LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 18 janvier 2024
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 36 F-D
Pourvois n°
K 21-25.715
N 22-12.427 JONCTION
Aide juridictionnelle totale en demande
dans le pourvoi n° K 21-25.715
pour M. [M] [B].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 5 octobre 2021.
Aide juridictionnelle totale en demande
dans le pourvoi n° N 22-12.427
pour Mme [P] [E].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 21 novembre 2021.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 18 JANVIER 2024
I. M. [H] [D] [M] [B], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 21-25.715 contre un arrêt rendu le 10 septembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 9), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [W] [Z] [J], domicilié [Adresse 1], pris en qualité de liquidateur de la société Les voyages Sindbad,
2°/ à Mme [C] [P] [E], domiciliée [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
II. Mme [C] [P] [E], a formé le pourvoi n° N 22-12.427 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Les Voyages Sindbad,société à responsabilité limitée, ayant pour nom commercial « Sindbad voyages »,
2°/ à M. [H] [M] [B],
3°/ à M. [W] [Z] [J], pris en qualité de liquidateur de la société Les voyages Sindbad,
défendeurs à la cassation.
M. [M] [B], défendeur au pourvoi n° N 22-12.427, a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi n° K 21-25.715 invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
La demanderesse au pourvoi principal n° N 22-12.427 invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
Le demandeur au pourvoi incident n° N 22-12.427 invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de M. Waguette, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mme [P] [E], de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de M. [M] [B], de la SCP Boullez, avocat de M. [J], pris en qualité de liquidateur de la société Les voyages Sindbad et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 novembre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Waguette, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° K 21-25.715 et n° N 22-12.427 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris,10 septembre 2020) et les productions, M. [M] [B] et Mme [P] [E] ont attrait la société Sindbad voyages devant un tribunal d'instance aux fins d'indemnisation de divers préjudices.
3. Le tribunal d'instance a rejeté leurs demandes par un jugement du 3 avril 2019, rectifié par jugement du 13 mai 2019, en le déclarant rendu en dernier ressort.
4. Mme [P] [E] et M. [M] [B] ont relevé appel de ces jugements.
5. Un conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des deux procédures et déclaré les appels irrecevables, par une ordonnance du 5 novembre 2019, que Mme [P] [E] et M. [M] [B] ont déférée à la cour d'appel.
Examen des moyens
Sur le second moyen du pourvoi n° N 22-12.427 pris en sa troisième branche et le second moyen du pourvoi incident pris en sa troisième branche qui sont identiques.
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal n° N 22-12.427 et le premier moyen du pourvoi incident qui sont identiques
Enoncé du moyen
7. Mme [P] [E] et M. [M] [B] font grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance déclarant irrecevable l'appel formé contre les jugements du tribunal d'instance de Pantin du 3 avril 2019, alors « que lorsqu'il est appelé à connaître, en matière civile, d'une action personnelle ou mobilière portant sur une demande dont le montant est inférieur ou égal à la somme de 4 000 euros, le tribunal d'instance statue en dernier ressort ; que, devant le tribunal d'instance, la procédure est orale ; que le montant du litige est évalué au regard des demandes telles qu'elles ont été formulées oralement devant le tribunal d'instance, en se référant, le cas échéant, au registre d'audience ; que Mme [P] [E] et M. [M] faisaient valoir, à l'appui de leur requête en déféré, qu'il résultait du registre d'audience du tribunal d'instance que, bien que, dans leur déclaration de saisine du tribunal en date du 12 août 2018, ils aient formulé une demande en principal de 2 060 euros et une demande de dommages et intérêts de 1 900 euros, ils avaient, à l'audience du 6 février 2019, présenté, en plus de ces demandes, une demande en remboursement d'une somme de 200 euros au titre d'un acompte sur des frais de modification de billets, de sorte que le montant du litige étant de 4 160 euros, le tribunal avait statué en premier ressort, ainsi qu'il l'avait à juste titre mentionné dans son jugement du 3 avril 2019 ; qu'ils ajoutaient qu'ils avaient également formulé à l'audience une demande indéterminée tendant à la nullité ou à la résolution du contrat l'unissant à la société Sinbad Voyages ; qu'en se bornant, pour dire que le montant du litige était inférieur à 4 000 euros, à se référer aux demandes formulées dans la déclaration de saisine du tribunal, aux mentions du jugement du 3 avril 2019 reprenant ces demandes sans faire état d'une demande indéterminée et aux mentions des conclusions de la société Sinbad Voyages reprenant les demandes chiffrées dans la déclaration de saisine du tribunal, sans rechercher, comme elle y était invitée, s'il ne résultait pas du registre d'audience que Mme [P] [E] et M. [M] avaient, lors de l'audience du 6 février 2019, ajouté à leurs demandes une demande en remboursement d'un acompte de 200 euros, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 221-4 du code de l'organisation judiciaire dans sa rédaction antérieure au décret du 30 août 2019, 33 à 35 du code de procédure civile et 846 du même code dans sa rédaction antérieure au décret du 11 décembre 2019. »
Réponse de la Cour
Vu l'article R.221-4 du code de l'organisation judiciaire, dans sa rédaction issue du décret n° 2008-522 du 2 juin 2008, l'article 846, dans sa rédaction issue du décret n° 2010-1165 du 1er octobre 2010 et l'article 455 du code de procédure civile :
8. Selon le premier de ces textes, lorsqu'il connaît, en matière civile, des actions personnelles ou mobilières portant sur une demande dont le montant est inférieur ou égal à la somme de 4 000 euros ou sur une demande indéterminée qui a pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant
est inférieur ou égal à cette somme, le tribunal d'instance statue en dernier
ressort.
9. Il résulte du deuxième que lorsque la procédure est orale, le juge ne statue que sur les prétentions exposées oralement à l'audience.
10. Selon le dernier de ces textes, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
11. Pour confirmer l'ordonnance déférée, l'arrêt énonce que la déclaration au greffe du tribunal d'instance faisait état de demandes d'un montant de 3 960 euros et que le jugement du 3 avril 2019, reprenant ces demandes, ne faisait état ni dans l'exposé du litige, ni dans les motifs, d'une question indéterminée, pas plus que dans les conclusions de la défenderesse devant le tribunal.
12. En se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme [P] [E] et M. [M] [B] qui faisaient valoir qu'il résultait du registre d'audience, versé aux débats, que les demandes formées excédaient la somme de 4 000 euros dont dépendait la recevabilité de leur appel, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences des textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
13. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt qui confirme l'ordonnance déclarant irrecevable l'appel formé contre le jugement du tribunal d'instance de Pantin du 3 avril 2019 entraîne la cassation du chef de dispositif qui confirme l'ordonnance déclarant irrecevable l'appel formé contre le jugement rectificatif du tribunal d'instance de Pantin du 13 mai 2019, qui s'y rattache par un lien d'indivisibilité.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne M. [J], en qualité de liquidateur de la société Les Voyages Sindbad, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille vingt-quatre.