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14/02/2024 | FRANCE | N°42400086

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 14 février 2024, 42400086


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


COMM.


CH.B






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 14 février 2024








Rejet




M. VIGNEAU, président






Arrêt n° 86 F-B


Pourvoi n° J 22-14.080






















R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PE

UPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 FÉVRIER 2024


1°/ M. [X] [S],


2°/ Mme [M] [P], épouse [S],


domiciliés tous deux [Adresse 2],


ont formé le pourvoi n° J 22-14.080 c...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 février 2024

Rejet

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 86 F-B

Pourvoi n° J 22-14.080

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 FÉVRIER 2024

1°/ M. [X] [S],

2°/ Mme [M] [P], épouse [S],

domiciliés tous deux [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° J 22-14.080 contre l'arrêt rendu le 3 janvier 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige les opposant :

1°/ au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de [Localité 3], domicilié [Adresse 4], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques,

2°/ au directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Daubigney, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. et Mme [S], de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques et du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, après débats en l'audience publique du 19 décembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Daubigney, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 janvier 2022) et les productions, M. [X] [S] est l'associé unique de la société holding de droit belge Forestheir, laquelle a souscrit des obligations remboursables en actions (ORA) émises par la société par action simplifiée Groupe petit [S], anciennement dénommée Sylve Invest (la société [S]), dont M. [S] est directeur général.

2. Le 25 novembre 2015, l'administration fiscale a notifié à M. et Mme [S] une proposition de rectification au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) pour les années 2009 à 2013 et de contribution exceptionnelle sur la fortune au titre de l'année 2012, remettant en cause l'exonération, au titre des biens professionnels, de la valeur des titres de la société Forestheir à concurrence de la valeur réelle de l'actif brut de cette société correspondant aux ORA qu'elle avait souscrites auprès de la société [S].

3. Après avis de mise en recouvrement (AMR) et rejet de leur réclamation, M. et Mme [S] ont saisi le tribunal judiciaire afin d'obtenir l'annulation de l'AMR et de la décision de rejet de leur réclamation.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

5. M. et Mme [S] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors :

« 1°/ qu'en vertu de l'article 885 N du code général des impôts, sont des biens professionnels ceux qui sont nécessaires à l'exercice, à titre principal, par leur propriétaire, d'une profession industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ; qu'en vertu de l'article 885 O bis 2° du code général des impôts, entrent notamment dans la catégorie des biens professionnels, à certaines conditions, les titres détenus par le contribuable dans une société possédant une participation dans la société dans laquelle celui-ci exerce ses fonctions, la valeur des titres qui sont la propriété du contribuable étant exonérée à concurrence de la valeur réelle de l'actif brut de la société qui correspond à [s]a participation [dans la société] dans laquelle le contribuable exerce ses fonctions ; que, pour juger que M. et Mme [S] avaient déduit à tort de l'actif brut de la société Forestheir dont M. [S] était actionnaire, et qui détenait elle-même des actions de la société [S] dans laquelle M. [S] exerçait des fonctions de direction, les ORA souscrites par la société Forestheir auprès de la société [S], la cour d'appel a énoncé, par motifs propres et adoptés, que les ORA ont pour caractéristiques d'être remboursées par la remise d'actions au terme prévu, selon une parité définie dans le contrat d'émission, qu'elles constituent une forme différée d'augmentation de capital et que, dans la comptabilité de la société émettrice des obligations, ces dernières doivent être comptabilisées comme des fonds propres ; qu'en statuant comme elle l'a fait, cependant qu'il résultait de ses propres énonciations que les ORA ont inéluctablement vocation à se transformer en actions de la société émettrice, de sorte que, d'un point de vue comptable et économique, elles s'analysent comme une participation, certes différée mais certaine, au capital de la société émettrice, indépendamment de leur qualification juridique comme obligation, et que le porteur des ORA supporte dès l'origine un risque d'actionnaire en raison de la fixation initiale de la parité entre les obligations et les actions qui seront émises à son profit, ce dont il résultait que les ORA souscrites par la société Forestheir auprès de la société [S] constituaient, pour M. [S], un élément de patrimoine exclusivement affecté à l'activité professionnelle qu'il exerçait au sein de la société [S], de sorte qu'elles devaient être regardées comme des biens professionnels et prises en compte pour déterminer le montant exonéré correspondant à la valeur, dans l'actif brut de la société Forestheir, de la participation que celle-ci détenait dans la société [S], la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres énonciations, violant ainsi les dispositions de l'article 885 N et 885 O bis du code général des impôts ;

2°/ qu'il est loisible au contribuable de bonne foi de demander, dans le délai légal, la correction des conséquences fiscales de toute erreur procédant d'une méconnaissance involontaire d'une prescription comptable ou fiscale obligatoire n'offrant aucun choix ni aucune option, constatée dans chacun des bilans clos durant la période soumise au droit de vérification de l'administration fiscale ; que, pour juger que M. et Mme [S] avaient déduit à tort de l'actif brut de la société Forestheir dont M. [S] était actionnaire, et qui détenait elle-même des actions de la société [S] dans laquelle M. [S] exerçait des fonctions de direction, des ORA souscrites par la société Forestheir auprès de la société [S], la cour a énoncé que la société Forestheir avait inscrit les ORA en comptabilité dans un compte "autres immobilisations financières", c'est-à-dire comme des valeurs mobilières de placement ; qu'en statuant ainsi, en énonçant le fait même qui était invoqué pour soutenir que le classement comptable retenu par la société Forestheir procédait d'une erreur comptable involontaire, sans rechercher si les enregistrements comptables retenus procédaient de la méconnaissance d'une prescription comptable ou fiscale obligatoire n'offrant aucun choix ni aucune option, et si la société n'aurait pas dû, comme M. et Mme [S] le soutenaient, enregistrer les ORA dans un compte "autres actions et parts", la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles 885 N et 885 O bis du code général des impôts. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article 885 E du code général des impôts, alors applicable, l'assiette de l'ISF est constituée par la valeur nette au 1er janvier de l'année, de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant aux personnes visées à l'article 885 A du même code.

7. Il résulte des articles 885 A et 885 O bis, 2°, du code général des impôts, alors applicables, que sont considérés comme des biens professionnels exonérés d'ISF les parts et actions d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés dans laquelle le redevable exerce l'une des fonctions énumérées au 1° de ce texte, à condition que le redevable possède 25 % au moins des droits de vote attachés aux titres émis par la société, directement ou par l'intermédiaire de son conjoint ou de leurs ascendants ou descendants ou de leurs frères et soeurs. Les titres détenus dans les mêmes conditions dans une société possédant une participation dans la société dans laquelle le redevable exerce ses fonctions sont pris en compte dans la proportion de cette participation ; la valeur de ces titres qui sont la propriété personnelle du redevable est exonérée à concurrence de la valeur réelle de l'actif brut de la société qui correspond à la participation dans la société dans laquelle le redevable exerce ses fonctions.

8. Il résulte de l'article L. 213-5 du code monétaire et financier que les obligations sont des titres de créance négociables qui, dans une même émission, confèrent les mêmes droits de créance pour une même valeur nominale.

9. Après avoir exactement énoncé que les ORA, instruments financiers hybrides, sont, jusqu'à leur remboursement, des obligations, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'un porteur d'ORA est titulaire d'une créance d'attribution d'actions automatiquement souscrites par le remboursement des ORA. Il retient encore que la société Forestheir, qui a souscrit en 2007 des ORA émises par la société [S] qui ont été remboursées par anticipation en 2012, détenait une créance d'attribution d'actions.

10. L'arrêt, qui ne constate pas que l'administration a été saisie de la rectification d'une erreur comptable, relève également que la société Forestheir, a enregistré les ORA en tant que valeurs mobilières de placement au compte 27 intitulé « autres immobilisations financières » qui regroupe les droits de créances.

11. De ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel a exactement déduit que les ORA détenues par la société Forestheir ne pouvaient être qualifiées de biens professionnels et être exclues du total de l'actif brut de la société Forestheir mentionné par M. et Mme [S] dans leurs déclarations d'ISF.

12. Le moyen, inopérant en sa seconde branche, n'est donc pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme [S] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [S] et les condamne à payer au directeur général des finances publiques et au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de [Localité 3], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 42400086
Date de la décision : 14/02/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Impôt de solidarité sur la fortune - Exclusion - Biens professionnels - Obligations remboursables en actions (ORA) (non)

Il résulte de l'article L. 213-5 du code monétaire et financier que les obligations sont des titres de créance négociables qui, dans une même émission, confèrent les mêmes droits de créance pour une même valeur nominale. Les obligations remboursables en actions (ORA), instruments financiers hybrides, sont, jusqu'à leur remboursement, des obligations. Elles ne peuvent être qualifiées de biens professionnels


Références :

Article L. 213-5 du code monétaire et financier.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 03 janvier 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 14 fév. 2024, pourvoi n°42400086


Composition du Tribunal
Président : M. Vigneau
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:42400086
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