit à hauteur de la moitié aux demandes de l'AGS tendant au remboursement par la société des sommes dont elle a fait l'avance à l'occasion de la rupture du contrat de travail.
22. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
23. La cassation prononcée sur le second moyen n'emporte pas cassation des chefs de dispositif des arrêts condamnant l'association et la société aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celles-ci et non remises en cause.
Mise hors de cause
24. Les salariées sollicitent leur mise hors de cause sur le second moyen qui ne concerne que les rapports entre la société et l'UNEDIC, délégation AGS CGEA Île-de-France Ouest.
25. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause les salariées dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils condamnent la société Yoopala services à rembourser à l'AGS les sommes avancées dans le cadre de sa garantie, au paiement des dépens de première instance et d'appel et de sommes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les arrêts rendus le 8 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Met hors de cause, sur leur demande, Mmes [C], [A], [N], [D], [K], [W], [V], [Y], [M], [OG], [KJ], [PM] et [UJ] ;
Condamne la société Yoopala services aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille vingt-quatre.