LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 14 février 2024
Cassation partielle
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 75 F-D
Pourvoi n° V 21-12.246
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 FÉVRIER 2024
M. [S] [T], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 21-12.246 contre l'arrêt rendu le 16 octobre 2020 par la cour d'appel de Rennes (2e chambre), dans le litige l'opposant à la société BNP Paribas Personal Finance, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Corlay, avocat de M. [T], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société BNP Paribas Personal Finance, après débats en l'audience publique du 19 décembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 16 octobre 2020), par un contrat conclu hors établissement le 9 février 2015, M. [T] (l'acquéreur) a commandé auprès de la société Sungold (le vendeur) la fourniture et la pose de panneaux photovoltaïques, financés par un crédit souscrit le même jour auprès de la société Sygma banque.
2. Les 7 février et 6 mars 2017, soutenant que le bon de commande était irrégulier, que le vendeur n'avait pas exécuté les prestations convenues et que le défaut de raccordement au réseau le privait de la possibilité de revendre l'électricité produite, l'acquéreur a assigné en annulation ou, subsidiairement, en résolution des contrats de vente et de prêt, ainsi qu'en paiement de dommages et intérêts, le vendeur, placé en liquidation judiciaire, et M. [R], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire. La société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma banque (la banque) est intervenue à l'instance.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
4. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de le condamner à rembourser le capital emprunté à la banque augmenté des intérêts au taux légal non majoré à compter du 8 septembre 2017 et de rejeter ses demandes, alors « qu'en matière de crédit affecté, il appartient au prêteur, avant de se dessaisir des fonds, de vérifier la précision et la crédibilité du certificat de livraison qui doit attester d'une exécution complète de chacune des obligations du vendeur ; qu'en l'espèce la cour d'appel a constaté, par motifs propres et adoptés du jugement, que selon le bon de commande du 9 février 2015 la société Sungold s'était engagée à réaliser une installation solaire photovoltaïque Thomson comprenant 12 panneaux, à effectuer les démarches administratives et à assumer la charge du raccordement au réseau" ; que le consommateur a signé, le jour de l'installation des panneaux photovoltaïques, un certificat pré-rempli attestant de la livraison du ou des bien(s) et/ou la fourniture de la prestation de services" daté du 24 février 2015 sans cependant délier expressément la société Sungold (?) de l'ensemble des obligations auxquelles celle-ci s'était engagée, incluant (?) les démarches administratives et de raccordement" ; que les prestations de services relatives aux démarches administratives et au raccord au réseau Erdf n'ont pas été exécutées ; qu'il ressortait de ces constats l'inexécution par la banque de son obligation de vérifier l'exécution de chacune des prestations promises par l'entrepreneur avant de se dessaisir des fonds ; qu'en retenant néanmoins une exécution parfaite par la banque de son obligation, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article L. 312-48 alinéa 1er (L. 311-20 ancien du code de la consommation). »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 311-31 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
5. Il résulte de ces textes que la résolution ou l'annulation d'un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle du contrat constatant la vente ou la prestation de services qu'il finance, emporte pour l'emprunteur l'obligation de restituer au prêteur le capital prêté.
6. Cependant, le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.
7. Pour écarter la faute de la banque et condamner l'acquéreur à rembourser à celle-ci le capital emprunté à la suite de la résolution des contrats de fourniture et d'installation des panneaux photovoltaïques et de crédit affecté, l'arrêt retient que la banque a versé au vendeur le capital emprunté sur le fondement d'une attestation signée le 24 février 2015 par l'acquéreur, aux termes de laquelle celui-ci certifiait sans réserve que « la livraison du ou des bien(s) et/ou la fourniture de la prestation de services » avaient été pleinement effectuées conformément au contrat principal, de sorte qu'il demandait au prêteur de procéder à la mise à disposition des fonds.
8. En statuant ainsi, alors que le certificat de livraison, qui énonçait une alternative et avait été signé le 24 février 2015, date de l'installation des matériels en cause, cependant que le contrat avait été conclu le 9 février, ne permettait pas à la banque, comme il le lui incombait avant de verser les fonds, de s'assurer de l'exécution effective des prestations de mise en service de l'installation auxquelles le vendeur s'était également engagé, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. [T] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 24 900 euros augmentée des intérêts au taux légal non majoré à compter du 8 septembre 2017, rejette la demande d'indemnisation formée par M. [T] à l'encontre de la société BNP Paribas Personal Finance et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 16 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ;
Condamne la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société BNP Paribas Personal Finance et la condamne à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille vingt-quatre.