La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/01/2024 | FRANCE | N°32400055

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 25 janvier 2024, 32400055


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3


VB






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 25 janvier 2024








Cassation partielle




Mme TEILLER, président






Arrêt n° 55 F-D


Pourvoi n° X 22-16.254








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
___________________

______




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 JANVIER 2024


M. [W] [V], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 22-16.254 contre l'arrêt rendu le 21 février 2022 par la cour d'appel de Saint-Deni...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

VB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 janvier 2024

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 55 F-D

Pourvoi n° X 22-16.254

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 JANVIER 2024

M. [W] [V], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 22-16.254 contre l'arrêt rendu le 21 février 2022 par la cour d'appel de Saint-Denis (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [T] [N], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Davoine, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de M. [V], de la SARL Ortscheidt, avocat de M. [N], après débats en l'audience publique du 5 décembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Davoine, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 21 février 2022), par acte du 12 mai 2008, M. [N] (le bailleur) a donné à bail à ferme, pour une durée de neuf ans expirant le 31 mai 2017, à M. [V] (le preneur) une parcelle de terre desservie notamment par un chemin d'exploitation au nord.

2. Le 20 octobre 2015, le preneur, invoquant un manquement du bailleur à son obligation de lui garantir la jouissance paisible des lieux, a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en condamnation de celui-ci à rétablir l'accès à la parcelle louée et en indemnisation du préjudice résultant de l'impossibilité de l'exploiter.

3. Le bailleur a sollicité, à titre reconventionnel, la résiliation du bail pour défaut d'exploitation et la condamnation du preneur en paiement des fermages.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Le preneur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que le bailleur à ferme est tenu de garantir au preneur la jouissance paisible de la parcelle objet du bail ; qu'en refusant d'indemniser M. [V] du préjudice subi du fait de l'absence d'exploitation de la parcelle donnée à bail au motif que celui-ci « ne peut réclamer indemnisation du préjudice résultant du défaut d'entretien du chemin d'exploitation desservant la parcelle par lui prise à bail, dont la charge lui incombait », quand il résultait de ses constatations que seul l'accès à la parcelle litigieuse par le nord avait été rendu impossible du fait d'un défaut d'entretien du chemin d'exploitation et que l'impossibilité, pour le preneur, d'exploiter ladite parcelle était également due à l'obstruction de l'accès à la parcelle par le sud du fait de la présence de blocs de béton recouverts de végétation, ainsi qu'à l'occupation, par le bailleur, de la parcelle donnée à bail par l'installation d'une plantation de bananiers, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1719, 3°, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1719, 3°, du code civil :

5. Selon ce texte, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de faire jouir paisiblement le preneur de la chose louée pendant la durée du bail.

6. Pour rejeter les demandes du preneur, l'arrêt relève, d'abord, que l'expert a conclu, d'une part, que l'accès à la parcelle au nord était impossible, le chemin d'exploitation étant recouvert de végétation et non entretenu, d'autre part, que si l'accès au sud avait rouvert début 2016, le bailleur occupait depuis lors la parcelle donnée à bail sur laquelle il avait réalisé une plantation de bananiers.

7. Il retient, ensuite, qu'en vertu du bail et de l'arrêté préfectoral du 12 septembre 1985, modifié par l'arrêté du 6 mai 1999, relatif au contrat-type de bail à ferme pour le département de La Réunion, auquel il renvoie, le preneur a la charge de l'entretien des chemins d'exploitation.

8. Il en déduit que, le preneur ne faisant pas la preuve de ce que le bailleur a obstrué le chemin d'exploitation desservant la parcelle affermée et que l'entretien de ce chemin lui incombant, il ne peut réclamer l'indemnisation du préjudice qu'il allègue.

9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté l'occupation par le bailleur de la parcelle donnée à bail depuis 2016, ce dont il résultait que le défaut d'entretien du chemin d'exploitation imputable au preneur ne constituait pas la cause exclusive de son dommage et que le bailleur ne pouvait donc s'exonérer totalement de son obligation d'assurer au preneur une jouissance paisible des lieux, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

10. Le preneur fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation du bail, alors « que si le bailleur peut faire résilier le bail à ferme s'il apporte la preuve de la non-exploitation, par le preneur, de tout ou partie des parcelles données à bail, il en va autrement lorsque le défaut d'exploitation est dû à la faute du bailleur ; qu'en se fondant, pour prononcer la résiliation du bail aux torts du preneur, sur la circonstance que M. [V] n'exploitait plus la parcelle litigieuse depuis le mois d'août 2013, sans qu'il ne puisse s'exonérer de son manquement en invoquant une impossibilité d'y accéder puisqu'il lui incombait d'entretenir le chemin d'exploitation la desservant, cependant qu'elle avait constaté que l'impossibilité, pour le preneur, d'exploiter ladite parcelle était, également, due à l'obstruction de l'accès à la parcelle par le sud du fait de la présence de blocs de béton recouverts de végétation, ainsi qu'à l'occupation, par le bailleur, de la parcelle donnée à bail par l'installation d'une plantation de bananiers, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 461-8 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour

Vu l'article L. 461-8 du code rural et de la pêche maritime :

11. Selon ce texte, le bailleur ne peut faire résilier le bail s'il apporte la preuve de la non-exploitation de tout ou partie du bien considéré.

12. Pour prononcer la résiliation du bail, l'arrêt retient que le preneur n'exploite plus la parcelle louée depuis le mois d'août 2013, sans qu'il ne puisse s'exonérer de son manquement en invoquant une impossibilité d'y accéder puisqu'il lui incombait d'entretenir le chemin d'exploitation la desservant.

13. En statuant ainsi, alors qu'elle avait également constaté l'occupation par le bailleur de la parcelle donnée à bail depuis 2016, qui justifiait, à compter de cette date, le défaut d'exploitation, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais sauf en ce qu'il condamne M. [V] au paiement de la somme de 7 500 euros au titre des fermages des années 2013 à 2017, l'arrêt rendu le 21 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie la cour d'appel de Saint-Denis, autrement composée ;

Condamne M. [N] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [N] et le condamne à payer à M. [V] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 32400055
Date de la décision : 25/01/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint Denis de la Réunion, 21 février 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 25 jan. 2024, pourvoi n°32400055


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller (président)
Avocat(s) : Me Haas, SARL Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 06/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:32400055
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award