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07/02/2024 | FRANCE | N°C2400127

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 février 2024, C2400127


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° G 22-87.426 F-B


N° 00127




SL2
7 FÉVRIER 2024




CASSATION PARTIELLE




M. BONNAL président,












R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 7 FÉVRIER 2024






M. [E] [P] a

formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 31 octobre 2022, qui, pour blanchiment, blanchiment douanier et transfert de capitaux sans déclaration, l'a condamné à un an d'emprisonne...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° G 22-87.426 F-B

N° 00127

SL2
7 FÉVRIER 2024

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 7 FÉVRIER 2024

M. [E] [P] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 31 octobre 2022, qui, pour blanchiment, blanchiment douanier et transfert de capitaux sans déclaration, l'a condamné à un an d'emprisonnement, cinq ans d'interdiction du territoire français, des amendes douanières et des confiscations.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [E] [P], les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de l'administration des douanes et des droits indirects, et les conclusions de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 janvier 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gillis, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le 27 février 2021, M. [E] [P] a été contrôlé au volant de son véhicule par des agents des douanes. Alors qu'il a déclaré transporter la somme de 5 000 livres sterling en espèces, il a été retrouvé dissimulé dans son véhicule plus de 600 000 livres sterling.

3. Par jugement du tribunal correctionnel du 9 avril 2021, M. [P] a été condamné des chefs susmentionnés à douze mois d'emprisonnement, trois ans d'interdiction du territoire français, des amendes douanières et des confiscations.

4. Il a relevé appel, ainsi que le ministère public.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et le deuxième moyen

5. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les exceptions de nullité présentées par M. [P], alors :

« 2°/ que il résulte de l'article 63-2 du code de procédure pénale que l'avis à la famille peut, sur autorisation du procureur de la République, être différé ou ne pas être délivré si cette décision est, au regard des circonstances, indispensable afin de permettre le recueil ou la conservation des preuves ou de prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l'intégrité physique d'une personne ; qu'en rejetant le moyen de nullité tiré de l'absence d'un tel avis, au motif inopérant de l'absence de démonstration d'un grief, lorsque ni la cour d'appel, ni aucune pièce de la procédure n'explique en quoi une telle atteinte à ce droit était indispensable en application des critères de l'article 63-2 du code de procédure pénale, la cour d'appel a méconnu cette disposition ainsi que les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

7. Pour écarter le moyen de nullité selon lequel il ne figure pas dans la procédure les motifs pour lesquels le procureur de la République a différé l'avis à famille prévu par l'article 63-2 du code de procédure pénale en cas de garde à vue, l'arrêt attaqué énonce que, en l'absence de grief démontré, l'absence de motivation du sursis à l'avis à famille ne saurait entraîner une quelconque nullité.

8. En prononçant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés au moyen.

9. En effet, s'il doit figurer en procédure le motif, parmi ceux prévus par la loi, pour lequel le procureur de la République décide de différer l'avis devant être délivré en application du premier alinéa de l'article 63-2 du code de procédure pénale, l'irrégularité entachant la délivrance de cet avis ne peut entraîner le prononcé d'une nullité que s'il en est résulté pour la personne gardée à vue une atteinte effective à ses intérêts.

10. Dès lors, le moyen doit être écarté.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [P] à une amende douanière de 700 000 euros pour blanchiment douanier et à une amende douanière de 300 000 euros pour transfert de capitaux sans déclaration, alors :

« 1°/ que le juge qui prononce une amende en application de l'article 415 du code des douanes en répression de l'infraction de blanchiment douanier, après avoir recherché la somme sur laquelle a porté l'infraction et fixé en conséquence les montants minimum et maximum de l'amende encourue, doit motiver sa décision au regard de l'ampleur et de la gravité de l'infraction commise ainsi que de la personnalité de son auteur, quel que soit le montant de l'amende qu'il retient ; qu'en condamnant M. [P] à une amende douanière de 700 000 euros pour blanchiment douanier, sans s'expliquer sur l'ampleur et la gravité de l'infraction commise, ni sur la personnalité du prévenu, qu'elle devait prendre en considération pour fonder sa décision, la cour d'appel a méconnu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 415 du code des douanes, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ que le juge qui prononce une amende en application de les articles 465 du code des douanes et L. 152-4 du code monétaire et financier en répression de l'infraction de transfert non déclaré de sommes, titres ou valeurs d'au moins 10.000 euros, après avoir recherché la somme sur laquelle a porté l'infraction et fixé en conséquence les montants minimum et maximum de l'amende encourue, doit motiver sa décision au regard de l'ampleur et de la gravité de l'infraction commise ainsi que de la personnalité de son auteur, quel que soit le montant de l'amende qu'il retient ; qu'en condamnant M. [P] à une amende douanière de 300.000 euros pour transfert non déclaré de sommes, titres ou valeurs d'au moins 10.000 euros, sans s'expliquer sur l'ampleur et la gravité de l'infraction commise, ni sur la personnalité du prévenu, qu'elle devait prendre en considération pour fonder sa décision, la cour d'appel a méconnu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 465 du code des douanes, L. 152-4 du code monétaire et financier, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 365 et 369 du code des douanes, 485, 512 et 593 du code de procédure pénale :

12. Aux termes du deuxième de ces textes, eu égard à l'ampleur et à la gravité de l'infraction commise, ainsi qu'à la personnalité de son auteur, le tribunal peut réduire le montant de l'amende fiscale prononcée à l'encontre de l'auteur d'une infraction douanière jusqu'à un montant inférieur à son montant minimal.

13. Il résulte du premier et des trois derniers qu'en matière douanière, toute peine d'amende doit être motivée.

14. Il se déduit de l'ensemble de ces textes que le juge qui prononce une amende en application de l'article L. 152-4 du code monétaire et financier en répression du délit de transfert non déclaré de capitaux ou en application de l'article 415 du code des douanes en répression du délit de blanchiment douanier, en fonction du montant de l'argent liquide sur lequel a porté l'infraction, doit également motiver sa décision au regard de l'ampleur et de la gravité de l'infraction commise ainsi que de la personnalité de son auteur, quel que soit le montant de l'amende qu'il retient.

15. Pour confirmer le jugement qui a condamné M. [P] à une amende douanière de 300 000 euros au titre de l'infraction de manquement à l'obligation déclarative et à une amende douanière de 700 000 euros au titre de l'infraction de blanchiment douanier, l'arrêt attaqué énonce que ces amendes apparaissent adaptées et proportionnées au regard des textes sanctionnant ces délits.

16. En prononçant ainsi, sans faire apparaître qu'elle devait prendre en considération l'ampleur et la gravité de l'infraction commise et la personnalité du prévenu pour déterminer le montant de l'amende douanière et sans mentionner non plus ces éléments lorsqu'elle a statué sur ces amendes, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.

17. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

18. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives aux amendes douanières. Les autres dispositions seront donc maintenues.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 31 octobre 2022, mais en ses seules dispositions relatives aux amendes douanières, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2400127
Date de la décision : 07/02/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Analyses

GARDE A VUE - Droits de la personne gardée à vue - Avis à famille - Décision de différer l'avis - Motif - Obligation de faire apparaître le motif en procédure - Défaut - Nullité - Conditions - Existence d'un grief

Lorsque le procureur de la République décide, en application de l'article 63-2, alinéa 3, du code de procédure pénale, de différer l'avis à famille devant être délivré en application du premier alinéa de ce même article, le motif, parmi ceux prévus par la loi, pour lequel l'avis est différé, doit figurer en procédure. Toutefois, l'irrégularité entachant la délivrance de cet avis ne peut entraîner le prononcé d'une nullité que s'il en est résulté pour la personne gardée à vue une atteinte effective à ses intérêts


Références :

Article 63-2, alinéa 3, du code de procédure pénale.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 31 octobre 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 fév. 2024, pourvoi n°C2400127


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 27/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:C2400127
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