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09/01/2024 | FRANCE | N°C2400088

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 09 janvier 2024, C2400088


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° X 23-85.810 F-D


N° 00088




ODVS
9 JANVIER 2024




CASSATION PARTIELLE




M. BONNAL président,
















R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 9 JANVIER 2024





> Mme [U] [P] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 10e section, en date du 29 août 2023, qui, dans l'information suivie contre elle des chefs de non-représentation d'enfant et...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° X 23-85.810 F-D

N° 00088

ODVS
9 JANVIER 2024

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 9 JANVIER 2024

Mme [U] [P] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 10e section, en date du 29 août 2023, qui, dans l'information suivie contre elle des chefs de non-représentation d'enfant et soustraction d'enfant par ascendant, a infirmé l'ordonnance du juge d'instruction la plaçant sous contrôle judiciaire.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Rouvière, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de Mme [U] [P], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 janvier 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Rouvière, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. De l'union de Mme [U] [P] et de M. [V] [I] est né [F] [I]-[P], le [Date naissance 1] 2012.

3. Après des décisions du juge aux affaires familiales accordant un droit de visite à M. [I] et du juge des enfants confiant le mineur aux services de l'aide sociale à l'enfance, Mme [P] a quitté son domicile avec son fils et sa fille [L], née en 2019.

4. Une information a été ouverte des chefs susvisés.

5. Interpellée au Portugal en exécution d'un mandat d'arrêt européen, elle a été remise aux autorités françaises le 7 août 2023 et mise en examen, le lendemain, de ces chefs par le juge d'instruction, qui, refusant de saisir le juge des libertés et de la détention aux fins de placement en détention provisoire, a ordonné son placement sous contrôle judiciaire.

6. Le procureur de la République a relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et le deuxième moyen, pris en sa quatrième branche

7. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le deuxième moyen, pris en ses trois premières branches

Enoncé du moyen

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité du mandat d'arrêt européen et a infirmé l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire en décernant mandat d'arrêt à son encontre, alors :

« 1°/ que d'une part le placement en détention provisoire d'une personne faisant connaître, lors de son interrogatoire par le juge d'instruction préalable à la saisine du juge des libertés et de la détention qu'elle exerce, à titre exclusif l'autorité parentale sur un mineur de seize ans au plus ayant chez elle sa résidence ne peut être ordonné sans que l'un des services ou l'une des personnes visés au septième alinéa de l'article 81 ait été chargé au préalable de rechercher et de proposer toutes mesures propres à éviter que la santé, la sécurité et la moralité du mineur ne soient en danger ou que les conditions de son éducation ne soient gravement compromises ; qu'en relevant que Mme [P] ne justifiait pas de l'exercice exclusif de l'autorité parentale sur sa fille de 4 ans, la chambre de l'instruction, qui a ajouté une condition qui n'est pas prévue par la loi, seul le fait de porter à la connaissance du juge d'instruction l'exercice exclusif de l'autorité parentale étant requise, a privé sa décision de base légale au regard des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 24 de la Charte des droits fondamentaux, 3.1 de la Convention internationale sur les droits de l'enfant, préliminaire, 137, 137-3, 144, 145, 145-5, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ qu'en outre, l'enquête prévue par les dispositions de l'article 145-5 du code de procédure pénale est requise sauf pour les crimes ou les délits commis contre les mineurs ; qu'au cas concret, il est reproché à l'exposante d'avoir porté atteinte à l'exercice de l'autorité parentale en méconnaissant les droits du père de son fils [F] né en 2002 ; que dès lors, en considérant que « les faits pour lesquels elle est mise en examen ont été commis au préjudice de son deuxième enfant mineur et du père de ce dernier » quand le délit n'avait pas été commis contre son fils mais portait atteinte à l'autorité parentale et qu'il n'était pas exclusif de l'application de l'article 145-5 précité s'agissant de sa fille [L] née en 2019, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 24 de la Charte des droits fondamentaux, 3.1 de la Convention internationale sur les droits de l'enfant, 227-5 et 227-7 du code pénal, préliminaire, 137, 137-3, 144, 145, 145-5, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

3°/ que d'autre part et en tout état de cause, a affirmé un fait en contradiction avec les pièces de la procédure en méconnaissance des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 24 de la Charte Fondamentaux de l'Union Européenne, 3.1 de la Convention internationale sur les droits de l'enfant, 372, 372-1 et 374 du code civil, préliminaire, 227-5 et 227-7 du code pénal, 81, 137, 137-3, 144, 145, 145-5, 591 et 593 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction qui a énoncé que Mme [P] ne justifiait pas de l'exercice exclusif de l'autorité parentale sur sa fille de 4 ans quand il résultait des pièces du dossier d'instruction que l'acte de naissance de la fillette était coté (D 57) et faisait mention de l'absence de lien de filiation paternelle, seule sa mère étant titulaire de l'autorité parentale. »

Réponse de la Cour

9. Pour écarter le moyen tiré de l'absence d'enquête relative aux mesures à prendre à l'égard des enfants mineurs de Mme [P] en cas de placement de celle-ci en détention provisoire, l'arrêt attaqué énonce que celle-ci ne produit pas l'acte de naissance de sa fille [L], mais seulement des rapports d'enquête sociale et une attestation de la caisse d'allocations familiales indiquant qu'elle élève seule cet enfant et que ces éléments sont insuffisants à démontrer l'absence de filiation paternelle pour cet enfant et l'exercice exclusif de l'autorité parentale.

10. En l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction, qui a souverainement apprécié la portée des éléments de preuve débattus devant elle, n'a méconnu aucun des textes visés au moyen, dès lors, d'une part, que l'application des dispositions de l'article 145-5 du code de procédure pénale suppose que la personne mise en examen ait non seulement fait connaître mais encore justifié qu'elle exerce à titre exclusif l'autorité parentale sur un mineur de seize ans ayant sa résidence habituelle chez elle, d'autre part, que la copie de l'acte de naissance figurant à la procédure ne suffisait pas, en raison de sa date, à établir l'absence de lien de filiation paternelle et un exercice exclusif de l'autorité parentale.

11. Ainsi, le moyen, inopérant en sa deuxième branche en ce qu'il critique des motifs surabondants de l'arrêt attaqué, doit être écarté.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité du mandat d'arrêt européen et a infirmé l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire en décernant mandat d'arrêt à son encontre, alors « que le mandat d'arrêt ne peut être décerné que si la personne est en fuite ou si elle réside hors du territoire de la République, ce mandat devant être nécessaire et proportionnée ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction qui a décerné mandat d'arrêt à l'encontre de l'exposante aux motifs, radicalement inopérants, qu'elle était absente à l'audience, sans examiner la réunion des conditions requises par la loi, pas plus que la nécessité ou la proportionnalité de ce mandat, a privé sa décision de base légale au regard des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 131, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 593 du code de procédure pénale :

13. Tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

14. Après avoir retenu, pour infirmer l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire, que Mme [P] avait pris la fuite au Portugal avec son fils pendant plus de quatre ans alors qu'un placement avait été ordonné par le juge des enfants, qu'elle n'a été déférée au juge d'instruction qu'après sa remise en exécution d'un mandat d'arrêt européen, que ces éléments témoignent de sa volonté de se soustraire à la justice française, qu'elle ne présente de garanties qu'au Portugal et qu'elle doit pouvoir être interrogée par le magistrat instructeur, l'arrêt attaqué énonce que, compte tenu de son absence à l'audience, un mandat d'arrêt sera décerné à son égard.

15. En se déterminant ainsi, sans établir que Mme [P], résidant hors du territoire de la République, était en fuite au jour où elle a statué et sans s'assurer, en fonction des circonstances de l'espèce, que la délivrance d'un mandat d'arrêt, à supposer qu'elle puisse prononcer une telle mesure, était strictement limitée aux nécessités de la procédure et proportionnée à la gravité de l'infraction reprochée, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision.

16. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

17. La cassation sera limitée aux dispositions de l'arrêt décernant mandat d'arrêt, les autres dispositions n'encourant pas la censure.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, mais en ses seules dispositions ayant décerné mandat d'arrêt à l'encontre de Mme [P], l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 29 août 2023,

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du neuf janvier deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2400088
Date de la décision : 09/01/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 29 août 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 09 jan. 2024, pourvoi n°C2400088


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 23/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:C2400088
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