LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 janvier 2024
Cassation partielle sans renvoi
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 61 F-D
Pourvoi n° S 22-18.595
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 JANVIER 2024
Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 22-18.595 contre l'arrêt rendu le 21 avril 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4-chambre 12), dans le litige l'opposant à M. [P] [X], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Martin, conseiller, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [X], et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 décembre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Martin, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 avril 2022) et les productions, le 26 août 2014, au Royaume-Uni, M. [X], de nationalité française, a été blessé dans un accident de la circulation impliquant un véhicule immatriculé dans cet Etat.
2. Il a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (la CIVI) pour obtenir l'indemnisation de ses préjudices.
3.La CIVI l'a débouté de sa demande.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (le FGTI) fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la requête de M. [X], alors « que les dommages résultant d'un accident de la circulation survenu sur le territoire d'un Etat partie à l'Espace économique européen autre que le France et dans lequel est impliqué un véhicule immatriculé dans l'un de ces Etats, susceptibles d'être indemnisés par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) en application des articles L. 421-1, L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances, sont exclusifs de l'application de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime ; qu'après avoir constaté que le dommage subi par M. [X] résultait d'un accident de la circulation survenu au Royaume-Uni et impliquant un véhicule immatriculé dans cet Etat, le 26 août 2014, soit à une date à laquelle cet Etat était membre de l'espace économique européen, de sorte que ce dommage était susceptible d'être indemnisé par le FGAO, la cour d'appel, qui a néanmoins jugé que le dommage subi par M. [X] entrait dans les prévisions de l'article 706-3 du code de procédure pénale, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi ce texte, par fausse application et les articles L. 421-1, L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances, par refus d'application. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 706-3 du code de procédure pénale, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 applicable au litige, et les articles L. 421-1, L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances :
5. Il résulte du premier de ces textes que, sous certaines conditions, toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne.
6. Les articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances, issus de la loi n° 2003-736 du 1er août 2003 ayant transposé la directive 2000/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 mai 2000 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, prévoient un dispositif d'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation survenus dans un autre Etat de l'Espace économique européen, impliquant un véhicule ayant son stationnement habituel et son assureur dans l'un de ces Etats. Il permet, notamment, dans certaines circonstances, à la victime française d'être indemnisée en France par le FGAO.
7. Il résulte de la combinaison de ces textes que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le FGAO en application des articles du code des assurances susvisés sont exclus de la compétence de la CIVI, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime.
8. Pour déclarer recevable la requête de M. [X], l'arrêt énonce que le dispositif mis en place par la directive 2000/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 mai 2000 ne modifie pas les règles de conflit de lois applicables, ni celles qui gouvernent les principes du droit à indemnisation des victimes d'accident de la circulation, de sorte que l'indemnisation de M. [X] est régie par le droit anglais et non par la loi du 5 juillet 1985 et en déduit que son indemnisation relève des dispositions des articles 706-3 et suivants du code de procédure pénale.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
12. Il résulte des paragraphes 5 à 9 que la requête de M. [X] est irrecevable.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande d'annulation du jugement, l'arrêt rendu le 21 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare irrecevable la requête présentée par M. [X] ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Paris ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées tant devant la Cour de cassation que devant la cour d'appel de Paris ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-quatre.