LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 31 janvier 2024
Rejet
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 128 F-D
Pourvoi n° H 22-22.404
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 31 JANVIER 2024
M. [Z] [T], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° H 22-22.404 contre l'arrêt rendu le 14 septembre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant :
1°/ à l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ au syndicat Sud FPA solidaires, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Arsac, conseiller référendaire, les observations de Me Ridoux, avocat de M. [T], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes, après débats en l'audience publique du 20 décembre 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Arsac, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 septembre 2022), M. [T] a été engagé en qualité d'agent administratif le 3 juin 1982 par l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes selon contrat à durée déterminée. La relation s'est poursuivie à durée indéterminée. Le salarié occupait en dernier lieu les fonctions de responsable de projet.
2. A compter de juin 2003, il a exercé divers mandats syndicaux et de représentation du personnel. En 2016, il a été détaché à mi-temps auprès d'une organisation syndicale.
3. Soutenant subir une discrimination syndicale, il a, le 20 janvier 2017, saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts au titre des conséquences salariales ou en matière de retraite attachées à la discrimination syndicale, alors :
« 1°/ que lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que pour écarter l'existence d'une discrimination salariale, l'arrêt retient que s'il est constant que le salarié n'a pas obtenu d'augmentation depuis 2004, cette observation doit être relativisée, que s'il fait valoir que son salaire est inférieur à celui des salariés de sa catégorie, il ne justifie pas de l'expérience, de la formation et du profil desdits salariés, que s'il est resté en classe 12 dans la grille des emplois de 1996 à 2014 soit pendant dix-huit ans, il a été promu en classe 13 en 2014, que s'il est également constant qu'il n'a pas bénéficié d'un entretien annuel ou d'un entretien lorsque son salaire n'a pas évolué pendant trois années consécutives, cela ne laisse pas supposer l'existence d'une discrimination ; qu'en procédant ainsi à une appréciation séparée de chacun des éléments matériellement établis par le salarié, quand il lui appartenait d'apprécier si, pris dans leur ensemble, ces éléments laissaient présumer l'existence d'une discrimination, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;
2°/ que la charge de la preuve de la discrimination ne pèse pas sur le salarié, lequel doit seulement présenter des éléments de fait la laissant supposer ; que tel est le cas de l'absence d'augmentation individuelle de salaire pendant plusieurs années ; que l'arrêt constate que M. [T] n'a pas obtenu d'augmentation individuelle depuis 2004 et qu'il est resté figé en classe 12 dans la grille des emplois de 1996 à 2014 ; qu'en écartant ces éléments de fait comme impropres à laisser supposer une discrimination salariale en raison des activités syndicales du salarié, au motif inopérant de l'absence d'augmentations de salaire au niveau de l'entreprise pendant neuf ans (en 2005, 2008, 2010, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016 et 2017), la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;
3°/ que laisse présumer l'existence d'une discrimination le fait pour l'employeur de verser à un salarié titulaire de mandats de représentation du personnel, ayant un niveau de qualification au moins égal à celui des autres salariés de sa catégorie et une ancienneté supérieure à la leur, un salaire inférieur au salaire moyen desdits salariés ; qu'en retenant le contraire, et en exigeant de M. [T] qu'il justifie en outre de l'expérience, de la formation et du profil des salariés auxquels il se comparait, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve, en violation des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;
4°/ que laisse présumer l'existence d'une discrimination la non-application des dispositions de l'accord collectif d'entreprise prévoyant que le salarié bénéficie chaque année d'un entretien destiné à évaluer ses compétences, et qu'un dispositif est mis en oeuvre en l'absence d'augmentation individuelle pendant trois années consécutives ; qu'en jugeant le contraire, aux motifs inopérants qu'il n'est pas allégué que les autres salariés auraient été traités différemment et que le salarié n'a pas manifesté la volonté de bénéficier des dispositions susvisées, la cour d'appel a derechef violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail. »
Réponse de la Cour
5. La cour d'appel, sans méconnaître les règles de preuve, a retenu que, parmi les éléments invoqués par le salarié, seule l'absence de réaction efficace de l'employeur à sa demande de reprise d'un poste à l'issue d'un détachement syndical laissait présumer une discrimination et a estimé que l'employeur ne démontrait pas que cette situation était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, de sorte qu'elle a déduit l'existence d'une discrimination syndicale n'occasionnant pour le salarié qu'un préjudice moral, dont elle a souverainement apprécié le montant.
6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [T] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille vingt-quatre.