LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Y 23-85.811 F-D
N° 00089
ODVS
9 JANVIER 2024
CASSATION SANS RENVOI
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 9 JANVIER 2024
Mme [N] [Z] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 3e section, en date du 5 octobre 2023, qui, dans l'information suivie contre elle des chefs de non-représentation d'enfant et soustraction d'enfant par ascendant, a prononcé sur une requête en incident d'exécution.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Rouvière, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de Mme [N] [Z], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 janvier 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Rouvière, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Par arrêt du 29 août 2023, la chambre de l'instruction, infirmant l'ordonnance du juge d'instruction plaçant Mme [N] [Z] sous contrôle judiciaire, a décerné mandat d'arrêt à l'encontre de cette dernière.
3. Le procureur général a saisi la chambre de l'instruction d'une requête en incident d'exécution.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la requête en rectification d'erreur matérielle recevable et a ordonné la rectification, alors :
« 1°/ que d'une part, la procédure en rectification d'erreur matérielle se heurte à l'interdiction absolue de modifier la chose jugée, de restreindre ou d'accroître les droits consacrés par la décision rendue ; qu'en l'espèce, le parquet général a formé une demande tendant à rectifier un arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Meaux qui avait infirmé une ordonnance de placement sous contrôle judiciaire de Mme [Z] et avait décerné à son encontre un mandat d'arrêt en sollicitant qu'un mandat de dépôt soit prononcé à son encontre ; qu'en considérant, pour accueillir la demande, qu' « il ressort des motifs de l'arrêt du 29 août 2023 que la chambre de l'instruction a, sans aucune possibilité d'équivoque, décidé d'infirmer l'ordonnance du juge d'instruction du 8 août 2023 refusant desaisir le Juge des libertés et de la détention et plaçant [N] [Z] sous contrôle judiciaire et, par voie de conséquence, de placer cette dernière en détention provisoire, et donc, de décemer mandat de dépôt à son encontre », la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision au regard des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 710, 711, 591 et 593 du code de procédure pénale, la substitution d'un mandat de dépôt à un mandat d'arrêt modifiant incontestablement l'autorité de la chose jugée et restreignant les droits de la personne mise en examen ;
2°/ que d'autre part et en tout état de cause, l'arrêt du 29 août 2023 avait décerné mandat d'arrêt à l'encontre de Mme [Z] en raison de son « absence » à l'audience de la chambre de l'instruction ; qu'il résulte nécessairement des motifs de l'arrêt, confirme à son dispositif, que c'est en raison de cette considération qu'avait été décerné le mandat d'arrêt ; que dès lors, la chambre de l'instruction ne pouvait lui substituer un mandat de dépôt sans violer les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 710, 711, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 710 du code de procédure pénale :
5. Il n'appartient pas à la juridiction saisie en application de ce texte de modifier, sous le couvert d'interprétation ou de rectification, la chose jugée en substituant à la décision initiale des dispositions nouvelles qui ne seraient pas la réparation d'erreurs matérielles.
6. Pour supprimer une phrase des motifs de l'arrêt rendu le 29 août 2023, tenant à l'absence de Mme [Z] devant la juridiction, et substituer, au dispositif, les mots « ordonne le placement en détention provisoire de [N] [Z], décerne mandat de dépôt à l'égard de [N] [Z] » aux mots « décerne mandat d'arrêt à l'encontre de [N] [Z] », l'arrêt attaqué énonce que la chambre de l'instruction a, sans aucune possibilité d'équivoque, décidé d'infirmer l'ordonnance du juge d'instruction plaçant Mme [Z] sous contrôle judiciaire, par voie de conséquence, de la placer en détention provisoire et donc de décerner mandat de dépôt à son encontre.
7. En modifiant ainsi la portée du dispositif de l'arrêt, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
8. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de la cassation
9. La cassation, n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris en date du 5 octobre 2023 ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du neuf janvier deux mille vingt-quatre.