LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
HP
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 janvier 2024
Cassation partielle
M. BARINCOU, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président
Arrêt n° 46 F-D
Pourvoi n° U 22-19.724
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 17 JANVIER 2024
Mme [N] [C], domiciliée [Adresse 3], [Localité 2], a formé le pourvoi n° U 22-19.724 contre l'arrêt rendu le 24 mai 2022 par la cour d'appel de Nîmes (5e chambre sociale PH), dans le litige l'opposant à l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole de Nîmes Rodilhan, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de Mme [C], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole de Nîmes Rodilhan, après débats en l'audience publique du 5 décembre 2023 où étaient présents M. Barincou, conseiller le plus ancien faisant fonction de président et rapporteur, Mmes Grandemange, Panetta, conseillers, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 24 mai 2022), Mme [C] a été engagée, en qualité d'agent technique d'exploitation, le 2 avril 1990 par l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole de Nîmes Rodilhan.
2. Par courrier du 24 novembre 2014, l'employeur lui a proposé une modification de son contrat de travail que la salariée a refusée.
3. Par courrier du 20 janvier 2015, l'employeur a convoqué la salariée à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique puis le contrat de travail a été rompu, le 23 février 2015, par l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle proposé à la salariée.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que, dès lors que l'obligation de reclassement ne naît qu'au moment où l'employeur envisage le licenciement du salarié, la proposition de modification du contrat de travail pour motif économique ne constitue pas une offre de reclassement et le refus d'une telle proposition par le salarié ne dispense pas de son obligation de reclassement, l'employeur qui est tenu de proposer au salarié dont le licenciement est envisagé, le poste déjà proposé à titre de modification de son contrat ; qu'en se fondant, pour en déduire que l'employeur avait respecté son obligation de reclassement, sur le fait que celui-ci avait proposé à la salariée, par un courrier du 24 novembre 2014, une modification de son contrat de travail qu'elle avait refusée, cependant qu'il ressortait de ses constatations que cette modification avait été proposée avant que le licenciement ne soit envisagé, la cour d'appel, qui s'est déterminée par un motif inopérant, a violé l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa version antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa version antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 :
5. Il résulte de ce texte que l'employeur est tenu de proposer au salarié dont le licenciement économique est envisagé tous les emplois disponibles de même catégorie ou à défaut, d'une catégorie inférieure sans pouvoir limiter ses offres en fonction de la volonté présumée de l'intéressé de les refuser. En conséquence, le refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail pour motif économique ne dispense pas l'employeur de lui proposer le même poste dans le cadre de l'exécution de son obligation de reclassement.
6. Pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouter la salariée de ses demandes, l'arrêt retient d'abord que l'employeur justifie avoir proposé à la salariée une modification de ses fonctions par courrier en date du 24 novembre 2014 puis que ce poste, refusé par la salariée, a été accepté par une de ses collègues qui a signé le contrat de travail le 17 août 2015.
7. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser que l'employeur avait proposé à la salariée, dans le cadre de son obligation de reclassement, le poste que l'intéressée avait refusé au titre de la proposition de modification de son contrat de travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le second moyen
Enoncé du moyen
8. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son l'obligation de sécurité, alors « que l'obligation de prévention des risques professionnels est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral et ne se confond pas avec elle ; que l'employeur qui s'abstient de prendre des mesures à la suite de l'alerte de son salarié concernant les agissements de son supérieur hiérarchique manque à son obligation de sécurité ; qu'en s'abstenant de rechercher, après avoir constaté que la salariée qui avait été placée en arrêt pour maladie à compter du 19 septembre 2014 et avait dénoncé, par un courrier du 16 septembre 2014, les pressions exercées par son supérieur hiérarchique et la dégradation de ses conditions de travail, si l'employeur avait mis en place des actions de prévention et pris des mesures à la suite de la réception de ce courrier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4121-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 et de l'article L. 4121-2 du même code dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 4121-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 et l'article L. 4121-2 du même code dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
9. L'obligation de prévention des risques professionnels, qui résulte des textes susvisés, est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l'article L. 1152-1 du code du travail et ne se confond pas avec elle.
10. Pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, l'arrêt retient que les éléments produits par la salariée ne sont pas de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement, faute pour elle de rapporter la preuve de l'existence d'agissements répétés ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
11. En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, sans rechercher, comme il lui était demandé, alors qu'elle avait constaté que la salariée placée en arrêt maladie à compter du 19 septembre 2014, avait dénoncé par lettre du 16 septembre 2014, les pressions exercées par son supérieur hiérarchique et la dégradation de ses conditions de travail, si l'employeur avait mis place des actions de prévention et pris des mesures à la suite de cette alerte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [C] de ses demandes d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son l'obligation de sécurité et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 24 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole de Nîmes Rodilhan aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole de Nîmes Rodilhan et le condamne à payer à Mme [C] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept janvier deux mille vingt-quatre.