LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
HP
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 janvier 2024
Rejet
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 63 F-D
Pourvoi n° N 22-16.107
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 17 JANVIER 2024
1°/ la société Pelegrina, anciennement dénommée D'Abroad, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ la société Fedinter, anciennement dénommée Pelegrina, dont le siège est [Adresse 2],
3°/ la société Groupe Duval, dont le siège est [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° N 22-16.107 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2022 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige les opposant à M. [O] [U], domicilié [Adresse 3], défendeur à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ollivier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société Pelegrina, anciennement dénommée D'Abroad, de la société Fedinter, anciennement dénommée Pelegrina, de la société Groupe Duval, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [U], après débats en l'audience publique du 6 décembre 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ollivier, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 mars 2022), M. [U] est le gérant de la société 2A2C, société de conseil de droit marocain, créée en février 2008. Le 31 juillet 2015, cette société a signé une convention d'assistance et de conseil avec la société Pelegrina, devenue la société Fedinter. A la suite de la réorganisation de la société Fedinter, cette convention a été rompue le 30 novembre 2015.
2. Une nouvelle convention d'assistance et de conseil a été conclue le 1er décembre 2015 entre la société 2A2C et la société d'Abroad, devenue la société Pelegrina, pour une durée de deux ans renouvelable. Cette convention a été résiliée le 21 avril 2017.
3. Par requête reçue au greffe le 8 août 2017, M. [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt aux fins de requalification en contrat de travail des conventions d'assistance et de conseil signées le 31 juillet et le 1er décembre 2015 et de condamnation des sociétés Pelegrina, Fedinter et Groupe Duval (les sociétés) à lui verser diverses sommes.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et sur les deuxième et troisième moyens
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
5. Les sociétés font grief à l'arrêt de déclarer le conseil de prud'hommes de
Boulogne-Billancourt compétent pour connaître du litige, renvoyer l'entier dossier devant cette juridiction et dire la loi française applicable au litige, alors :
« 2°/ qu'en application de l'article 10 du règlement CE n° 593/2008 du Parlement européen et du conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), l'existence et la validité du contrat ou d'une disposition de celui-ci sont soumises à la loi qui serait applicable en vertu du règlement si le contrat ou la disposition étaient valables ; qu'en vertu des articles 3 et 8 du même règlement, le contrat individuel de travail est régi par la loi choisie par les parties ou, à défaut de choix, par la loi du pays dans lequel ou à partir duquel le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail ; qu'en retenant que faute de définition du contrat de travail par le règlement Rome I, la question de l'existence d'un tel contrat entre Monsieur [U] et les sociétés Pelegrina, devenue Fedinter, et D'Abroad, devenue Pelegrina, devait être tranchée au regard des critères de loi nationale du tribunal saisi, la cour d'appel a violé les articles 3, 8 et 10 du règlement CE n° 593/2008 du Parlement européen et du conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) ;
3°/ que pour l'application des dispositions de l'article 8 du règlement CE n° 593/2008 du Parlement européen et du conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), l'existence d'une relation de travail est appréciée au regard des critères posés par la législation applicable sur le lieu où est exercée l'activité litigieuse ; qu'en retenant que la question de l'existence du contrat de travail entre Monsieur [U] et les sociétés Pelegrina, devenue Fedinter, et D'Abroad, devenue Pelegrina, devait être tranchée au regard des critères de la loi nationale du tribunal saisi, la cour d'appel a violé l'article 8 du règlement CE n° 593/2008 du Parlement européen et du conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I). »
Réponse de la Cour
6. Selon l'article 1er, §1, du règlement (CE) n° 593/2008, du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), ce règlement s'applique, dans les situations comportant un conflit de lois, aux obligations contractuelles relevant de la matière civile et commerciale.
7. Aux termes de l'article L. 1411-1, alinéa 1er, du code du travail, le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient.
8. Il en résulte que, cette disposition se rapportant non pas aux obligations contractuelles relevant de la matière civile et commerciale mais à la compétence du conseil de prud'hommes, l'appréciation de cette compétence n'est pas subordonnée à la détermination préalable de la loi applicable au contrat de travail en application du règlement n° 593/2008.
9. La cour d'appel a dès lors retenu à bon droit que la compétence du conseil de prud'hommes est subordonnée à l'existence d'un contrat de travail au sens de l'article L. 1411-1, alinéa 1er, du code du travail et que l'examen de la loi applicable au fond à un contrat de travail en application du règlement n° 593/2008 doit être précédé de celui portant sur l'existence d'un contrat de travail en application de l'article L. 1411-1, alinéa 1er , précité.
10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Pelegrina, Fedinter et Groupe Duval aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Pelegrina, Fedinter et Groupe Duval et les condamne à payer à M. [U] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept janvier deux mille vingt-quatre.