LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 18 janvier 2024
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 46 F-B
Pourvoi n° W 21-22.482
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 18 JANVIER 2024
1°/ M. [U] [X],
2°/ Mme [Z] [Y], veuve [X],
3°/ Mme [F] [X],
tous trois domiciliés [Adresse 1], [Localité 3],
4°/ M. [L] [X], domicilié[Adresse 5]s,[Localité 3]s,
ont formé le pourvoi n° 21-22.482 contre l'arrêt rendu le 10 juin 2021 par la cour d'appel de Metz (1re chambre civile), dans le litige les opposant à la société Crédit logement, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 4], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [U] [X], de Mme [Y], veuve [X], de Mme [F] [X], de M. [L] [X], de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la société Crédit logement, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 novembre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 10 juin 2021) et les productions, par acte notarié du 30 janvier 2015, M. [P] [X] et Mme [Y] ont fait donation, en avancement de part successorale, à leurs enfants, M. [U] [X], Mme [F] [X] et M. [L] [X], de divers biens immobiliers.
2. Par jugement du 12 janvier 2018, M. [P] [X] et Mme [Y] ont été solidairement condamnés à payer à la société Crédit logement, en sa qualité de caution d'un prêt qu'ils avaient souscrit auprès d'une banque, une certaine somme.
3. Par acte du 8 mars 2018, cette dernière a assigné M. [P] [X], Mme [Y], M. [U] [X], Mme [F] [X] et M. [L] [X] en inopposabilité de l'acte de donation.
4. M. [P] [X], Mme [Y], M. [U] [X], Mme [F] [X] et M. [L] [X] ont interjeté appel, le 30 avril 2019, du jugement déclarant les donations inopposables.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
5. Mme [Y], M. [U] [X], Mme [F] [X] et M. [L] [X] (les consorts [X]) font grief à l'arrêt de rejeter l'exception de nullité de l'acte introductif d'instance, de juger recevables les demandes de la société Crédit logement et de dire inopposable à cette dernière la donation faite par les époux [X] à leurs trois enfants le 15 janvier 2015, alors « qu'en tout état de cause, la personne en tutelle est représentée en justice par le tuteur ; que l'assignation qui n'est pas délivrée au tuteur est nulle, cette nullité ne pouvant être couverte, fût-ce par la main-levée de la mesure ou le décès du majeur protégé, le juge ne pouvant statuer qu'après avoir été saisi par la délivrance d'une seconde assignation régulière ; qu'en jugeant néanmoins que la nullité de l'assignation délivrée à [P] [X] était couverte par son décès postérieurement au jugement, la cour d'appel a violé l'article 475 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 475 du code civil et 121 du code de procédure civile :
6. Selon le premier de ces textes, la personne en tutelle est représentée en justice par le tuteur. Aux termes du second, dans les cas où elle est susceptible d'être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.
7. Il résulte de la combinaison de ces textes, que l'irrégularité de fond affectant une assignation qui n'a pas été délivrée au tuteur de la personne protégée ne peut plus, postérieurement au décès de cette dernière, être couverte.
8. Pour dire n'y avoir lieu à prononcer l'annulation de l'assignation délivrée à [P] [X], l'arrêt retient, après avoir relevé que [P] [X] avait été placé sous tutelle par jugement du 3 juillet 2017, M. [L] [X] étant désigné en tant que tuteur, que la cause de nullité de l'assignation, qui aurait dû être délivrée à M. [L] [X] en qualité de tuteur, avait disparu avant qu'elle ne statue, dès lors que [P] [X] est décédé le 15 juin 2019 et que les consorts [X] comparaissent tous, tant en leur nom personnel qu'en qualité d'héritiers de [P] [X], et ont tous la capacité d'ester en justice.
9. En statuant ainsi, alors que l'irrégularité de fond affectant l'assignation délivrée à [P] [X] ne pouvait plus, après le décès de ce dernier, être couverte, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy.
Condamne la société Crédit logement aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Crédit logement et la condamne à payer à Mme [Y], M. [U] [X], Mme [F] [X] et M. [L] [X] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille vingt-quatre.