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17/01/2024 | FRANCE | N°42400015

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 17 janvier 2024, 42400015


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


COMM.


CH.B






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 17 janvier 2024








Cassation partielle




M. VIGNEAU, président






Arrêt n° 15 F-D


Pourvoi n° Q 21-25.443




Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [W].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 20 m

ars 2023.








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈR...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 janvier 2024

Cassation partielle

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 15 F-D

Pourvoi n° Q 21-25.443

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [W].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 20 mars 2023.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 17 JANVIER 2024

1°/ M. [F] [W],

2°/ Mme [C] [H], épouse [W],

domiciliés tous deux [Adresse 5],

ont formé le pourvoi n° Q 21-25.443 contre l'arrêt rendu le 22 juin 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-1), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme [Z] [O], veuve [B],

2°/ à Mme [X] [B],

domiciliées toutes deux [Adresse 2], et prises en qualité d'héritières de [L] [B],

3°/ à Mme [J] [B], domiciliée C/O SCP de Angelis, [Adresse 4], prise en qualité d'héritière de [L] [B],

4°/ à M. [A] [K], domicilié [Adresse 3], pris en qualité de liquidateur judiciaire de M. et Mme [W],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de M. [W] et de Mme [H], épouse [W], de la SCP Duhamel, avocat de Mme [O], veuve [B] et de Mmes [X] et [J] [B], ès qualités, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 novembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 juin 2021) et les productions, le 15 mai 1998, M. [W] a été mis en redressement judiciaire et cette procédure a été étendue à Mme [H], son épouse. Un plan de continuation a été adopté le 3 décembre 1999.

2. M. [W] et Mme [H] ont engagé une procédure judiciaire contre leur assureur, la société Erisa IARD (la société Erisa), au cours de laquelle ils ont mandaté [L] [B], avocat, pour assurer la défense de leurs intérêts. Un jugement du 23 juin 2009 a fixé le préjudice économique de M. [W] à hauteur de 70 000 euros, dont M. [W] et Mme [H], assistés de [L] [B], ont fait appel.

3. Par un jugement du 25 mai 2011, le plan de continuation de M. [W] et de Mme [H] a été résolu et leur liquidation judiciaire prononcée. Ils ont fait appel de ce jugement. Par une ordonnance du conseiller de la mise en état du 17 novembre 2011, leur appel a été déclaré caduc, faute d'avoir conclu.

4. Leur liquidateur, M. [P], a mandaté [L] [B] pour le représenter, ès qualités, devant la cour d'appel saisie de l'appel du jugement du 23 juin 2009 et a demandé l'attribution au profit de la procédure collective des sommes que la société HSBC serait amenée à verser. Par un arrêt du 20 novembre 2012, la cour d'appel a réformé le jugement et condamné la société HSBC à payer à M. [P], ès qualités, la somme de 204 496 euros, en principal, avec intérêts.

5. M. [W] et Mme [H] ont assigné en responsabilité [L] [B], lui reprochant de ne pas avoir accompli les diligences nécessaires qui auraient permis d'éviter que leur appel du jugement de liquidation judiciaire soit déclaré caduc, et d'avoir assuré leur représentation et celle du liquidateur lors de l'instance d'appel du jugement de fixation de leur préjudice économique, alors qu'ils étaient en conflit d'intérêts avec M. [P] sur l'attribution des dommages et intérêts à venir.

6. [L] [B] est décédé le [Date décès 1] 2020, en laissant pour lui succéder son épouse, Mme [O], et ses deux enfants, Mmes [X] et [J] [B], lesquelles ont repris l'instance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, et sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. M. [W] et Mme [H] font grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'exception d'irrecevabilité des demandes principales, puis, statuant à nouveau de ce chef, de déclarer irrecevables les demandes qu'ils dirigeaient contre les consorts [B], alors « que le débiteur, même dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens, conserve un droit propre à exercer une action en responsabilité professionnelle contre son avocat, dont les fautes ont conduit au prononcé de sa liquidation judiciaire, et à demander l'indemnisation des préjudices personnels résultant de cette liquidation ; que l'action engagée par M. et Mme [W] à l'encontre de leur avocat, M. [B], tendait à faire constater les fautes commises par celui-ci dans la procédure ayant conduit à la confirmation de leur liquidation judiciaire et à obtenir l'indemnisation des préjudices dont ils avaient personnellement souffert à raison de cette liquidation, notamment la perte du domicile familial et des bijoux de famille, le versement à la procédure collective d'une indemnité qui aurait dû leur revenir personnellement, outre l'indemnisation d'un préjudice moral ; qu'en déclarant cette action irrecevable, la cour d'appel a violé l'article L. 641-9 du code de commerce, ensemble les articles 31 et 32 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 641-9 du code de commerce :

9. Il résulte de ce texte que le débiteur en liquidation judiciaire n'est pas dessaisi de l'exercice d'une action tendant à obtenir réparation du préjudice moral qu'il prétend avoir subi, cette action étant attachée à sa personne et n'étant pas, comme telle, comprise dans la mission du liquidateur.

10. Pour déclarer irrecevables les demandes d'indemnisation de M. [W] et de Mme [H], l'arrêt retient d'abord qu'une action en responsabilité dirigée par un débiteur en liquidation judiciaire contre son conseil, au cours de la liquidation judiciaire et d'une procédure en recouvrement d'une indemnité pour préjudice économique à la suite d'un accident, ne vise pas à sanctionner une atteinte personnelle à ses droits mais tend à obtenir des fonds, qu'elle revêt un caractère patrimonial et non strictement personnel. L'arrêt retient ensuite que la nature des sommes à recouvrer, à l'occasion d'une des procédures en réparation d'atteintes personnelles, pour lesquelles le client estime que son avocat a commis des fautes, ne peut modifier l'objet principal de l'action qui ne concerne pas un droit propre, mais revêt un caractère purement patrimonial et qu'il en est ainsi du préjudice moral lié à une action patrimoniale qui ne résulte pas directement d'un droit attaché à la personne.

11. En statuant ainsi, alors que M. [W] et Mme [H] recherchaient la réparation, outre des préjudices matériels et financiers, des préjudices moraux liés à leur mise en liquidation judiciaire ayant, selon eux, entraîné une situation de dépendance financière pour M. [W] et des troubles médicaux pour Mme [H], ces actions étant attachées à leur personne, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

12. M. [W] et Mme [H] font grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'exception d'irrecevabilité des demandes principales, puis, statuant à nouveau de ce chef, de déclarer irrecevables leurs demandes et confirmer le jugement pour le surplus, alors : « qu'une cour d'appel, qui décide que la demande dont elle est saisie est irrecevable, excède ses pouvoirs en statuant au fond ; que la cour d'appel a estimé, au contraire des premiers juges, que l'action indemnitaire exercée par M. et Mme [W] était irrecevable par application de l'article L. 641-9 du code de commerce, aux termes duquel le débiteur en liquidation judiciaire ne peut exercer seul les droits et actions relatives à son patrimoine et entrant dans la mission du liquidateur, et, en conséquence, infirmé le jugement en tant qu'il avait écarté cette fin de non-recevoir, puis déclaré irrecevables toutes les demandes de M. et Mme [W] ; qu'en ajoutant, au dispositif de son arrêt, que le jugement était "confirmé pour le surplus", et en confirmant ainsi le chef du jugement ayant "débouté" M. et Mme [W] de toutes leurs demandes, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article 122 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 122 du code de procédure civile :

13. Il résulte de ce texte qu'une cour d'appel qui décide que la demande dont elle est saisie est irrecevable excède ses pouvoirs en statuant au fond.

14. La cour d'appel, qui, après avoir déclaré irrecevables les demandes de M. [W] et de Mme [H], a confirmé le jugement les ayant rejetées, a excédé ses pouvoirs et violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit n'y avoir lieu d'annuler le jugement rendu le 24 juin 2018 par le tribunal de grande instance de Digne-les-Bains, constate que l'instance a été régulièrement interrompue et reprise et dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les conclusions de Mme [O] et de Mmes [X] et [J] [B], l'arrêt rendu le 22 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne Mme [O] et Mmes [X] et [J] [B] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme [O] et Mmes [X] et [J] [B] à payer à M. [W] et à Mme [H] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept janvier deux mille vingt-quatre et signé par lui et Mme Vaissette, conseiller doyen qui en a délibéré, en remplacement de Mme Bélaval, conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 42400015
Date de la décision : 17/01/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix en Provence, 22 juin 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 17 jan. 2024, pourvoi n°42400015


Composition du Tribunal
Président : M. Vigneau (président)
Avocat(s) : SCP Duhamel, SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:42400015
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